Ukraine
La cour suprême suspend les résultats
(Photo : AFP)
Les épisodes continuent de se succéder à un rythme soutenu dans cette profonde crise politique que traverse le pays. Jeudi soir, la cour suprême, saisie par l’opposition, indiquait qu’elle suspendait l’annonce officielle des résultats de la présidentielle proclamant la victoire du candidat du pouvoir Viktor Ianoukovitch. La cour annonçait que la plainte pour fraude électorale déposée par l’opposant Viktor Iouchtchenko serait examinée le 29 novembre. C’est incontestablement un premier succès pour l’opposition qui, comme chaque jour depuis dimanche, date du scrutin présidentiel, mobilise une centaine de milliers de personnes sur la place de l’Indépendance, à Kiev. « Ce n’est qu’un début, c’est une petite compensation pour ce que nous avons enduré. Nous sommes sur la bonne voie », s’est félicité Viktor Iouchtchenko.
Aujourd’hui encore, les partisans de M. Iouchtchenko se sont rassemblés pour acclamer leur leader et exiger sa proclamation comme nouveau président élu. En dépit des températures toujours inférieures à 0° Celsius, la forte mobilisation des manifestants atteste la détermination de l’opposition à poursuivre le vaste mouvement de protestation qui parcourt le pays. Jeudi, à la mi-journée, le chef de l’opposition rappelait sa volonté de poursuivre le mouvement de protestation sous la forme d’une grève générale, alors que ses partisans menaçaient de bloquer les aéroports, les voies ferrées et les routes.
Chacun garde son sang-froid
La même détermination semble animer l’administration sortante et ses représentants, bien que la mobilisation populaire ne recrute guère plus que quelques milliers de personnes en leur faveur. Elle ont manifesté devant le siège du gouvernement, jeudi, pour saluer la victoire officiellement annoncée de leur président, Viktor Ianoukovitch, candidat de l’ancien N°1 Leonid Koutchma, victoire aujourd’hui suspendue à la décision de la cour suprême. Mais, en raison du poids de la mobilisation populaire et des soutiens internationaux en faveur de l’opposition, des défections sont enregistrées. Un vice-ministre de l’Economie et de l’Intégration européenne a ainsi annoncé sa démission pour exprimer sa solidarité avec ses compatriotes contestataires.
Arrivées presque au terme de cette semaine de manifestations, devant lesquelles le pouvoir n’a rien concédé, les deux parties semblent en tout cas manifester une volonté commune de ne pas provoquer l’irréparable et d’éviter le recours à la violence. En dépit du caractère massif de la protestation, chacun de part et d’autre garde son sang-froid et aucun incident dramatique, aucune provocation grave n’ont risqué d’entraîner le mouvement vers une situation de répression ou d’insurrection. Le commandant en chef des forces armées pour la région de l’Ouest a assuré que l’armée respecterait une stricte neutralité dans le débat en cours.
Appel à un arbitrage extérieur
L’Ukraine est aujourd’hui sous le microscope des observateurs internationaux et les circonstances dans lesquelles se déroule cette sortie de scrutin présidentiel s’invitent aux rendez-vous du calendrier diplomatique et suscitent des réactions qui rappellent furieusement la division Est-Ouest du monde. Alors que les Occidentaux soutiennent les dénonciations de la « falsification » électorale formulées par l’opposition, la Russie, fidèle au soutien qu’elle apporte au régime et à son candidat, entérine la version officielle et reconnaît l’élection du candidat Ianoukovitch. Mais, tant en Ukraine qu’à l’extérieur, les forces en présence semblent désormais chercher une solution de compromis pour sortir de la crise et en appellent à un arbitrage extérieur.
Jeudi, l’ancien président polonais, dont le pays est le plus fidèle avocat de l’Ukraine à l’adhésion à l’Union européenne, est allé à Kiev pour proposer sa médiation, affirmant qu’il était mandaté par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Lech Walesa a indiqué qu’il allait rencontrer toutes les parties en conflit pour tenter de résoudre la crise. Pendant ce temps, l’ancien président ukrainien Koutchma appelait les dirigeants lituanien et polonais à la rescousse. En conséquence, dans la journée, son homologue polonais Aleksander Kwasniewski proposait un plan en trois points, visant à vérifier les résultats, ne pas recourir à la force et à organiser une table ronde réunissant le pouvoir et l’opposition.
par Georges Abou
Article publié le 25/11/2004 Dernière mise à jour le 25/11/2004 à 17:58 TU