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Russie-Union européenne

Deux approches différentes sur l’Ukraine

José Manuel Durao Barroso, Vladimir Poutine, Jan Peter Balkenende, et Javier Solana lors du sommet Russie-UE à La Haye. La situation entre les deux parties était tendue avant même le début des travaux.  

		(Photo : AFP)
José Manuel Durao Barroso, Vladimir Poutine, Jan Peter Balkenende, et Javier Solana lors du sommet Russie-UE à La Haye. La situation entre les deux parties était tendue avant même le début des travaux.
(Photo : AFP)
Invité surprise du sommet Russie-Union européenne de La Haye, le dossier de la très controversée présidentielle ukrainienne a révélé les profondes divergences entre Moscou et les Vingt-cinq. Car si Vladimir Poutine a une nouvelle fois chaleureusement félicité le Premier ministre sortant, Viktor Ianoukovitch, les Européens ont eux choisi de prendre leurs distances avec le nouveau pouvoir de Kiev en estimant notamment que l’Union «ne pouvait accepter le résultat» de ce scrutin. Les Etats-Unis pour leur part avaient, dès l’annonce officielle par la commission électorale de la victoire du favori du Kremlin, jugé illégitime ce résultat. «Si le gouvernement ukrainien n'agit pas immédiatement et de manière responsable, nos relations en pâtiront», avait même menacé le secrétaire d’Etat américain Colin Powell.

Loin de rapprocher les positions sur la question ukrainienne, le sommet de La Haye n’a fait que creuser le fossé entre Russes et Européens. Au point où le Premier ministre néerlandais –dont le pays assure actuellement la présidence de l’Union– a cru bon devoir préciser d’entrée de jeu que la Russie et l’UE avaient «une approche différente» sur ce dossier. Jan Peter Balkenende a cependant insisté sur le fait que les deux parties étaient tombées «d’accord pour dire qu’une approche pacifique était nécessaire» pour tenter de régler cette crise qui a jeté depuis dimanche dans les rues du pays des centaines de milliers d’Ukrainiens plus que jamais déterminés à faire entendre leur voix. Mais la situation était déjà tendue avant même le début du sommet. La présidence néerlandaise n’avait en effet pas hésité à demander aux autorités ukrainiennes d'enquêter sur les plaintes qui ont suivi une élection présidentielle qui, selon elle, «ne répond pas aux critères internationaux d'un scrutin démocratique». Réponse du berger à la bergère, le Kremlin avait dans la foulée fait savoir que le président Poutine avait envoyé un télégramme de félicitations à Viktor Ianoukovitch. «Je vous félicite pour votre élection. Le peuple ukrainien a fait son choix, le choix de la stabilité, du renforcement de l'Etat, du développement des structures démocratiques et économiques», a notamment affirmé dans ce message le chef de l’Etat russe.

Ces opinions arrêtées d’entrée de jeu, la conférence de presse qui a suivi les travaux du sommet de La Haye a donc été une occasion de plus pour chacune des deux parties de camper sur ses positions. Alors que Jan Peter Balkenende réaffirmait que les élections ukrainiennes n'ayant pas respecté les normes internationales, «l’Union européenne ne pouvait en accepter les résultats», Vladimir Poutine estimait pour sa part que les résultats de ce scrutin étaient «transparents». «Pendant le comptage final des votes, les représentants de l'opposition ont signé tous les documents qui ont permis à la commission électorale ukrainienne de conclure que M. Ianoukovitch était le vainqueur», a-t-il  justifié, expliquant que c'était la raison pour laquelle il avait félicité le candidat du pouvoir.

Négociations Russie-UE repoussées à mai 2005

Mais malgré ce dialogue de sourds, Russes et Européens sont tout de même parvenus à la conclusion que la crise ukrainienne devait être résolue par la négociation et non par la violence, même si aucun engagement d’une coopération allant dans ce sens n’a été pris. Vladimir Poutine a notamment fait valoir que les problèmes relatifs à l'élection en Ukraine «devraient être réglés dans le cadre de la constitution et de la législation» de ce pays. «Les plaintes, a-t-il affirmé, devraient être examinées par les tribunaux». Et dans une pique à ce qu’il considère être de l’ingérence de la part de l’Union, le chef du Kremlin a indiqué que son pays ne croyait pas avoir le droit d'intervenir de quelque manière que ce soit dans le processus électoral en Ukraine. «Je suis profondément convaincu, a-t-il insisté, que nous n'avons pas le droit moral de pousser un grand Etat européen à des désordres de grande ampleur». Vladimir Poutine s’était rendu à deux reprises à Kiev pour apporter son soutien à Viktor Ianoukovitch et l’avait félicité avant même la publication des résultats du scrutin.

En s’imposant au sommet de La Haye, la crise ukrainienne n’a par ailleurs pas facilité les négociations en cours entre Russes et Européens qui n'ont pas réussi, comme il fallait s’y attendre, à s'entendre sur l'ensemble des contours de leur future coopération. «Nous espérons que ce travail pourra être accompli d'ici le prochain sommet à Moscou» prévu en mai 2005, a cependant déclaré Vladimir Poutine. «Nous préférons la qualité à la rapidité», a aussitôt renchéri le Premier ministre néerlandais, en émettant le même souhait. L’Union européenne et la Russie cherchent à établir quatre «espaces communs» censés structurer leurs relations bilatérales dans le domaine de l'économie, dans celui de la sécurité extérieure, dans celui de la liberté, de la sécurité intérieure et de la justice, et enfin dans celui de la recherche et de l'éducation. Et si le sommet de La Haye n’a pas permis de conclure les négociations en cours, Russes et  Européens auront cependant réussi à se mettre d'accord sur la mise en place d’un «forum de consultations sur la question des droits de l'Homme».



par Mounia  Daoudi

Article publié le 25/11/2004 Dernière mise à jour le 25/11/2004 à 17:04 TU