Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Bioéthique

Les Suisses pour la recherche sur les cellules souches

Les cellules souches peuvent donner naissance à toutes sortes de cellules spécifiques, qu'elles soient musculaires, nerveuses ou sanguines. 

		(Photo : IFA)
Les cellules souches peuvent donner naissance à toutes sortes de cellules spécifiques, qu'elles soient musculaires, nerveuses ou sanguines.
(Photo : IFA)
Les Suisses ont approuvé à une très large majorité par référendum une loi autorisant dans des conditions très strictes la recherche sur les cellules souches prélevées sur des embryons humains. La confédération helvétique entre ainsi dans un club très fermé auquel a récemment adhéré l’Espagne du socialiste Zapatero mais également la Californie qui espère ainsi attirer des scientifiques du monde entier et devenir un nouveau pôle de recherche dans ce domaine de pointe.

Une fois n’est pas coutume, les partis politiques suisses de tous bords –exceptés les écologistes– ainsi que les milieux scientifique et économique ont tous défendu la même ligne. Ils ont massivement appelé à voter en faveur de la loi, déjà adoptée par le parlement en 2003, qui autorise la recherche sur des cellules souches d’embryons humains. Même si la participation au référendum de dimanche a été plutôt faible –36% des électeurs se sont rendus aux urnes– deux tiers des votants ont cependant approuvé la loi, déjouant les pronostics qui donnaient pourtant les deux camps au coude à coude. Ce plébiscite est un soulagement pour le gouvernement fédéral qui l’a interprété comme un vote de confiance pour la recherche médicale. Il est vrai que les autorités n’avaient pas ménagé leurs efforts ces dernières semaines pour contrecarrer les adversaires de la loi. Une brochure avait notamment été éditée expliquant que cette recherche était «porteuse d’espoir» notamment pour le traitement de la paralysie, des maladies du cœur, du diabète et de la maladie de Parkinson. «Au vu de la souffrance causée par ses maladies graves et aujourd’hui incurables, il serait erroné d’empêcher cette recherche en Suisse», faisait notamment valoir le texte distribué.

Ce discours a donc largement été entendu puisque ni les Verts, qui ont mis en garde contre «l’instrumentalisation du corps humain», ni les opposants conservateurs et religieux n’ont réussi à convaincre. Les premiers ont dénoncé l’adoption d’une loi qui allait autoriser «le lobby de la recherche et de l’économie» à avoir le champ libre pour produire des embryons uniquement à des fins de recherches tandis que les seconds, qui estiment que l’embryon doit être considéré comme un être humain, se sont insurgés contre un «sacrifice» fait au nom de la recherche. «La loi sur les cellules souches retire le droit d’exister à des êtres humains sans défense», s’est notamment indignée la société suisse de bioéthique, qui a fortement milité, avec les groupes anti-avortement et les associations de médecins catholiques et évangéliques, pour que la loi sur la recherche des cellules souches soit soumise au vote populaire.

Une législation extrêmement stricte

L’approbation de cette loi ne signifie pas pour autant, quoiqu’en dises ses détracteurs, que la porte sera ouverte à toutes les expérimentations. Les législateurs ont en effet adopté un texte extrêmement restrictif qui fait de la Suisse un pays relativement conservateur au regard d’autres Etats –comme la Grande-Bretagne ou la Belgique– où les lois en vigueur sont les plus libérales, autorisant notamment le clonage. En Suisse le texte adopté par le parlement et massivement approuvé dimanche, entend ainsi garantir toute forme d'abus, en exigeant notamment que tout projet de recherche soit au préalable approuvé par une «commission d'éthique compétente» en fonction de critères éthiques et scientifiques. La loi interdit également la production des embryons à des fins de recherche ou à la création de clone. Les cellules souches seront en effet issues exclusivement d'embryons surnuméraires, c'est-à-dire d'embryons qui ont été produits lors de fécondations in vitro et qui sont de toutes façons détruits si les parents refusent qu’ils soient utilisés par la recherche. Dans le cas contraire, les couples concernés devront donner leur consentement écrit pour l’utilisation des embryons surnuméraires. La loi, enfin, interdit le clonage et précise que cellules souches et embryons surnuméraires ne pourront être cédés ou obtenus que gratuitement.

Avec l’adoption de cette législation, la Suisse rejoint d’autres pays comme la France, l’Espagne –qui a donné son feu vert à la recherche sur les cellules souches le 31 octobre dernier–, les Pays-Bas, la Finlande et la Grèce qui autorisent l’utilisation d’embryons surnuméraires pour la recherche mais qui interdisent leur production. En Allemagne et en Autriche, la loi est plus stricte car elle stipule que seules les cellules importées peuvent faire l’objet d’études. La Grande-Bretagne et la Belgique restent les deux pays où la législation est la plus libérale. Le Premier ministre britannique, Tony Blair, a d’ailleurs récemment souhaité que son pays devienne le leader mondial dans le domaine de la recherche sur les cellules souches. «Nous n'arrêterons pas la recherche dans ce domaine. Les bénéfices éventuels sont énormes. Nous ne pouvons pas refuser aux personnes qui souffrent de la maladie d'Alzheimer, du syndrome de Parkinson ou qui ont eu une attaque cardiaque ou des problèmes de moelle épinière un espoir de guérison», avait-il notamment défendu.

De l’autre côté de l’Atlantique, la Californie s’est distinguée du reste des Etats-Unis en adoptant, elle aussi, par référendum –par 59% des voix contre 41%– une législation autorisant la recherche sur cellules souches embryonnaires. Cette loi va permettre l’octroi à ce domaine de 295 millions de dollars par an de fonds publics sur une décennie. Elle vient contrecarrer la décision prise en août 2001 par le président Bush d’interdire le financement public de recherches impliquant la destruction d’embryons pour la production de nouvelles souches embryonnaires.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 30/11/2004 Dernière mise à jour le 30/11/2004 à 16:18 TU