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Proche-Orient

Une nouvelle page dans les relations syro-palestiniennes

Dès son arrivée à Damas, le nouveau chef de l'OLP Mahmoud Abbas (G) a été reçu par le président syrien Bachar al Assad (D). 

		(Photo : AFP)
Dès son arrivée à Damas, le nouveau chef de l'OLP Mahmoud Abbas (G) a été reçu par le président syrien Bachar al Assad (D).
(Photo : AFP)
Une délégation palestinienne de très haut rang comprenant le chef de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Mahmoud Abbas, le Premier ministre de l’Autorité palestinienne, Ahmed Qoreï et son chef de la diplomatie, Nabil Chaath, s’est rendue à Damas lundi pour sceller la réconciliation avec le régime de Bachar al-Assad qui entretenait jusque-là des relations glaciales avec la direction palestinienne et son leader historique Yasser Arafat, décédé le 11 novembre dernier. Cette visite a également été l’occasion de resserrer les liens avec l’opposition palestinienne en exil dans la capitale syrienne à quelques semaines de l’élection présidentielle prévue le 9 janvier prochain.

L’aversion pour Yasser Arafat des dirigeants syriens –qui ne lui ont notamment jamais pardonné d’avoir signé des accords de paix séparés avec Israël– n’était un secret pour personne. L’ancien chef de l’OLP, dont la dernière visite à Damas, après dix-sept années d’absence, remontait à 2000 à l’occasion des funérailles du président Hafez al-Assad, était en effet persona non grata en Syrie où ses opposants étaient en revanche accueillis à bras ouverts. Aussi la présence le mois dernier au Caire, tenue secrète jusqu’au dernier moment, de Bachar al-Assad venu assister aux obsèques officielles de Yasser Arafat, avait été très remarquée. Elle était même apparue aux yeux des observateurs de la scène politique régionale comme significative d’un changement d’attitude du régime de Damas à l’égard de l’Autorité palestinienne dont il n’a pourtant jamais reconnu l’existence.

La visite officielle à Damas quelques semaines plus tard de la nouvelle direction palestinienne est donc venue confirmer cette volonté syrienne de tourner la page sur des décennies de relations tumultueuses avec les dirigeants palestiniens. Car si au début des années 60, l’ancien président Hafez al-Assad a certes entretenu des liens étroits avec Yasser Arafat –la Syrie était alors la base arrière du Fatah qui menait ses attaques contre Israël à partir de son territoire– la lune de miel entre les deux hommes n’a guère duré, Damas ne comprenant pas le besoin d’indépendance affiché par le leader palestinien. Les rapports se sont notamment fortement dégradés après l’assassinat en 1966 d’un agent syrien, Youssef Ourabi, infiltré dans les rangs palestiniens. Yasser Arafat avait été, à l’occasion de cette affaire, incarcéré quarante jours durant et le meurtrier de l’agent syrien, Abdelmajid Zaghmout, a passé trente-deux années dans les geôles syriennes.

Mais le point de rupture a été atteint en 1993 avec la décision historique prise par l’ancien chef de l’OLP de signer les accords d’Oslo et de donner ainsi naissance à l’Autorité palestinienne. Une décision que le régime de Damas ne pardonnera jamais à Yasser Arafat dans la mesure où, pour Hafez al-Assad, le règlement du dossier palestinien devait être négocié dans le cadre d’une paix israélo-arabe globale. La disparition de l’ancien homme fort du régime syrien ne changera pas pour autant la donne, son fils Bachar al-Assad poursuivant sa politique même si au cours de ces derniers mois Damas avait, à de nombreuses reprises, apporté son soutien au vieux raïs malade alors cloîtré dans son quartier général de Ramallah et menacé d’expulsion par le Premier ministre israélien Ariel Sharon. 

Rencontre avec l’opposition radicale en exil

L’invitation lancée par Damas à la nouvelle direction palestinienne moins d’un mois après la disparition de Yasser Arafat a donc été l’occasion d’ouvrir un nouveau chapitre dans les relations syro-palestiniennes. Recevant Mahmoud Abbas, le président Bachar al-Assad a ainsi tenu à affirmer «le soutien de la Syrie à la lutte et à l’unité nationale du peuple palestinien» ainsi qu’à l’élection présidentielle du 9 janvier prochain. Le chef de l’OLP n’a pas été en reste, se prononçant en faveur d’une paix israélo-arabe globale. «La situation palestino-israélienne et la situation syro-israélienne nécessitent une certaine forme de coordination et de consultations afin que les Israéliens n'exploitent pas nos positions respectives. Par conséquent, nous souhaitons avancer côte à côte», a notamment fait valoir l’ancien Premier ministre, candidat du Fatah au scrutin de janvier.

Cet empressement de Damas à renouer avec les Palestiniens n’est sans doute pas étranger aux changements récemment intervenus sur la scène régionale. Bachar al-Assad pouvait en effet difficilement continuer à ignorer la nouvelle direction palestinienne alors qu’elle recevait un soutien appuyé de la communauté internationale. Il ne pouvait pas non plus ne pas prendre en compte le nouvel intérêt de l’administration Bush pour le dossier du Proche-Orient ou encore le rapprochement survenu entre Egyptiens et Israéliens.

Dans ce contexte, le souci de briser l’isolement de la Syrie n’a donc pu que contribuer à ce changement d’attitude de Damas dont la meilleure illustration est sans doute la rencontre qui a réuni l’opposition radicale palestinienne en exil avec la délégation conduite par Mahmoud Abbas. Jamais un tel événement n’aurait en effet pu avoir lieu sans la pression des autorités syriennes. «Nous espérons que le dialogue palestinien aboutira car il répond aux intérêts nationaux du peuple palestinien. C'est également une demande syrienne», avait d’ailleurs fait valoir le chef de la diplomatie syrienne, l’inamovible Farouk al-Chareh. Le chef de l’OLP, qui avait pourtant dans un premier temps affirmé qu’il ne s’entretiendrait pas avec les représentants dans la capitale syrienne du Hamas, du Jihad islamique et du Front populaire de la Palestine-Commandement général –«le dialogue a commencé à l’intérieur (des Territoires palestiniens) et se poursuivra à l’intérieur», avait justifié son entourage–, a finalement changé d’avis en les recevant tous. Cette rencontre pourrait d’ailleurs s’avérer capitale pour la finalisation d’une trêve dans les violences anti-israéliennes actuellement en cours de négociation avec les groupes radicaux palestiniens à Gaza dans la perspective de l’élection présidentielle de janvier. Mais là encore, tout dépendra de l’attitude du gouvernement d’Ariel Sharon. 



par Mounia  Daoudi

Article publié le 07/12/2004 Dernière mise à jour le 07/12/2004 à 17:29 TU