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Guinée

Un technicien comme Premier ministre

Huit mois après la démission et le départ à l’étranger de l’ancien Premier ministre, Cellou Dalein Diallo a été désigné à la tête du gouvernement guinéen. C’est un « technicien » dont la nomination laisse notamment entrevoir la possibilité d’une reprise du dialogue avec les bailleurs de fonds.
Un sourire onctueux, une attitude humble, une posture droite, Cellou Dalein Diallo a gardé l’aspect du banquier qu’il fut. Mais depuis 1996, il y ajoute l’assurance et la confiance en soi du ministre qu’il est devenu. Entré au gouvernement sous la houlette de Sidia Touré, ce technicien de haut niveau s’est occupé successivement des infrastructures, des transports et des travaux publics, avant de gérer depuis mars dernier le fructueux ministère de la Pêche. Des dossiers économiques pour cet universitaire de formation, ex-inspecteur général du commerce et ancien cadre de la banque nationale.

 Cellou Dalein Diallo a toujours préféré le charme lustré des bureaux de banquier aux ivresses trompeuses de l’arène politique. On ne le voit jamais dans les rassemblements  politiques, on lit peu son nom dans les colonnes des journaux. Il s’épanouit à l’ombre des bilans quand d’autres luttent sous le soleil implacable des tribunes populaires. Issu d’une famille d’imams, ce natif de Labbé a préféré un cursus de haut fonctionnaire au parcours ingrat du militant de base. Technocrate, il s’est davantage illustré par ses qualités de gestionnaire que par son engagement au service du PUP, le Parti de l’unité et du progrès fondé par le président Lansana Conté. Cellou Dalein Diallo n’appartient pas aux instances dirigeantes du PUP. Mais quand il s’est agi de mener campagne pour la réélection du chef de l’Etat, on l’a vu arpenter les collines du Fouta Djallon, sa province natale, pour porter la bonne parole.

Engagement discret, certes, mais engagement réel. Et à défaut de brevet de militantisme, il peut toujours exhiber ses preuves de fidélité. Cellou Dalein Diallo parie sur la durée. En poste depuis près de neuf ans, il est bien parti pour battre des records au sein de l’équipe gouvernementale. Mais sa discrétion, sa fidélité et son intelligence suffiront-elles pour tenir la barre d’un vaisseau ivre, secoué par les tempêtes de l’inflation et menacé par les récifs de la banqueroute ? Cellou Diallo a-t-il la main suffisamment ferme ?

Quelle marge de manœuvre ?

L’opposition se demande d’abord s’il aura les mains libres. Son prédécesseur, François Loucéni Fall s’est littéralement enfui à l’étranger au bout de deux mois, préférant démissionner loin de la colère du général-président. Fall se plaignait de n’avoir aucune marge de manœuvre, aucune possibilité de changer l’ordre des choses. Diallo aura-t-il plus de latitude dans ses décisions ? Pour l’heure c’est la grande question. Et si l’opposant Mamadou Bah veut bien lui accorder le bénéfice du doute, il rappelle cependant qu’en Guinée « c’est Lansana Conté qui décide de tout ». Par ailleurs, la fonction contient ses propres limites : en Guinée, le Premier ministre n’est pas le chef du gouvernement, mais le primus inter pares, le premier entre ses égaux.

Reste qu’en se choisissant un nouveau Premier ministre, 7 mois après la démission de François Fall, Lansana Conté referme une douloureuse parenthèse. Il met un terme aux accusations de vacance du pouvoir lancées par l’opposition. Enfin, il laisse entrevoir la possibilité d’une reprise du dialogue avec les bailleurs de fonds. Cellou Dalein Diallo est en effet rompu aux négociations avec le FMI, la Banque mondiale et l’Union européenne. Aura-t-il la possibilité d’exercer ses talents de négociateur avec l’opposition politique ? La réponse appartient au chef de l’Etat.



par Olivier  Rogez

Article publié le 10/12/2004 Dernière mise à jour le 10/12/2004 à 15:19 TU