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Irak

Retrait du principal parti sunnite des élections

Mohsen Abdel Hamid, le chef du principal parti sunnite a justifié le retrait de sa formation des élections par la recrudescence des violences en Irak. 

		(Photo : AFP)
Mohsen Abdel Hamid, le chef du principal parti sunnite a justifié le retrait de sa formation des élections par la recrudescence des violences en Irak.
(Photo : AFP)
Malgré la confiance affichée par le gouvernement d’Iyad Allaoui, largement partagée par l’administration Bush, la recrudescence ces derniers jours des violences en Irak laisse planer un sérieux doute quant au bon déroulement des élections générales du 30 janvier prochain. Pour la seule journée de mardi, une quarantaine de personnes au moins, essentiellement des policiers et des gardes nationaux irakiens, ont été tuées dans différentes attaques menées par la guérilla. C’est dans ce climat de violences que le Parti islamique irakien, principale formation sunnite, a annoncé qu’il ne participerait pas au scrutin qui doit se tenir dans un peu plus d’un mois. Cette annonce est intervenue quelques heures avant la diffusion d’un message audio du chef d’al-Qaïda Oussama Ben Laden affirmant que toute personne prenant part à ce scrutin serait considérée comme «infidèle».

A moins de cinq semaines des élections, la guérilla irakienne a intensifié ses opérations à travers le pays dans le but affiché d’empêcher une transition que le gouvernement d’Iyad Allaoui mais aussi ses mentors américains encouragent par tous les moyens. Soucieux de voir toutes les communautés représentées dans la future assemblée nationale, le secrétaire d’Etat américain Colin Powell a ainsi exhorté mardi la minorité sunnite à voter en janvier et à ne pas se «priver elle-même de l’occasion de s’exprimer pour l’avenir de son pays». «Nous ferons tout ce qui est possible pour assurer la sécurité dans les régions à majorité sunnite», a-t-il notamment insisté. Ces déclarations du chef de la diplomatie américaine sur la chaîne de télévision CNN sont intervenues quelques heures après que le Parti islamique irakien, la principale formation sunnite, ait annoncé sa décision de ne pas participer au vote. «La situation est très grave et il y a plus de six provinces –sur les dix-huit que compte le pays– où le scrutin ne pourra pas se tenir de manière normale», a notamment déclaré Mohsen Abdel Hamid, le chef de ce mouvement, ajoutant que «les élections ne peuvent être crédibles sans la participation de toutes les provinces».

La presse américaine avait révélé dimanche que l’administration Bush avait entamé des pourparlers avec des dirigeants irakiens sur la possibilité de garantir à des sunnites des postes de responsabilité au sein du prochain gouvernement irakien et cela quels que soient les résultats des élections. Citant un diplomate occidental, le New York Times précisait que des discussions avaient notamment eu lieu avec un conseiller du grand ayatollah Ali Sistani, figure emblématique des chiites d'Irak, sur la possibilité d'ajouter à l'assemblée nationale de 275 membres des sunnites ayant obtenu un grand nombre de voix, même s'ils ont perdu face à des candidats non sunnites. Interrogé mardi à ce sujet, Colin Powell a nié que les Etats-Unis cherchent à créer un mécanisme électoral permettant d'augmenter la représentation sunnite. Il a toutefois laissé entendre que les dirigeants irakiens devaient tenter d'intégrer des sunnites au gouvernement. «Pour que le gouvernement soit représentatif et efficace, il faudrait assurément que l'assemblée nationale provisoire prenne en compte le mélange ethnique du pays et trouve un moyen de garantir que toutes les composantes du pays aient la conviction de jouer un rôle approprié dans le gouvernement», a-t-il fait valoir.

Ben Laden s’invite dans la campagne

Mais cet engagement des Etats-Unis à assurer une représentativité de la communauté sunnite dans les nouvelles instances irakiennes est cependant loin de garantir une participation de cette minorité au scrutin de janvier. Un message audio appelant au boycott des élections et attribué au chef d’al-Qaïda est en effet venu jeter le trouble dans la campagne. «Quiconque participera à ces élections sera un infidèle», avertit la voix d’Oussama Ben Laden qui appelle également les Irakiens à «se méfier de ces charlatans qui sous l’apparence de partis islamiques invitent le peuple à participer au scrutin». Plus inquiétant encore est le soutien apporté au terroriste jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui adoubé «émir de l’organisation al-Qaïda au pays du Rafidaïn –Mésopotamie–». «Les frères sont tenus de l’écouter et de lui obéir pour leur bien», affirme la voix d’Oussama Ben Laden.

Selon plusieurs analystes de la scène politique irakienne, l’intervention du chef d’al-Qaïda dans la campagne électorale en cours pourrait bien avoir pour conséquence une intensification des violences. «Son appel revêt le caractère d’une fatwa –décret religieux– autorisant l’effusion du sang de quiconque, candidat ou électeur, participera au scrutin», estime ainsi Abdelbari Atwan, le rédacteur en chef du quotidien arabe londonien al-Qods al-Arabi. Selon lui, cet appel prend en outre «le contre-pied de celui attribué au grand ayatollah Ali Sistani –figure emblématique des chiites– considérant comme infidèle quiconque boycotte les élections». La communauté chiite a dernièrement été la cible de plusieurs attentats. Le dernier en date a visé lundi Abdel Aziz Hakim, le chef du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak, grand favori des élections du 30 janvier. Il a coûté la vie à treize personnes et provoqué une crispation dans cette communauté majoritaire en Irak et écartée du pouvoir par l’ancien régime.

Le directeur de l’Observatoire islamique, un organisme privé basé à Londres, prévoit lui aussi une recrudescence des violences. «L’appel de Ben Laden va donner une nouvelle impulsion aux groupes armés qui mettront les bouchées doubles dans leurs opérations en Irak», a estimé Yasser al-Sirri pour qui l’Irak dispose désormais d’un émir –abou Moussab al-Zarqaoui– sous la bannière duquel les organisations islamistes et les groupes armés pourront se ranger. Car en désignant le terroriste jordanien comme son représentant en Irak, Oussama Ben Laden a non seulement approuvé toutes les opérations qu’il avait jusque-là revendiquées –enlèvement et décapitation des otages– mais il a surtout officiellement désigné ce pays comme la nouvelle terre du jihad.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 28/12/2004 Dernière mise à jour le 28/12/2004 à 16:20 TU