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Irak

Dimanche meurtrier en pays chiite

Les attentats perpétrés à Najaf et Kerbala ont fait au moins 66 morts et plus de 200 blessés.  

		(Photo : AFP)
Les attentats perpétrés à Najaf et Kerbala ont fait au moins 66 morts et plus de 200 blessés.
(Photo : AFP)
Après des semaines d’accalmie, le pays chiite est de nouveau en proie aux pires violences. Les villes saintes de Najaf et Kerbala ont en effet été frappées dimanche par deux attentats sanglants qui ont fait, selon un dernier bilan, au moins soixante-six morts et plus de deux cents blessés. Ces attaques, survenues cinq jours après le lancement de la campagne officielle pour les élections générales du 30 janvier où les chiites –majoritaires en Irak– partent grand favoris, laissent craindre le pire. Soucieux d’éviter un bain de sang destiné à venger les victimes de dimanche, la plupart des dignitaires chiites –y compris le chef radical Moqtada al-Sadr– ont d’ailleurs appelé leur communauté au calme, exigeant du gouvernement d’Iyad Allaoui qu’il arrête et punisse les responsables de ce carnage.

Les attaques de dimanche, vraisemblablement coordonnées, ont été perpétrées pour faire un maximum de victimes civiles. A Kerbala, où se trouve le mausolée de l’imam Hussein, un kamikaze a ainsi tenté en vain de pénétrer dans un centre de recrutement de la police avant de diriger son véhicule piégé vers la gare routière et y déclencher sa charge. L’explosion de très forte intensité a détruit une dizaine d’autobus, tuant sur le coup quatorze personnes. Une soixante de blessés ont en outre été transférés dans les hôpitaux de la ville, dont certains sont toujours dans un état critique. A Najaf, le bilan a été encore plus meurtrier. Deux heures exactement après l’attentat de Kerbala, une voiture piégée a explosé à une heure de très grande affluence dans une artère commerçante située à proximité du mausolée où est enterré l’imam Ali, autre grand lieu saint du chiisme. Selon un dernier bilan, au moins cinquante-deux personnes ont été tuées et quelque cent cinquante autres blessées. Le couvre-feu a immédiatement été imposé dans les deux villes où une quarantaine de barrages ont été érigés pour empêcher d’autres véhicules piégés d’y pénétrer, les autorités s’attendant visiblement à une multiplication des attaques contre la communauté chiite.

Déjà la semaine dernière en effet, la cité de Kerbala avait été le théâtre d’un attentat qui a coûté la vie à un dignitaire religieux proche du grand ayatollah Ali Sistani. Une bombe avait explosé au moment où l’imam Abdul Mehdi al-Kerbalai quittait le mausolée de l’imam Hussein après les prières du soir pour regagner ses bureaux. Il a été tué sur le coup avec onze autres personnes. Cette recrudescence des violences en pays chiite, après des semaines de relative accalmie, intervient alors que la campagne pour les élections générales du 30 janvier vient à peine de commencer. Elle vise explicitement la communauté chiite –majoritaire en Irak avec quelque 60% de la population– qui a réussi le tour de force de présenter une seule liste unitaire dont la mise en place a largement été supervisée par le grand ayatollah Ali Sistani, l’un des dignitaires religieux les plus respectés d’Irak. Longtemps marginalisée par les sunnites qui ont présidé aux destinées de l’Irak, la communauté chiite devrait de l’avis général prendre sa revanche en remportant largement les élections du 30 janvier. Sans doute une raison suffisante pour en faire une cible de la guérilla sunnite qui cherche à empêcher par tous les moyens la tenue de ce scrutin.

L’appel au calme des religieux chiites

Soucieux d’éviter dans ce contexte tout dérapage interconfessionnel, les dirigeants chiites, qui accusent ouvertement les extrémistes sunnites et d’anciens fidèles de Saddam Hussein de tenter d’allumer une guerre civile pour les empêcher de remporter les élections, ont multiplié depuis dimanche les appels au calme. «Ils essaient de semer la sédition et de déstabiliser le pays», a ainsi dénoncé le grand ayatollah Mohamed Saïd al-Hakim. Sortant de sa réserve pour appeler les chiites à la vigilance, ce dignitaire religieux, qui est l’un des quatre Marja de Najaf –référence religieuse pour les chiites, le plus influent étant Ali Sistani– a pressé le gouvernement d’Iyad Allaoui de «tout faire pour mettre fin à ces crimes et arrêter leurs commanditaires». Son appel au calme a également été relayé par le mouvement de Moqtada al-Sadr, ce jeune imam radical qui avait pourtant un moment défié les autorités religieuses chiites pour prendre les armes contre les forces américaines. «Une guerre civile sera l’enfer. Il y a un consensus contre la vengeance», a notamment insisté un de ses porte-parole bien que le mouvement ne participe pas aux élections du 30 janvier.

Prédisant «d’autres véhicules piégés, d’autres attentats suicide et d’autres assassinats», le porte-parole du parti fondamentaliste chiite Daawa a lui aussi accusé la rébellion sunnite de chercher à «déclencher une guerre civile». «Ce sont des villes chiites, mais les attaquants n'auront pas d'influence sur les élections», a notamment déclaré Amar Dakhl al-Assaidi. Cette position est largement partagée par le Conseil suprême pour la révolution islamique en Irak (CSRII), un autre grand parti chiite, pour qui les extrémistes sunnites font tout pour «dissuader la population de participer au scrutin» du 30 janvier. Mais, a estimé un porte-parole de ce mouvement, les responsables de ces actes «ont fait un mauvais calcul».

Ces déclarations des responsables chiites, aussi bien religieux que politiques, montrent à quel point cette communauté est aujourd’hui déterminée à entrer dans le jeu politique et à faire valoir ses droits. Une situation qui ne peut que rassurer le Premier ministre irakien pour qui l’organisation des élections du 30 janvier représente un test crucial pour la stabilisation du pays. Iyad Allaoui a d’ailleurs estimé que les attentats perpétrés dimanche dans les villes saintes de Najaf et Kerbala étaient le reflet d’une volonté de détruire l'unité du pays. «Le message de ces attaques montre la résolution des rebelles à détruire l'unité du pays et d'y fomenter une guerre confessionnelle», a-t-il déclaré soulignant que l'objectif de la guérilla était de «stopper le processus politique alors qu'on s'approche des élections». «Nous avons toujours dit que allons combattre le terrorisme et nous allons continuer à le faire», a également affirmé le chef du gouvernement précisant que de nombreuses dispositions avaient été prises pour protéger, avec l'aide de la Force multinationale, le processus électoral.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 20/12/2004 Dernière mise à jour le 20/12/2004 à 16:16 TU