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Tchad

Le sud, entre réfugiés, bandits et opposants

Distribution d'eau dans un camp de réfugiés au Tchad. 

		(Photo: AFP)
Distribution d'eau dans un camp de réfugiés au Tchad.
(Photo: AFP)
A l’approche de l’élection présidentielle en Centrafrique, le sud du Tchad qui accueille plus de 30 000 réfugiés depuis le putsch du général François Bozizé en mars 2003, connaît une recrudescence de l’insécurité, alors que le nord de la Centrafrique reste incontrôlé. Troisième et dernier volet de nos reportages sur le sud tchadien.

De notre envoyée spéciale dans le sud-tchadien.

A l’unisson, les deux cents enfants achèvent de réciter les derniers versets du coran que leur professeur vient de leur enseigner. C’est la fin de la matinée dans le camp de réfugiés d’Amboko, à une dizaine de kilomètres de la frontière avec la Centrafrique. Une vie quotidienne s’est installée avec un marché, des moulins, des allers et venues vers le village voisin de Goré pour échanger des produits avec la population locale. Une apparence de vie normale, pourtant ces réfugiés n’attendent qu’une seule chose : revenir dans leur pays.

«Nous sommes des cultivateurs, ici, nous n’avons plus rien. Nous voulons seulement la paix», affirme cette vieille femme qui vend du sucre et des oignons sur le marché. En sondant les opinions politiques, certains s’expriment sans ambages: «Je suis un partisan de Patassé (ancien président déchu), il faut qu’il revienne !», s’exclame ce jeune homme, tout en actionnant le nouveau moulin qui vient d’être construit. D’autres préfèrent rester discrets et avancent le devoir de neutralité dans le camp de réfugiés.

Attaques et prises d’otages

En raison de l’insécurité qui fait rage au nord de la Centrafrique, le vote des réfugiés n’a pas pu être organisé. «La situation est très confuse de l’autre côté de la frontière et commence à avoir des répercussions sérieuses côté Tchad, estime le responsable du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés à Goré. Il est très délicat de distinguer entre les pro-Bozizé, pro-Patassé, pro-Demafouth (ex-ministre de la Défense sous l’ancien président Ange-Félix Patassé) et zarguinas (coupeurs de route)». Ces dernières semaines, plusieurs groupes d’éleveurs peuls se sont installés devant le camp de réfugiés. Des bandes armées les ont attaqués, ont pris en otage des membres de leur famille et bien souvent les diverses rançons leur ont coûté l’intégralité de leur troupeau.

«Il y a toujours eu des coupeurs de route au sud du Tchad qui se mêlaient autrefois aux codos (rebelles tchadiens du sud), constate le colonel Ahmat Ousmane Gadaya, préfet de Goré. Mais désormais, nous pointons le doigt vers le camp de réfugiés. Des anciens militants de Bozizé qui l’ont aidé à prendre le pouvoir, se sont infiltrés dans le camp sans carte de réfugiés et agissent sur les routes la nuit». Parmi ces «libérateurs» centrafricains, mais également tchadiens, certains ont été indemnisés par le fils du général Bozizé, Francis, dans le but de calmer les esprits avant les échéances électorales.

«Les coupeurs de route vont se fournir en armes au marché de Bétoko à vingt kilomètres de la frontière, en Centrafrique, et bénéficient de la complicité des forces de l’ordre centrafricaines», affirme le préfet. «Côté Tchad, ils peuvent louer des armes aux militaires tchadiens en poste», avance une autre source bien informée. Ndjamena, après avoir soutenu le putsch de Bozizé contre Patassé, garde les yeux rivés sur la frontière tchado-soudano-centraficaine, où de persistantes rumeurs de bruits de bottes, invérifiables, alimentent les commentaires sur la stabilité des deux régimes.



par Stéphanie  Braquehais

Article publié le 31/12/2004 Dernière mise à jour le 31/12/2004 à 07:25 TU