Politique française
Les vœux empoisonnés de Nicolas Sarkozy
(Photo: AFP/RFI)
L’absence de Nicolas Sarkozy de la scène médiatique depuis les fêtes de fin d’année commençait presque à inquiéter. Soucieux de ne pas créer un état de manque dans une France avide de ses piques, il a fait un retour remarqué à l’occasion de la traditionnelle cérémonie des vœux. Et tous les accros atteints de «sarkomania» ont pu constater qu’il n’avait pas changé. Qu’il soit ministre ou président de l’UMP, Nicolas Sarkozy a toujours un objectif prioritaire : se présenter à la prochaine élection présidentielle en 2007.
Cette ambition n’est pas récente. Mais à chaque nouvelle intervention, Nicolas Sarkozy pose des jalons supplémentaires. Cette fois-ci il a clairement indiqué de quelle manière il allait engager la lutte pour l’investiture. Il a choisi l’approche «démocratique». Celle par laquelle il espère amener les militants à le choisir quelle que soit la décision de Jacques Chirac, dont une candidature pour un troisième mandat n’est pas exclue. Le premier pas consiste à prouver que son arrivée à la tête du parti, dit de la majorité présidentielle, où il a remplacé le dauphin préféré de Jacques Chirac, Alain Juppé, a contribué à donner un nouveau souffle à une formation politique qui n’a pas réussi à organiser le grand rassemblement de la droite qu’elle avait vocation à réaliser. Nicolas Sarkozy s’est ainsi félicité d’avoir engrangé, depuis le dépôt de sa candidature à la présidence de l’UMP, 37 000 nouvelles adhésions. Il a aussi réaffirmé sa volonté de doubler le nombre de militants en un an.
La présidentielle n’est pas «un sujet tabou»Mais surtout, Nicolas Sarkozy a décidé de mettre la consultation des membres du parti au cœur du fonctionnement de l’UMP. Le premier rendez-vous a été fixé au 6 mars. A cette date, les cadres de l’UMP devront se prononcer sur l’Europe en générale, sur l’adoption de la nouvelle Constitution et l’adhésion de la Turquie en particulier. De quoi faire frémir le président de la République qui joue son quinquennat sur sa capacité à convaincre les Français de le suivre dans l’aventure institutionnelle européenne. Car, si Nicolas Sarkozy appelle sans ambiguïté à voter «oui» lors du référendum à l’occasion duquel les Français vont être invités à se prononcer sur le projet de Constitution européenne, concernant la Turquie il est loin de la ligne chiraquienne. Là où le président évoque avec bienveillance une adhésion au terme d’une négociation prudente et d’une consultation des Français, Nicolas Sarkozy penche pour un simple statut de «partenaire privilégié». Dans le cadre d’une campagne qui s’annonce difficile pour convaincre des Français encore réticents face au texte de la nouvelle Constitution, la consultation interne à l’UMP a toutes les chances de jeter le trouble dans les esprits. Et d’entretenir la confusion entre la nouvelle constitution et le problème turc, contre laquelle le gouvernement se bat d’ores et déjà avec toute la vigueur dont il est capable.
Et Nicolas Sarkozy n’entend pas s’arrêter là. Il a annoncé que le candidat UMP à la mairie de Paris serait choisi de la même manière, par la consultation des adhérents. Tout comme les candidats aux législatives dans les villes ou circonscriptions dans lesquelles il n’y a pas de sortant ou de candidat qui s’impose. Le président de l’UMP entend même appliquer ce mode de désignation à la candidature pour la présidentielle de 2007 qui, pour lui, n’est pas «un sujet tabou». Un message d’autant plus clair au président de la République qu’il a été assorti d’une explication de texte : «On peut être candidat en dehors d’un parti politique. L’UMP soutiendra un candidat. La question qui se pose est : comment choisira-t-elle ce candidat ? Je souhaite que ce soit par la démocratie et un vote le plus large possible».
Qui pourrait d’ailleurs reprocher à Nicolas Sarkozy, patron de l’UMP, de vouloir donner la parole aux militants de son parti ? Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour obtenir une réponse à cette question. Jean-Louis Debré, le président de l’Assemblée nationale, a été le premier à crier au loup. Sa riposte est d’ailleurs révélatrice du degré d’exaspération que Nicolas Sarkozy est capable de susciter dans le clan du chef de l’Etat. Jean-Louis Debré a estimé que l’organisation d’une primaire à l’UMP était «totalement contraire à la tradition de la Ve République» car «l’élection présidentielle, c’est une rencontre entre un homme et les Français et non pas une affaire de partis politiques». Le président de l’Assemblée nationale, qui accuse Nicolas Sarkozy de «cultiver» ce qui «divise» la droite, regrette qu’il soit «dans une logique d’existence qui l’oblige à se démarquer du gouvernement, au risque de créer une crise», ajoutant : «Il portera la responsabilité d’une crise de régime».
Après la référence à l’esprit des institutions de Jean-Louis Debré, Michèle Alliot-Marie, la ministre de la Défense, en a appelé au gaulliste qui sommeille encore en certains adhérents de l’UMP pour s’opposer à Nicolas Sarkozy : «Je n’ai rien trouvé dans ces vœux de très nouveau dans les idées de Nicolas Sarkozy, comme n’est pas nouveau le fait qu’au sein de l’UMP tout le monde n’est pas d’accord avec toutes les idées de Nicolas Sarkozy. Notamment les gaullistes, par exemple pour la désignation d’un candidat à l’élection présidentielle». Mauvais gaulliste et diviseur de la droite, le président de l’UMP a tout d’un épouvantail à chiraquiens. Ce qui n’est peut-être pas pour lui déplaire.
par Valérie Gas
Article publié le 14/01/2005 Dernière mise à jour le 20/01/2005 à 17:20 TU