Soudan
4,5 milliards de dollars pour consolider la paix entre le Nord et le Sud
(Photo : AFP)
Washington a très largement contribué à l’accord de paix en forme de partage du pétrole signé en janvier dernier par Khartoum et les ex-rebelles séparatistes de l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS). Les deux anciens belligérants vont désormais administrer l’essentiel du Soudan utile sans trop de raisons de se marcher sur les pieds. Cela laisse espérer une normalisation propice aux affaires que les bailleurs de fonds n’ont pas voulu entraver. Pour le moment d’ailleurs, malgré la montée d’autres revendications sur le partage des richesses, la tragédie du Darfour reste confinée au flanc ouest du Soudan. Le désastre humain sans cesse dénoncé suscite davantage de condamnation de principes que d’empressement international au chevet de populations décrites par l’Onu comme vivant «l’enfer sur terre».
Les villageois du Darfour et les rebelles qui s’en réclament ont trouvé aux Etats-Unis des appuis très chrétiens pour dénoncer les exactions des milices arabes gouvernementales, les cavaliers de l’apocalypse janjawid. Mardi, en promettant de mettre la main à la poche pour remettre en état de marche le Sud Soudan, où la guerre avait fait plus d’un million et demi de morts et quatre millions de déplacés depuis 1983, l’adjoint de Condoleezza Rice, Robert Zoellick, a mis en garde «le gouvernement soudanais et tous ceux qui vivent au Darfour». S’ils «n'agissent pas maintenant pour mettre fin à la violence, mon pays et les autres ne pourront pas soutenir totalement l'accord de paix» Nord-Sud, a-t-il lancé, annonçant que l’aide américaine arriverait en deux fois. Dès cette année, Washington devrait apporter 853 millions de dollars. Le solde, soit quelque 900 millions de dollars, sera ensuite soumis à l’approbation du Congrès, en 2006. Le Darfour reste un instrument de pressions diplomatiques.
«Atténuer les souffrances perpétuelles du peuple soudanais»
L'Union européenne, la Norvège, la Suède et les Pays-Bas ont promis plus d'un milliard de dollars. Le Canada aussi va fournir un effort supplémentaire de quelque 75 millions de dollars sur deux ans, pour «atténuer les souffrances perpétuelles du peuple soudanais». Ottawa annonce notamment l’envoi d’une trentaine de militaires pour veiller à la bonne application de l’accord de paix, au sein de la Mission des Nations unies dans le sud du Soudan (Unmis). Dix mille casques bleus et un peu plus de 700 agents de la police civile sont attendus au Sud. Consolider la paix, c’est en effet aussi parvenir à prouver rapidement, aussi bien aux civils qu’aux anciens combattants, qu’ils ont intérêt à sortir de l’économie de guerre qui marque la société depuis deux décennies.
Bien sûr, a souligné le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, tout le monde au Soudan veut «de l'eau potable, de la nourriture pour leur famille, des écoles pour leurs enfants, un système de santé correct et la perspective d'un développement» et ceux qui s’apprêtent à tourner la page de 21 ans de guerre ont bien «gagné cette paix. Nous ne devons pas les laisser tomber». Il rappelle au passage que ces trente dernières années, faute de soutien financier, «plus de la moitié des conflits ont repris dans les cinq années qui ont suivi la conclusion d'un accord de paix». Concernant le Soudan, un tiers seulement du milliard et demi promis en 2005 a été effectivement versé. Alors, «les promesses de dons, c'est bien, mais l'argent liquide, c'est mieux», s’exclame Kofi Annan.
«Le Soudan est à l'heure d'un choix fondamental», avec en perspective «une spirale positive ou négative», explique l’adjoint du chef de la diplomatie américaine. Jusqu’à présent, Washington a fait passer la résolution du contentieux Nord-Sud avant le conflit «périphérique» du Darfour où, en deux ans, la guerre civile aurait déjà fait entre 200 000 et 300 000 morts. La tempête des menaces internationales ne s’est encore jamais muée en sanctions foudroyantes pour le régime al-Bachir. Vu de Khartoum, Oslo pouvait être l’occasion de nouveaux marchandages, le vice-président soudanais, Ali Osman Taha, appelant à l'annulation de la dette de son pays mais aussi à la levée des sanctions commerciales.
«La paix s'accompagne de nombreux défis: la démobilisation, le désarmement, le retour des réfugiés et des personnes déplacées», a plaidé le numéro deux soudanais. Il n’a pas manqué non plus de revendiquer pour Khartoum la souveraineté judiciaire sur les auteurs des crimes de guerre au Darfour que la résolution 1593 (31 mars) du Conseil de sécurité entend traîner devant la Cour pénale internationale (CPI). «Ces mesures ne visent pas la population, ni son gouvernement, ni l'islam, comme certains le prétendent», a jugé utile de préciser Kofi Annan.
Selon Kofi Annan, il ne faudrait pas que «Darfour devienne un mot de code signifiant un soutien hésitant ou ponctuel au reste du Soudan». Mais l’ombre du Darfour n’en continue pas moins de planer. Juste avant la réunion d’Oslo, l’Union africaine et l’Onu ont condamné haut et fort un massacre de grande ampleur perpétré le 7 avril dans le village de Khor Abeche, au Sud-Darfour, par «la milice armée de la tribu Miseriyya de Niteaga». Les observateurs militaires et les casques blancs de l’UA ne savent plus ou donner de la tête pour sauver ceux qui peuvent l’être des tueries à répétition rapportées à l’Onu qui accuse les deux parties d’exactions.
Pour sa part, le président tchadien Idriss Deby a jeté son éponge de médiateur, le 11 avril, se déclarant lui-même en proie à des manœuvres hostiles de Khartoum. «Si le gouvernement soudanais est soucieux de préserver les relations fraternelles qui unissent les deux pays, il faut qu'il s'attèle rapidement à démanteler les éléments armés et entretenus sur son territoire contre le Tchad», a fait savoir la présidence. L’étendard janjawid couvrirait aussi des rebelles tchadiens parmi les 3 000 hommes qui campent aux frontières. Ni Khartoum, ni ses rebelles du Darfour n’ont jamais respecté le cessez-le-feu arrangé par N’djamena en avril 2004. Depuis décembre 2004, les négociations inter soudanaises sont suspendues à Abuja. De son côté, l’UA a reporté sine die une réunion, qui devait se pencher sur le Darfour le 20 avril, à Charm el-Cheikh, en Egypte. En revanche, l’organisation panafricaine conserve dans son agenda le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement prévu à Khartoum, en janvier 2006.
par Monique Mas
Article publié le 13/04/2005 Dernière mise à jour le 13/04/2005 à 08:30 TU