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Islam de France

Les musulmans aux urnes

Les grands électeurs représentant 1 230 mosquées ont choisi les 43 membres du conseil d’administration du Conseil français du culte musulman.(Photo : AFP)
Les grands électeurs représentant 1 230 mosquées ont choisi les 43 membres du conseil d’administration du Conseil français du culte musulman.
(Photo : AFP)
La Fédération nationale des musulmans de France s’est affirmée comme la principale organisation de l’Islam français, dimanche, à l’issue de l’élection des délégués au Conseil français du culte musulman. La liste conduite par la Grande mosquée de Paris progresse également. En revanche, l’UOIF est en recul.

Avec 19 sièges recueillis, en progression de 3 sièges par rapport à la précédente élection de 2003, la liste Fraternité de la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF, réputée proche du Maroc) demeure la principale organisation représentative de l’Islam français, au lendemain de l’élection des 43 membres du conseil d’administration du Conseil français du culte musulman. Loin derrière, avec 10 sièges chacune, la liste Union dans la fraternité de la Grande mosquée de Paris (GMP, réputée proche de l’Algérie) et la liste le Rassemblement de l’Union des organisation islamique de France (UOIF, réputée proche des Frères musulmans) sont au coude-à-coude. Mais la seconde vient de perdre trois délégués tandis que la première en gagne 4. A l’issue du vote des 5 219 grands électeurs musulmans, représentant 1 230 mosquées, la GMP est donc l’organisation dont la progression, avec un gain de 4 délégués, est la plus remarquable.

Trois autres organisations siègeront également au conseil d’administration du CFCM et se partagent les quatre derniers sièges : le Comité de coordination des musulmans turcs de France (1 siège), la liste d’union de l’île de la Réunion (qui conserve ses 2 délégués) et la mosquée Al-Islah de Marseille (qui garde son siège).

«Réaliser un islam de France respectueux des valeurs républicaines»

Ils sont élus pour trois ans, et non pas deux comme lors du précédent scrutin. L’institution sera complètement installée après l’élection du nouveau président et la mise en place du bureau exécutif, dimanche 26 juin, et la désignation, le 3 juillet, des présidents des 25 Conseil régionaux du culte musulman (CRCM). Le président sortant, recteur de la mosquée de Paris, n’a pas voulu déclarer son intention de se représenter ou non pour un nouveau mandat. «Je termine aujourd’hui mes fonctions de président, le reste dépendra de dieu et des urnes», a déclaré Dalil Boubakeur au soir du vote. Appelant à dépasser les différences d’origines au sein de la communauté, il a appelé à «réaliser un islam de France respectueux des valeurs républicaines pour faire de cet islam un culte accepté, un culte estimé par la société française».

Conçu à l’origine par le ministre de l’Intérieur, également en charge des cultes, Nicolas Sarkozy afin de créer une instance de dialogue entre les musulmans et les autorités, celui-ci s’est félicité de la «forte implication» des grands électeurs musulmans, attestée par un taux de participation élevé, à 85% (contre 75% il y a deux ans). Dans un communiqué, le ministre a estimé que «le bon déroulement des élections témoigne de la confiance qui s’est installée parmi les musulmans de notre pays depuis la création du CFCM». Ce rendez-vous est marqué par une participation plus importante des lieux de cultes : 992 avaient participé au scrutin en avril 2003.

Pressions diplomatiques et Renseignements généraux

Le domaine de compétences du CFCM s’étend à toutes les questions touchant à l’exercice de la religion : construction des lieux de culte, formation des imams, l’abattage des moutons lors de la fête du Sacrifice, l’organisation du marché de la nourriture halal, les préparatifs et la logistique du pèlerinage, les carrés musulmans des cimetière, le voile, la nomination d’aumôniers dans les hôpitaux, les prisons, dans l’armée.

La brève histoire du CFCM est marquée par l’expression de la désunion, caractérisée par les multiples crises internes qui ont secoué la jeune institution. L’élection de ce 19 juin avait déjà été reportée deux fois, faute de consensus. Les différentes tendances qui s’affrontent au sein de la deuxième religion pratiquée en France s’accusent mutuellement de représenter les intérêts de capitales étrangères. Avec la montée du débat sur l’intégrisme, certains groupes se déclarent stigmatisés et estiment que les pouvoirs publics ne veulent des représentants musulmans que pour mieux s’en servir. L’UOIF, par exemple, déclare que ses sympathisants ont subi des pressions de la part des représentations diplomatiques algérienne ou marocaine, ainsi que des Renseignements généraux français.

Tous affirment que le CFCM est utile

D’autre part, la politisation des débats a pesé d’un poids déterminant sur le travail des commissions, paralysées par les conflits. Dès sa création, le Conseil n’avait pas été en mesure de parler d’une voix claire et unique sur l’affaire du voile, qui secouait alors la société française. En 2004, à l’occasion de l’enlèvement à Bagdad des deux journalistes français Chesnot et Malbrunot, le CFCM restaure son image en réclamant leur libération et en condamnant les exigences des ravisseurs d’abroger la loi sur l’interdiction des signes religieux à l’école. Après leur libération, les deux hommes ont témoigné de l’effet salutaire produit sur les ravisseurs par cette prise de position.

A la veille du second mandat du CFCM, nombre de musulmans expriment leur désir de dépasser les querelles de représentation pour démarrer enfin les travaux. Certains veulent croire que la manifestation des divisions de ces dernières années n’était qu’une crise aujourd’hui dépassée et que l’institution a désormais atteint l’âge de la maturité. Tous, en tout cas, affirment aujourd’hui que le CFCM est utile.


par Georges  Abou

Article publié le 20/06/2005 Dernière mise à jour le 20/06/2005 à 15:38 TU