Constitution européenne
Les Luxembourgeois entre «oui» et «non»
(Photo : AFP)
Après la France, puis les Pays-Bas, les yeux de l’Europe sont aujourd’hui braqués sur le Luxembourg et les Luxembourgeois. Petit par sa surface et sa population, cet Etat est en revanche bien grand par son aura de fondateur de l’Europe. Et le verdict des urnes sur le projet de Constitution, encore inconnu, n’en est pas moins d’ores et déjà analysé en fonction de ce paramètre symbolique et politique. D’autant plus que le référendum luxembourgeois intervient après les échecs des consultations populaires organisées chez ses voisins, tout aussi fondateurs, Français et Néerlandais, qui a poussé un certain nombre d’Etats à remettre à plus tard les votes prévus.
Si les Luxembourgeois disent «non» eux aussi, la Constitution risque bien cette fois-ci d’être définitivement enterrée. S’ils disent «oui», les dirigeants européens pourront toujours argumenter sur l’existence d’un élan populaire en faveur du traité. Mais surtout le seuil des 20 pays ayant adopté la Constitution, nécessaire pour que le Conseil européen puisse arrêter une position sur le sujet, sera un peu plus proche. Le Luxembourg pourrait, en effet, être le treizième Etat à ratifier. Cela ne donnerait peut-être pas la capacité à l’Union de sortir de la phase de «réflexion» prolongée sur les modalités d’adoption de la Constitution décidée au Sommet de Bruxelles, au mois de juin. Mais cela éviterait en tout cas de noircir le tableau de l’euro-scepticisme ambiant.
Juncker met sa démission dans la balanceA l’heure de la dernière ligne droite, l’incertitude est grande sur le choix des électeurs luxembourgeois qui sont appelés, pour la première fois, à s’exprimer directement sur une question européenne. Ce pays est pourtant classé traditionnellement parmi les plus europhiles. Rien ne laissait d’ailleurs penser au départ que les électeurs puissent refuser d’adopter le projet de Constitution. Et pourtant, en quelques semaines, le profil de l’opinion a changé. Les derniers sondages, réalisés un mois avant le scrutin, ont montré une montée massive du «non» qui a atteint 45 % des intentions de vote exprimées. Est-ce la contagion du virus du «non» en France et aux Pays-Bas qui a provoqué un tel revirement ? Cela n’est pas impossible. Cette tendance a, dans tous les cas, produit une onde de choc dans la classe politique luxembourgeoise toute acquise à la Constitution. Le Premier ministre Jean-Claude Juncker en a même tiré la conclusion qu’il devait intervenir personnellement et mettre dans la balance sa démission de ses fonctions en cas de victoire du «non».
Le résultat du référendum représente, du coup, aussi un enjeu de politique intérieure. Car le départ de Jean-Claude Juncker, qui bénéficie d’une côte de popularité à faire pâlir ses homologues européens (80% de satisfaits), plongerait le pays dans une crise politique que rien ne laissait prévoir. Reste que cette dramatisation du référendum ne plait pas à tout le monde et que le pari du Premier ministre est risqué. Des voix se sont d’ailleurs élevées pour dénoncer cette stratégie. Un intellectuel luxembourgeois, Lucien Kayser, a ainsi déclaré : «Ne prenez pas l’électeur (ou l’Europe) en otage, laissez au premier la chance d’un suffrage honnête, d’un choix vraiment libre sur ce qu’on lui demande». Malgré ces mises en garde, le chef du gouvernement du Luxembourg, en place depuis dix ans, a persisté en expliquant : «J’ai signé, après l’avoir négocié au nom de mon pays le traité constitutionnel. Si les citoyens luxembourgeois me font savoir que je n’aurais pas dû, je crois que je dois au respect du suffrage universel et des citoyens d’en tirer les conséquences».par Valérie Gas
Article publié le 10/07/2005 Dernière mise à jour le 10/07/2005 à 11:25 TU