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France-Allemagne

Merkel à Paris : le moteur franco-allemand en question

Angela Merkel a assuré mardi après une rencontre avec Jacques Chirac que Paris et Berlin doivent rester «le moteur» d'initiatives européennes.(Photo: AFP)
Angela Merkel a assuré mardi après une rencontre avec Jacques Chirac que Paris et Berlin doivent rester «le moteur» d'initiatives européennes.
(Photo: AFP)
L’avenir du couple franco-allemand dépend peut-être de la visite d’Angela Merkel à Paris, à l’occasion de laquelle elle a rencontré le président Jacques Chirac, le Premier ministre Dominique de Villepin et le chef du parti majoritaire (UMP) Nicolas Sarkozy. La présidente de la CDU (Union chrétienne démocrate) pourrait, en effet, devenir en septembre la première femme à accéder, en Allemagne, à la fonction de chancelier si les élections anticipées souhaitées par Gerhard Schröder ont bien lieu. Dans ce cas, les relations des deux voisins européens pourraient changer de registre. Angela Merkel a fait connaître les priorités de la politique extérieure qu’elle entend mener si elle accède au pouvoir. S’il n’est pas question de brader la bonne entente avec la France dont elle connaît l’importance, elle désire tout de même raviver l’intérêt de l’Allemagne pour les autres pays européens moins puissants et surtout, se rapprocher des Etats-Unis.

Elle n’est pas chancelière, mais elle pourrait bien le devenir. Angela Merkel est en tout cas d’ores et déjà considérée comme une interlocutrice de poids. Sa visite à Paris n’est donc pas anodine. L’éventualité de la voir remplacer, en septembre prochain, l’actuel chancelier Gerhard Schröder est envisagée sérieusement par les autorités françaises. D’autant plus sérieusement que cela pourrait provoquer des changements dans les relations des deux pays placées jusqu’ici sous le signe de la solidarité et de l’amitié, tant sur la scène européenne qu’internationale.

La présidente du parti conservateur allemand (CDU) sait que la relation de son pays avec la France n’est pas tout à fait comme les autres et qu’un axe Paris-Berlin est indispensable à la construction européenne. Angela Merkel a d’ailleurs tenu à réaffirmer ses convictions sur ce point dès la fin de son entrevue avec le président de la République française. Elle a ainsi déclaré : «Il est incontestable que les relations entre la France et l’Allemagne, quelle que soit l’issue d’un éventuel scrutin, garderont une importance essentielle qui s’explique par la tradition des relations franco-allemandes et par la tradition dans laquelle j’ai moi-même fait mon éducation politique, qui est la tradition du chancelier Kohl». Elle a aussi estimé que les deux pays, qui souhaitent «une union politique», devaient être «le moteur des initiatives» en Europe.

Un couple moins exclusif

Il ne semble donc pas être question de distendre les liens entre la France et l’Allemagne si Angela Merkel remplace Gerhard Schröder. Pour autant, les positions de la présidente de la CDU sur un certain nombre de sujets laissent penser que le couple franco-allemand ne serait plus aussi exclusif qu’il ne l’est avec l’actuel chancelier. En Europe, Angela Merkel qui vient d’Allemagne de l’Est, estime que son pays doit s’attacher à mieux écouter et prendre en compte les intérêts des dix nouveaux entrants. Quitte, parfois, à ne pas avoir les mêmes priorités que la France. Elle a aussi laissé entrevoir l’éventualité d’une plus grande flexibilité face à l’argumentaire de Tony Blair concernant le budget de l’Union, le principal sujet de discorde entre Londres et Paris. Sans aller totalement dans le sens du Premier ministre britannique qui demande une renégociation de la Politique agricole commune (PAC) en échange d’une diminution de la ristourne dont bénéficie son pays, elle a tout de même jugé nécessaire de revoir les dépenses européennes en matière de subventions agricoles et d’envisager de les «renationnaliser».

Mais c’est surtout dans le domaine des relations avec les Etats-Unis qu’Angela Merkel pourrait donner à sa politique une inflexion bien différente de celle de Gerhard Schröder. La présidente de la CDU a fait de la relance des «relations transatlantiques» une ligne directrice de son programme. Elle entend ainsi rétablir un «partenariat» avec les Etats-Unis mis à mal, selon elle, par l’actuel chancelier. Elle avait d’ailleurs critiqué, à titre personnel, la position de ce dernier sur la guerre en Irak exprimée en plein accord avec le président Chirac. Pour autant, elle n’envisage pas d’opérer un changement total de cap en envoyant des soldats allemands dans ce pays alors que l’opinion est contre. Cela signifie néanmoins que la France et l’Allemagne pourraient désormais avoir du mal à défendre des positions communes sur des dossiers internationaux dans lesquels les Etats-Unis sont impliqués.

Merkel-Sarkozy : le nouveau couple franco-allemand ?

Il n’y aura pas la même confiance réciproque entre Angela Merkel et Jacques Chirac, qu’entre ce dernier et Gerhard Schröder. La présidente de la CDU et le chef de l’Etat français, qui appartiennent pourtant à la même famille politique, se sont peu rencontrés et n’ont pas d’affinités particulières. Au contraire, ils se sont même positionnés de manière différente sur certaines questions, par exemple celle de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Jacques Chirac a déjà fait valoir qu’il envisageait la possibilité d’une telle adhésion, sous certaines conditions. Une éventualité qu’Angela Merkel repousse totalement. Pour la présidente de la CDU, il ne peut être question avec ce pays que d’un «partenariat privilégié» et de rien d’autre.

Elle se situe sur ce point sur la même ligne que le principal rival politique de Jacques Chirac, le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, qui a toujours refusé la perspective de l’entrée de la Turquie dans l’Europe. Leur proximité ne se limite pas à ce sujet et Angela Merkel s’est déjà félicitée de leur «forte unité de vues». Pragmatiques et ambitieux, les deux leaders politiques, qui ont vocation à incarner le changement, se connaissent et s’apprécient. C’est en partie la raison pour laquelle elle a mis au programme de sa visite en France une rencontre avec Nicolas Sarkozy qui, il est vrai, est en tant que président de la formation majoritaire française un interlocuteur politique de premier plan. Entre la France et l’Allemagne, des couples se défont et d’autres se font.

par Valérie  Gas

Article publié le 19/07/2005 Dernière mise à jour le 19/07/2005 à 17:00 TU

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Henrik Uterwedde

Directeur adjoint de L'institut franco-allemand de Ludwigsburg

«Je ne pense pas que la politique étrangère allemande changera avec l’arrivée d’ Angela Merkel au pouvoir. Car la politique étrangère allemande s’inscrit dans la continuité.»

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