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Textile

L’Union européenne et la Chine poursuivent leurs discussions

Des cargaisons de textile chinois restent bloquées aux portes de l'Union européenne.(Photo: AFP)
Des cargaisons de textile chinois restent bloquées aux portes de l'Union européenne.
(Photo: AFP)
L'Union européenne continuera vendredi 26 août 2005 à Pékin à rechercher une issue au problème des cargaisons de textile chinois bloquées aux portes de l'UE. Deux mois et demi seulement après avoir signé un accord pour limiter les exportations chinoises de textile, sept des dix catégories de textiles chinois concernées ont atteint le plafond d'importation dans l'UE fixé pour 2005. Toutefois, le respect strict des quotas ne fait pas l’affaire de tous. Certains pays veulent protéger leur propre industrie de fabrication textile, d’autres déplorent que, les commandes restant bloquées, leur distribution se trouve pénalisée. Ces acheteurs européens commencent alors à s’agiter afin de trouver d’autres sources d’approvisionnement, ce qui n’est pas sans effrayer les fournisseurs chinois.

La Commission européenne avait conclu le 10 juin dernier avec Pékin un accord amiable modérant -dans une fourchette de 8 à 12,5 %, et ce jusqu'à fin 2007-  les ventes de textiles chinois en Europe. Cet accord devait apaiser la colère des producteurs européens face à l'envolée, au printemps dernier, des exportations chinoises de vêtements (pull-overs, pantalons, chemisiers, t-shirts, soutiens-gorge, robes et fils de lin) vers l'UE. Or ces limites concernant sept des dix catégories de produits évoqués dans l’accord seraient déjà atteintes pour 2005, selon la Commission européenne.

Face à la levée de boucliers, l’Europe des 25 a demandé au commissaire européen au Commerce, Peter Mandelson, de trouver une solution plus flexible. L’affaire concerne, d’après les derniers chiffres disponibles, 44 millions de pull-overs, 17 millions de pantalons, 1,6 million de t-shirts, 3,4 millions de soutiens-gorge et 500 000 chemisiers. Une équipe d'experts de la direction générale du commerce de la Commission européenne devait donc se rendre en Chine mercredi car le blocage des cargaisons provoque des colères de diverses nature, selon qu’elles affectent la fabrication ou la distribution.

Le blocage des cargaisons en excédent réveille des divisions entre d’une part, les Etats membres partisans d'un relèvement des plafonds (Allemagne, Pays-Bas, pays nordiques) et, d’autre part, ceux qui -comme la France ou l'Italie- ont bataillé au printemps pour freiner les appétits chinois et protéger leurs producteurs textiles. Bruxelles se retrouve sous pression. Du côté chinois en revanche, on sourit de la complexité de la situation qui «n'entraîne pas seulement des pertes pour les producteurs,[mais qui] affecte aussi les distributeurs et les importateurs européens», comme le souligne Sun Huaibin, responsable de l'Association chinoise des producteurs de textile et de laine. La situation pourrait bien être même, pour les producteurs chinois, une occasion de revenir sur la notion même des quotas afin qu’ils soient réévalués.

La colère des uns n’est pas celle des autres

«Les quotas imposés par l'UE sur l'importation des produits textiles chinois ont eu un impact négatif sur le commerce des fabricants et vendeurs de vêtements en gros en Estonie», a rapporté le journal Aripaev. Selon ce journal, deux entreprises estoniennes de vente en  gros, Baltika et Klementi, ont enregistré des pertes considérables, car les produits textiles chinois représentaient un tiers de leurs  ventes. Le Danemark fait chorus. Le chef du gouvernement danois, Anders Fogh Rasmussen, a déclaré que ce différend mettait en danger le commerce des fabricants de vêtements au Danemark.

En France, quelque quarante conteneurs représentant «une valeur globale de 5 à 6 millions d'euros», sont actuellement bloqués dans les ports. «Nous resterons très fermes sur les principes de l'accord qui a été négocié au mois de juin. En revanche, nous serons évidemment pragmatiques sur l'application pour éviter des embouteillages correspondant à des commandes qui ont été passées avant la signature de cet accord», a indiqué mercredi la ministre déléguée au Commerce extérieur Christine Lagarde, lors d'une conférence de presse ; elle faisait là allusion aux exportations qui avaient décuplées après la disparition, au 1er janvier 2005, des derniers quotas encadrant les échanges internationaux de textile.

Ceci étant, à l’intérieur d’un même pays la colère des uns n’est pas celle des autres : si certains industriels fabricants, affolés par l'afflux massif de vêtements à bas prix, avaient fait pression pour rétablir les restrictions d'importation, l’application stricte des quotas provoque désormais la grogne des importateurs et des commerçants. Certains fabricants utilisant des matières premières exportées voient par exemple leur production paralysée. Quant aux distributeurs de produits manufacturés, ils craignent quant à eux de ne pas pouvoir réassortir leurs rayons dans les magasins.

«S'approvisionner à 100% en Asie, c'est à la limite de l'indécence»

En France, les produits ont été commandés il y a huit mois, fabriqués puis acheminés par bateaux et payés aux fabricants : «C'est de la trésorerie dehors, bloquée pour une marchandise que les entreprises françaises ne peuvent pas vendre», explique Lucien Odier, le président du Conseil national des succursalistes de l'habillement. Ainsi, refusant d'être citée, une chaîne de 300 magasins spécialisée dans les vêtements à bas prix -et­ qui achète en Asie 40 % des produits qu'elle propose- ­ expliquait, lundi, avoir plus de 100 000 pulls pour enfants bloqués par les douanes : «Il s'agit de produits qui doivent être vendus pour la rentrée des classes et dont la mise en place dans les magasins est censée avoir commencé. Evidemment, c'est pénalisant», confiait un cadre de cette enseigne sans pouvoir à ce stade chiffrer le préjudice financier subi. Ceci étant, ces propos ne sont pas partagés par tous.

Le président de la Fédération nationale de l'habillement, Charles Melcer, a déclaré pour sa part jeudi 11 août n’être «pas concerné» par le blocage de textiles chinois, dénonçant l'attitude des magasins de chaîne qui s'approvisionnent à 100% en Asie. «Les commerçants indépendants multimarques que je représente, soit 30% de part de marché en France, n'importent même pas 5% de produits asiatiques. Nous ne sommes donc pas du tout concernés par le dépassement des quotas d'importation chinois de pantalons et pull-overs en Europe», a-t-il déclaré, poursuivant : «les commerçants indépendants, eux, n'importent pas du chômage à jet continu. Nous, on fait travailler 25 pays, les pays du Maghreb, les pays de l'Europe de l'Est, et Madagascar», assurant que les commerces indépendants qu'il représente seraient approvisionnés en septembre

L'accord du 10 juin reste en vigueur

La flambée des importations ayant surtout fait du tort aux autres pays fournisseurs, cette nouvelle situation pourrait désormais effectivement jouer en leur faveur. En effet, la plupart des entreprises de prêt-à-porter ont d'ores et déjà suspendu ou annulé les fabrications en cours ou les commandes prévues pour la fin de l'année. Les pays européens tentent maintenant, dans l'urgence, de trouver des solutions alternatives pour s'approvisionner soit au Maghreb et en Europe centrale, soit en Thaïlande et au Bangladesh, des pays qui étaient en perte de vitesse face à la concurrence chinoise. A Maurice, par exemple, les industriels du textile-habillement se réjouissent car de nouvelles commandes commencent à parvenir.

La Commission européenne a indiqué vendredi qu'elle n'excluait pas une poursuite au cours du week-end des négociations en cours à Pékin depuis jeudi. «Les discussions continuent de façon franche et constructive», a indiqué à Bruxelles une porte-parole de l'exécutif communautaire, Amelia Torres, laquelle a aussi souligné que «les deux côtés ont bien entendu intérêt à régler la situation et à trouver une solution mutuellement acceptable», mais rien n'a filtré jusqu'à présent, à Pékin comme à Bruxelles, de ces conversations à huis clos. Plusieurs solutions sont examinées parmi lesquelles une anticipation des quotas de 2006 et un aménagement des plafonds de 2005. Le commissaire européen au Commerce, Peter Mandelson, a assuré toutefois que l'accord du 10 juin restait en vigueur et que l'exécutif communautaire n'entendait pas revenir dessus.



par Dominique  Raizon

Article publié le 26/08/2005 Dernière mise à jour le 26/08/2005 à 17:46 TU