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Pétrole contre nourriture

Annan mis en cause pour sa mauvaise gestion

Kofi Annan, le secrétaire général de l'Onu, assume sa responsabilité dans les erreurs de gestion constatées dans le programme Pétrole contre nourriture.(Photo: AFP)
Kofi Annan, le secrétaire général de l'Onu, assume sa responsabilité dans les erreurs de gestion constatées dans le programme Pétrole contre nourriture.
(Photo: AFP)
Très attendu, le rapport de la Commission Volcker, qui enquête sur les scandales de corruption qui entoure le programme «pétrole contre nourriture», a certes blanchi Kofi Annan en ne mettant pas en doute l’intégrité du secrétaire général des Nations unies. Mais il a, en revanche, sévèrement critiqué sa mauvaise gestion de ce programme, tout comme il a sérieusement épinglé le Conseil de sécurité qui avait la responsabilité de le superviser.

Paul Volcker, chef de la commission d'enquête de l'ONU pour le programme «Pétrole contre nourriture».
(Photo : AFP)
A quelques jours d’un sommet à bien des égards historique –les Nations unies fêtent en effet leurs soixante ans–, Kofi Annan peut enfin souffler. Car si son fils Kodjo a clairement été mis en cause dans les affaires de corruption qui ont entaché le programme «pétrole contre nourriture» en Irak, le secrétaire général de l’organisation n’a pas lui-même trempé dans ce scandale. La Commission Volcker, chargé d’enquêter sur des détournements de plus de dix milliards de dollars, l’a en effet blanchi sur ce point, affirmant notamment qu’il n’a tiré aucun parti financier de sa position. Mais le patron de l’ONU n’en est pas quitte pour autant.  La gestion de ce programme est en effet sévèrement critiquée. «Surfacturations, dessous-de-table et contrebande ont permis à Saddam Hussein et à son régime de se fournir en devises en l’absence de tout contrôle du secrétariat et du Conseil de sécurité», assène notamment le rapport Volcker qui qualifie «pétrole contre nourriture» de «pacte avec le diable où le diable avait les moyens de manipuler pour arriver à ses fins».

La Commission d’enquête estime ainsi que Kofi Annan, son adjointe la Canadienne Louise Fréchette, mais aussi le Conseil de sécurité ont tous une part de responsabilité dans une situation qui a permis à l’ancien homme fort de Bagdad et à son entourage de détourner l’argent sensé alléger les souffrances de la population irakienne, première victime de l’embargo imposé au pays après l’invasion du Koweït. Selon elle en effet, l’une des raisons qui ont notamment conduit à ce scandale est l’absence de responsable à la tête d’un programme qui a pourtant porté sur la somme de 100 milliards de dollars, dont 64 milliards pour les achats de pétrole. Ni le Conseil de sécurité, supposé superviser «pétrole contre nourriture», ni le secrétariat général, sensé le mettre en application, n’ont pris la peine d’en désigner un, déplore ainsi la Commission Volcker. Son rapport reconnaît certes que le programme a été une réussite dans la mesure où il a permis de rétablir en Irak une situation alimentaire et sanitaire acceptables. Mais ses modalités ont donné lieu à une corruption massive.

L’urgence d’une réforme  

Le document cite également le cas de la contrebande de pétrole mise en place par l’Irak avec ses voisins jordanien, syrien, turc ou encore égyptien et sur laquelle le Conseil de sécurité a consciencieusement fermé les yeux. Il affirme même que la plus importante cargaison est sortie du pays avec l’aval des Etats-Unis quelques semaines avant l’invasion de l’Irak en avril 2003. Les navires de la marine américaine qui patrouillait dans le Golfe en février n’ont pas remarqué les pétroliers transportant pour 54 millions de dollars pour le compte de la Jordanie, alliée de Washington dans la région, ironise notamment le rapport Volcker.

Réagissant aux conclusions de la Commission d’enquête qu’il a lui-même mise en place, Kofi Annan en accepté toutes les critiques. «La Commission a établi que la gestion du programme était caractérisée par de faibles pratiques administratives et des contrôles et audits inadéquats. Pour cela en tant qu’administrateur, je dois en assumer la responsabilité», a notamment déclaré le secrétaire général. Mais, a-t-il ajouté, «au début de l’année, cette même Commission avait conclu que je n’avais pas influencé, ou tenté d’influencer, le processus d’attribution des contrats. Je suis heureux de constater que cette conclusion est réaffirmée». Dans ces conditions pas question pour Kofi Annan de démissionner comme le réclament notamment ses détracteurs, nombreux dans l’administration Bush. «Les preuves d’une corruption réelle parmi un petit nombre de personnels de l’ONU sont profondément décevantes», a admis le secrétaire général soulignant que cela ne faisait qu’«illustrer l’importance vitale des réformes administratives proposées» par la Commission d’enquête.

Le rapport Volcker évoque en effet l’urgence de réformer l’organisation internationale pour éviter que ne se reproduisent «des pratiques de corruption illicites et contraire à l’éthique». Il affirme en effet que les Nations unies ne sont pas préparées pour gérer des programmes de l’ampleur de «pétrole contre nourriture» ou «même des programmes de moindre importance». «L’organisation a besoin d’une direction plus forte, d’une réforme administrative complète et de procédures plus fiables d’audits et de contrôle», insiste ainsi la Commission. Une conclusion qui ne pouvait pas mieux tomber à la veille du sommet des Nations unies qui doit accueillir la semaine prochaine quelque 170 chefs d’Etat et de gouvernement.    


par Mounia  Daoudi

Article publié le 08/09/2005 Dernière mise à jour le 08/09/2005 à 18:08 TU