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Législatives allemandes

L’Allemagne dans l’impasse, l’Europe dans l’attente

Angela Merkel et Gerhard Schröder. L'Allemagne se cherche un chancelier. (Photos: www.cdu.de ; www.spd.de)
Angela Merkel et Gerhard Schröder. L'Allemagne se cherche un chancelier.
(Photos: www.cdu.de ; www.spd.de)
Le résultat des élections législatives allemandes provoque des interrogations en Europe. La quasi-égalité entre les chrétiens-démocrates (CDU) d’Angela Merkel et les sociaux-démocrates (SPD) de Gerhard Schröder a engendré une situation politique complexe où chacun des deux partis revendique la victoire mais est incapable de gouverner seul, faute de majorité. L’avenir politique de l’Allemagne qui passe par la formation d’une coalition entre des partis aux intérêts parfois très divergents pour former un gouvernement semble plutôt chaotique. Dans une Europe déjà déstabilisée par le rejet de la Constitution en France et aux Pays-Bas, la perspective d’un blocage politique en Allemagne inquiète. Mais il n’empêche que ces résultats sont aussi analysés dans les partis européens du point de vue des enjeux de politique intérieure et que certains y voient des signes d’encouragement. En France notamment.

Pas facile de savoir qui féliciter tant le score des législatives allemandes est serré. La CDU (chrétiens-démocrates) devance si légèrement le SPD (sociaux-démocrates) qu’il n’est pas aisé d’être certain d’envoyer le télégramme de circonstances à celui qui deviendra à coup sûr le futur chancelier allemand. Les principaux concernés eux-mêmes ont tout fait pour entretenir le suspense. Angela Merkel, qui est arrivée en tête (35,2 %), a immédiatement annoncé son intention de diriger le prochain gouvernement. Mais Gerhard Schröder (34,3 %) a sans tarder contesté cette ambition et affirmé qu’il lui revenait de rester chancelier.

Etant donné qu’aucun de ces deux grands partis ne dispose d’une majorité, ils doivent à tout prix trouver des alliés pour former une coalition de gouvernement. Les libéraux (FPD) et les Verts, qui ont obtenu respectivement 9,8 % et 8,1 % des voix, représentent dans cette perspective les deux formations les plus courtisées à la fois par la CDU et le SPD. Mais nul ne sait, pour le moment, quel parti réussira à les convaincre de le rejoindre. D’autant que la cohabitation au sein d’un même gouvernement de formations qui défendent des positions totalement opposées sur certains sujets (impôts, gestion du système de santé) n’est pas gagnée d’avance.

Si des alliances avec les «petits partis» s’avéraient impossibles, le SPD et la CDU pourraient être amenés à cohabiter entre eux. Cette situation ne serait pas inédite. Entre 1966 et 1969, une telle coalition avait, en effet, été formée pour diriger l’Allemagne. Mais à l’heure actuelle, elle serait indéniablement très difficile à mettre en place et à faire vivre. Au-delà du choix du chancelier -premier problème de taille-, l’harmonisation des positions, sur l’entrée de la Turquie dans l’Europe ou la politique fiscale, par exemple, relèverait du défi. C’est pourquoi l’hypothèse de demander aux électeurs de retourner aux urnes pour trancher plus clairement n’est, elle aussi, pas totalement exclue.

Europe : encore un moteur en panne

Cette situation incertaine a plusieurs types de conséquences. Tout d’abord, elle affaiblit politiquement l’un des piliers de l’Union européenne. Et après le choc du rejet de la Constitution aux Pays-Bas et surtout en France, il ne s’agit pas d’une bonne nouvelle. Le deuxième moteur de l’Union tombe en panne, alors même que le premier n’a plus d’essence. José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, ne s’y est pas trompé lorsqu’il a pressé «les dirigeants allemands de trouver une solution stable aussi vite que possible» en rappelant que «sans une Allemagne dynamique, l’Europe ne peut pas se redresser».

A Paris, le commentaire officiel se veut rassurant. Catherine Colonna, la ministre aux Affaires européennes, a affirmé que «le couple franco-allemand restera le moteur de la construction européenne quel que soit le gouvernement en place à Berlin ou à Paris». Cette volonté affichée de dépasser les contingences de politique politicienne pour servir l’intérêt européen pourrait néanmoins se heurter dans la pratique à l’incapacité de trouver des positions et des ambitions communes suivant l’orientation du futur gouvernement allemand.

L’arrivée à la chancellerie d’Angela Merkel, qui défend une vision plus libérale de l’Europe, pourrait provoquer des changements dans les relations franco-allemandes. La puissance de l’axe Paris-Berlin a sans nul doute été renforcée par l’entente cordiale qui a régné entre Jacques Chirac et Gerhard Schröder. Si la présidente de la CDU succédait à ce dernier, la complicité ne serait vraisemblablement plus la même avec le chef de l’Etat français. D’autant que Tony Blair, le Premier ministre britannique, pourrait trouver en elle une alliée susceptible de l’aider à engager la réforme de l’Europe qu’il ne cesse d’appeler de ses vœux.

A chacun ses leçons

D’un autre point de vue, le score sans éclat de la formation d’Angela Merkel est aussi interprété comme un signe positif par la plupart des partis de gauche européens. Après un début de campagne tonitruant pendant lequel les sondages ne cessaient de donner la CDU largement en tête, le retour du SPD dans la dernière ligne droite est interprété comme un signe de la méfiance de la population face à un virage à droite trop radical. Le socialiste français Jack Lang s’est ainsi félicité du fait que «l’élan de la droite allemande a été en partie contenu ou endigué». Et le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault, a estimé que le programme «d’inspiration anglo-saxonne» d’Angela Merkel avait fait «peur» aux Allemands.

A droite aussi, on tire les leçons de ce résultat ambigu. Mais chacun y voit ce qui l’intéresse dans la perspective des échéances de politique intérieure à venir. Pour François Bayrou, le président de l’Union pour la démocratie française (UDF), «l’échec des deux grands partis» signifie que les «Allemands veulent être gouvernés au centre». Pour la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, «les électeurs allemands ont répondu d’une façon qui ne permet certainement pas de mettre en œuvre un modèle totalement libéral». Quant au ministre de l’Intérieur et candidat à la prochaine présidentielle, Nicolas Sarkozy, qui prône pour la France un changement à la Angela Merkel, il estime que «la confiance» que les électeurs lui ont apportée prouve tout simplement que «les idées et les valeurs» qu’il partage avec elle sont «justes».

par Valérie  Gas

Article publié le 19/09/2005 Dernière mise à jour le 19/09/2005 à 17:45 TU

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