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Sénégal

Le sort de Hissène Habré entre les mains de l’Union africaine

L'ancien président tchadien a été de nouveau interpellé quelques heures après sa libération.Photo : AFP
L'ancien président tchadien a été de nouveau interpellé quelques heures après sa libération.
Photo : AFP
Libéré vendredi après que la Cour d’appel de Dakar se soit déclarée incompétente pour statuer sur la demande d’extradition présentée à son encontre par la justice belge, Hissène Habré a de nouveau été interpellé samedi matin. Selon l’un de ses avocats, l’ancien président tchadien a été arrêté sur ordre du ministre sénégalais de l’Intérieur, Ousmane Ngom, qui a décidé de le mettre à disposition du président de l’Union africaine (UA) dans un délai de 48 heures. Interrogé la semaine dernière sur l’extradition de Hissène Habré, le chef de l’Etat sénégalais Abdoulaye Wade avait affirmé qu’il consulterait ses pairs africains avant de prendre toute décision concernant son hôte, devenu ces derniers temps bien encombrant.

Les partisans de Hissène Habré, qui avaient salué vendredi la décision de la Cour d’appel de Dakar de ne pas donner suite à la demande d’extradition présentée contre lui par la justice belge, n’ont guère eu le temps de se réjouir. L’ancien président tchadien, qui avait été libéré après dix jours de détention, a en effet de nouveau été interpellé dans la matinée de samedi à l’un de ses domiciles dans le nord de Dakar. Il a ensuite été conduit par la police à la Division des investigations criminelles où il est resté près de deux heures avant de rentrer chez lui. L’un de ses avocats, Me Doudou Ndoye, a expliqué que l’ancien président tchadien avait été interpellé sur ordre du ministre sénégalais de l’Intérieur. «Le ministre Ousmane Ngom a signé un arrêté selon lequel il met Hissène Habré à la disposition du président de l’Union africaine dans un délai de 48 heures», a-t-il précisé. «C’est un arrêté d’internement, un arrêté de prise de corps, ce n’est pas un arrêté d’expulsion», a également ajouté l’avocat qui a vigoureusement dénoncé une mesure «digne du régime de l’internement administratif» au temps de l’occupation allemande en France. «C’est que faisaient les nazis. Aujourd’hui je dis à M. Ngom qu’il est en train de commettre avec Habré les même actes délictuels que ce qui a été jugé à Nuremberg», a-t-il insisté.

L’ancien président tchadien, qui fait très rarement des déclarations publiques, a accordé samedi une interview à une radio privé dakaroise. «C’est une situation exceptionnelle dont on ignore les tenants et les aboutissants. Personnellement, je pense qu’il s’agit d’une mesure politique, proprement politique», a déclaré à Radio Futurs Médias (RFM) Hissène Habré en faisant référence à sa nouvelle interpellation. Refusant de faire des commentaires sur les raisons qui ont motivé cette décision, il a affirmé être «serein». «J’ai passé une très bonne nuit, je me suis bien reposé, tout va bien. Je suis serein, très serein parce que je sais que j’ai le droit avec moi», a-t-il ajouté.  

Hissène Habré a été reconduit samedi en début d’après-midi à son domicile après son passage à la Division des investigations criminelles (Police judiciaire). Selon son avocat Me Ndoye, l’ancien président tchadien est «retourné chez lui pour faire l’inventaire de ses affaires, de tout ce qu’il a». «C’est un travail élémentaire matériel», a-t-il expliqué. Les policiers sénégalais qui l’avaient raccompagné sont repartis. Et aucune indication n’a été donnée sur la suite qui serait donnée à la nouvelle procédure lancée contre Hissène Habré.

Espoir de nouveau permis pour les victimes

Le fait que le dossier de l’ancien président tchadien soit remis à l’appréciation de l’Union africaine n’est en soi pas une surprise. Interpellé la semaine dernière par différentes personnalités et institutions en faveur de l'extradition vers la Belgique de Hissène Habré, le chef de l’Etat sénégalais Abdoulaye Wade avait en effet affirmé qu'il consulterait l'UA avant de signer un éventuel décret d'extradition afin de montrer la dimension «africaine» de ce dossier. La décision samedi du ministre de l’Intérieur sénégalais de mettre, sous un délai de 48 heures, l’ancien président tchadien à la disposition de l’organisation panafricaine n’est donc qu’une suite logique. «Il était difficile pour Abdoulaye Wade d'extrader Hissène Habré d'un point de vue de politique intérieure», a d’ailleurs reconnu Me Georges-Henri Beauthier. l'avocat des victimes du régime Habré qui ont porté plainte en Belgique. Le président sénégalais s’est, selon lui, déchargé sur l'UA «afin de ne pas en supporter les conséquences». C'est pour lui «une porte de sortie», a-t-il ajouté.

Si vendredi le pessimisme avait gagné les victimes après que la chambre d'accusation de la Cour d'appel de Dakar se fut déclarée incompétente sur l’extradition d’Hissène Habré, l’espoir est de nouveau permis. Ainsi pour Me Beauthier, ce «retournement de situation», qui n'a «rien de juridique» montre à tout le moins qu'«Hissène Habré n'échappera pas facilement à la justice s'il devait y échapper». L’avocat ne cache d’ailleurs pas son optimisme rappelant notamment que le président de la Commission de l'Union africaine, le Malien Alpha Oumar Konaré, avait déjà fait savoir qu'il était favorable à l'extradition et au jugement de l’ancien président tchadien. Me Beauthier, qui a d’ailleurs qualifié la décision prise par les autorités sénégalaises d’«assignation à résidence», a estimé qu’il s’agissait là d’«un premier pas vers l’extradition» de Hissène Habré.

L’ancien président tchadien, renversé par l‘actuel chef de l’Etat Idriss Déby en 1990, est réfugié depuis 15 ans au Sénégal. Il avait arrêté le 15 novembre dernier et placé en détention à Dakar. Il est sous le coup d'un mandat d'arrêt international délivré par la justice belge qui réclame son extradition sur la base d'une plainte déposée en 2000 par trois Belges d'origine tchadienne pour violations massives des droits de l'Homme. Son cas a suscité en Afrique un vif débat sur le fait de savoir si les anciens chefs d'Etat recherchés pour atteintes aux droits de l'homme devaient être jugés devant les tribunaux d'autres pays ou seulement dans leur propre pays.   


par Mounia  Daoudi

Article publié le 26/11/2005 Dernière mise à jour le 26/11/2005 à 16:15 TU