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Paludisme

Stop aux monothérapies à base d’artémisinine

Des anti-paludiques comportant uniquement de l'artémisinine pourraient créer une résistance du parasite au médicament.(Photo : www.msf.lu)
Des anti-paludiques comportant uniquement de l'artémisinine pourraient créer une résistance du parasite au médicament.
(Photo : www.msf.lu)
L’Organisation mondiale de la santé vient de demander aux laboratoires pharmaceutiques d’arrêter la vente des médicaments antipaludiques fabriqués à partir de la seule artémisinine. Il s’agit d’une mesure de précaution. L’OMS craint, en effet, qu’en prescrivant ces monothérapies, des résistances finissent par apparaître et remettent en cause leur efficacité. Elle préconise donc de continuer à utiliser les dérivés de l’artémisinine mais en les associant avec d’autres médicaments contre le paludisme.

Artemisia annua : c’est le nom de la plante qui contient la substance à partir de laquelle une nouvelle génération de médicaments contre le paludisme a pu être fabriquée. Depuis quelques années, les dérivés de l’artémisinine -artesunate, artemeter, dihydroartémisinine- font partie de l’arsenal des traitements contre cette maladie. L’efficacité de cette substance a été prouvée. Elle permet d’obtenir rapidement une diminution du parasite dans le sang et la disparition des symptômes cliniques de la maladie. Mais l’Organisation mondiale de la santé (OMS) craint qu’une mauvaise utilisation n’aboutisse à ruiner rapidement le potentiel de ces traitements. C’est pourquoi, elle vient de diffuser une mise en garde contre la prescription de monothérapies à l’artémisinine.

L’histoire de la lutte contre le paludisme -une maladie contre laquelle n’existe pas de vaccin- a montré que les médicaments ont une durée d’efficacité limitée. Au bout d’un temps, on observe en effet le développement de résistances chez le parasite qui rendent les traitements inopérants et favorisent même parfois une recrudescence de la maladie. En cinq ans, la sulfadoxine-pyriméthamine est ainsi passée de 100 % de résultats à 10 %. Le même phénomène a été repéré pour la chloroquine qui ne guérit plus que la moitié des enfants auxquels elle est prescrite en Afrique. L’OMS estime que cela est dû en grande partie à une utilisation massive, et en monothérapie, des différents médicaments. Elle préconise donc désormais les traitements qui associent plusieurs antipaludiques.

Réduire le risque de résistances

Aucun échec thérapeutique occasionné par une résistance à l’artémisinine n’a pourtant été observé pour le moment. Néanmoins le risque existe, d’autant que l’utilisation des traitements contre le paludisme fabriqués à partir de cette substance a crû très vite en quelques années. En Afrique notamment. Et l’OMS a tout de même constaté récemment une «baisse de la sensibilité au médicament en Asie du Sud-Est», la région où sont apparues les résistances aux antipaludiques.

C’est la raison pour laquelle l’organisation appelle aujourd’hui les laboratoires à stopper la commercialisation des monothérapies à base d’artémisinine et recommande l’utilisation des ACT (associations thérapeutiques à base d’artémisinine). Non seulement la combinaison des dérivés de cette substance avec d’autres médicaments réduit le risque d’apparition de résistances, mais en plus elle permet d’obtenir de meilleurs résultats thérapeutiques. Elle est efficace à 95 % et en trois jours au lieu de sept. D’autre part, les médicaments contre le paludisme actuellement en cours de développement ne seront pas au point avant une dizaine d’années. Ce qui fait dire au directeur du département paludisme de l’OMS, le docteur Arata Kochi : «Si nous perdons l’artémisinine, nous n’aurons plus de médicament efficace contre le paludisme».

Pour bien faire comprendre le caractère impératif de son message, l’OMS a même assorti ses recommandations aux laboratoires d’un avertissement. Le docteur Arata Kochi a prévenu les fabricants qui commercialisent les traitements proscrits que les récalcitrants s’exposaient à des sanctions : «Nous pouvons demander à des bailleurs de fonds, comme la Banque mondiale, de fortement recommander de ne plus se fournir en ACT auprès des sociétés qui commercialisent également des monothérapies».

Un million de morts par an

Dans son combat pour obtenir une plus grande efficacité thérapeutique contre le paludisme, l’OMS entend aussi lutter contre le fléau des médicaments contrefaits en renforçant sa collaboration avec les autorités nationales des Etats où les trafics prospèrent. Dans les pays en développement, l’organisation estime que 25% des médicaments sont des contrefaçons ou sont de mauvaise qualité. Un taux qui atteint jusqu’à 50% dans certaines zones d’Afrique ou d’Asie.

Il est vrai que l’enjeu de la lutte contre le paludisme est de taille. Cette maladie transmise à l’homme par les moustiques anophèles femelles provoque la mort d’un million de personnes par an et représente la principale cause de décès des enfants de moins de cinq ans. L’Afrique est le continent le plus durement touché puisqu’elle regroupe 90% des victimes.


par Valérie  Gas

Article publié le 20/01/2006 Dernière mise à jour le 20/01/2006 à 17:58 TU

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Dr Charles Delacollette

Médecin au programme «Faire reculer le paludisme» à l'OMS

«On s'est rendu compte qu'il était préférable d'associer l'artémisinine avec un autre médicament afin d'éviter l'apparition de résistances.»

[20/01/2006]

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