Côte d’Ivoire
Gbagbo proroge l’Assemblée nationale
Le président Laurent Gbagbo a annoncé, vendredi 27 janvier, qu’il maintenait l’Assemblée nationale, dont le mandat est arrivé à échéance au mois de décembre, «en fonction avec tous ses pouvoirs». Il a affirmé que cette décision avait été prise après consultation du nouveau Premier ministre, Charles Konan Banny. En visite à Pretoria puis à Brazzaville pour rencontrer les différents interlocuteurs africains impliqués dans la gestion de la crise ivoirienne, celui-ci n’a pas réagi à la suite des déclarations du président. Le chef du gouvernement a simplement fait une nouvelle fois état de sa volonté «d’organiser les élections dans le délai imparti» et assuré qu’il travaillait «en tandem» avec Laurent Gbagbo.
Charles Konan Banny n’a pas eu beaucoup de répit depuis sa nomination au poste de Premier ministre de Côte d’Ivoire, le 28 décembre dernier. Le problème du sort de l’Assemblée nationale en suspend depuis la mi-décembre 2005, date à laquelle le mandat des députés est arrivé à son terme, n’est pas étranger aux difficultés rencontrées par le nouveau chef du gouvernement. Ce dossier délicat est, en effet, au cœur des préoccupations du président Gbagbo qui a finalement décidé d’annoncer, vendredi, que l’Assemblée nationale restait en place. Il est vrai que cela va dans le sens des intérêts du chef de l’Etat puisqu’elle est dominée par son Parti, le Front populaire ivoirien (FPI).
Cette décision intervient alors que le Groupe de travail international (GTI), chargé de suivre le processus de paix en Côte d’Ivoire, avait estimé le 15 janvier que le mandat des députés n’avait pas à être prorogé. Un point de vue qui avait provoqué la colère des patriotes, les jeunes qui soutiennent le président ivoirien. Ceux-ci avaient du coup appelé à la manifestation et Abidjan, la capitale, avait été bloquée pendant plusieurs jours. Ce mouvement violent était destiné à protester contre ce que les manifestants présentaient comme une tentative de la communauté internationale de porter «atteinte à la souveraineté nationale» de la Côte d’Ivoire en essayant de dissoudre l’Assemblée.
Accord ou pas ?
Les tensions étaient tellement vives que le chef de l’Etat nigérian Olusegun Obansanjo, alors président de l’Union africaine (UA), avait estimé nécessaire de venir en Côte d’Ivoire pour essayer de désamorcer cette nouvelle crise. A l’issue de ses entretiens avec Laurent Gbagbo, il avait tenté de calmer le jeu en déclarant que la décision finale sur la question de l’Assemblée relevait du président ivoirien et du Premier ministre qui devaient «entamer des consultations en vue de parvenir à une solution politique».
A en croire la présidence ivoirienne, c’est bien à la suite de discussions entre les deux responsables, au cours desquelles Charles Konan Banny aurait admis que la question de l’Assemblée «relevait des compétences exclusives» du chef de l’Etat, que Laurent Gbagbo a pris sa décision en faveur d’une prolongation du mandat des députés. Reste que pour le moment, le Premier ministre n’a ni confirmé, ni infirmé. Au lendemain de l’annonce de Laurent Gbagbo, Charles Konan Banny a d’ailleurs engagé une tournée qui l’a mené samedi à Pretoria pour rencontrer le président sud-africain Thabo Mbeki, médiateur dans le conflit ivoirien, et le Haut représentant de l’Organisation des Nations unies pour les élections en Côte d’Ivoire, Antonio Monteiro. Il s’est ensuite rendu à Brazzaville, pour rencontrer le nouveau président de l’UA, le Congolais Sassou Nguesso, qui vient de prendre la succession d’Olusegun Obasanjo.
Il a fallu attendre la fin de cette deuxième visite pour que le chef du gouvernement ivoirien réagisse aux derniers événements. Et encore l’a-t-il fait en s’en tenant à des prises de positions générales sur les objectifs qu’il entend atteindre. Il a ainsi simplement réaffirmé à l’issue de sa visite qu’il se consacrait entièrement à sa mission, à savoir organiser des élections à la date prévue. Et il a précisé qu’il travaillait «en tandem» avec le président ivoirien, sans dire qui tenait le guidon.
Pas de surenchère
Concernant les déclarations menaçantes du leader des «jeunes patriotes», Charles Blé Goudé, qui lui a lancé, samedi, un «ultimatum» pour qu’il publie sous quinze jours un calendrier pour le désarmement des rebelles, en menaçant de nouvelles actions de ses partisans s’il n’obtempérait pas, Charles Konan Banny a évité la surenchère. Il a simplement estimé que ces développements «faisaient partie de la complexité de la situation».
Les réactions des partis d’opposition sur la prolongation du mandat de l’Assemblée nationale ont été mois nuancées. Le Rassemblement des républicains (RDR), la formation d’Alassane Ouattara, rentré cette semaine en Côte d’Ivoire, qui n’est pas représenté à l’Assemblée nationale, a estimé qu’il n’était pas «concerné par cette décision». Le secrétaire général adjoint à la communication du RDR a tout de même déclaré : «La position du RDR est déjà connue : le mandat des députés est arrivé à expiration, un point c’est tout». Il a ajouté que la décision de Laurent Gbagbo était «juste bonne à flatter l’orgueil des patriotes». Le porte-parole des rebelles des Forces nouvelles, Sidiki Konaté, a lui estimé qu’il s’agissait d’une décision «nulle et sans effet».
par Valérie Gas
Article publié le 29/01/2006 Dernière mise à jour le 29/01/2006 à 17:42 TU