Tchad
Réfugiés, pétrole : N’Djaména marchande
« traître ».
(Photo : AFP)
Le régime tchadien a accusé ce lundi le Soudan de reconstituer la rébellion du Front uni pour le changement (FUC) en vue d’un nouvelle attaque contre la capitale, après avoir accusé le président soudanais Omar el-Béchir de traîtrise et de « génocide » au Darfour. Ce dernier assure n’avoir aucun intérêt à l’instabilité du Tchad qui, selon lui, est le seul responsable de l’insécurité à la frontière.
Le président Deby avait décidé de boucler vendredi la frontière avec le Soudan et de rompre les relations diplomatiques avec le gouvernement de Khartoum. Le Tchad avait aussi décidé de se retirer dimanche des négociations de paix sur le Darfour à Abuja (Nigeria) entre les rebelles de cette province soudanaise et les délégués du régime de Khartoum.
Les autorités tchadiennes considèrent que la crise du Darfour est la principale source de déstabilisation du pays et elles ont même menacé d’expulser avant le 30 juin 200 000 réfugiés soudanais, venus de cette province. Mais le président Deby a garanti au Haut-commissaire des Nations unies Antonio Guterres que cette menace ne serait pas menée à exécution.
Les autorités de N’Djamena, ainsi que des fonctionnaires internationaux, soupçonnent les rebelles et les milices arabo-soudanaises (djandjawids) de recruter des combattants dans les camps de réfugiés. Le président tchadien exige que l’Onu puisse garantir la sécurité dans la partie occidentale du Soudan, ce qui est encore très loin de se produire. On prévoit que des forces des Nations unies puissent remplacer l’actuel contingent de l’Union africaine. Ce processus de remplacement de troupes va demander du temps et on ne sait pas encore sous quel commandement va être mis en place.
100 millions de dollars bloqués à Londres
Les organisations humanitaires, en commençant par le Programme alimentaire mondial (PAM), craignent que la décision du président tchadien de fermer la frontière ne rende impossible l’acheminement de vivres destinés aux 400 000 habitants de cette région soudanaise.
Idriss Deby a aussi menacé de suspendre la production de pétrole dans son pays qui est évaluée de 100 000 à 200 000 barils par jour. Cette menace vise la Banque mondiale, qui avait décidé de geler les revenus pétroliers tchadiens. En effet, 100 millions de dollars restent bloqués sur un compte à Londres, suite au refus du gouvernement de N’Djamena de respecter son engagement de verser 10% des revenus pétroliers à un « fonds pour les générations futures », préférant utiliser ces fonds pour le financement d’autres dépenses, probablement militaires. Les autorités tchadiennes ont démenti, précisant qu’il s’agissait d’un besoin d’argent urgent « pour résoudre les problèmes sociaux du pays ».
Cette menace qui devait être mise à exécution demain, mardi, a été reportée à la suite d’une proposition de médiation des Etats-Unis. Les gisements de Doba, dans le sud du territoire tchadien, sont exploités par un consortium réunissant les multinationales américaines Exxon-Mobil et Chevron et l’opérateur malaisien Petronas. C’est la Banque mondiale qui a financé la construction de l’oléoduc acheminant le pétrole de Doba au terminal de Kribi, au Cameroun. La production tchadienne correspond à environ la moitié de la production actuelle du Soudan qui est exportée à plus de 85% vers la Chine. Mais il s’agit, évidement, d’un atout de première importance pour le gouvernement du président Idriss Deby, au moment où les cours ont dépassé les 70 dollars le baril.
On pense, néanmoins, que ces sources de revenus ne pourront pas être utilisées immédiatement dans l’achat de moyens militaires ou dans la formation d’une armée efficace. Le gouvernement tchadien devra ainsi continuer a dépendre en grande partie du soutien militaire français, notamment du dispositif Epervier, qui totalise 1200 hommes, 6 chasseurs Mirage et des hélicoptères.
par Antonio Garcia
Article publié le 17/04/2006 Dernière mise à jour le 17/04/2006 à 18:57 TU