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Népal

La mobilisation anti-monarchique se poursuit

Les Népalais poursuivaient leur mobilisation, dimanche, aux cris de «<i>Vive la République&nbsp;!</i>», ou même «<i>Préparez le bûcher pour Gyanendra&nbsp;!</i>»(Photo : AFP)
Les Népalais poursuivaient leur mobilisation, dimanche, aux cris de «Vive la République !», ou même «Préparez le bûcher pour Gyanendra !»
(Photo : AFP)
Bien que le roi Gyanendra ait accepté de rendre le pouvoir exécutif aux partis politiques, les manifestations se poursuivent à travers le petit royaume himalayen. Près de 300 personnes ont encore été blessées, ce week-end, dans la seule ville de Katmandou, où le couvre-feu a été réimposé, hier, pour la quatrième journée consécutive.

De notre envoyé spécial à Katmandou

Si Gyanendra espérait regagner la confiance de son peuple en proposant un simple retour à la monarchie constitutionnelle, il a manifestement sous-estimé l’ampleur du mouvement qui secoue son royaume. Au lendemain de son allocution, les partis d’opposition ont en effet rejeté son offre de former un nouveau gouvernement, samedi, réclamant à la place la réouverture du Parlement, afin de préparer l’élection d’une Assemblée Constituante. Avant même qu’ils n’annoncent leur décision, des dizaines de milliers de manifestants avaient déjà pris le chemin de la rue pour protester contre cette proposition, considérée par beaucoup comme une «imposture». «Nous ne faisons plus confiance au Roi, résume Hari Kanal, un étudiant de l’université de Tribhuvan, à Katmandou. Soit il accepte une nouvelle Constitution dans laquelle il n’a plus aucun pouvoir politique, soit il quitte le pays. Nous poursuivrons nos manifestations jusqu’à ce qu’il cède». Une rengaine que l’on entend systématiquement, dans les rangs des manifestants, sortis en masse, tout au long du week-end, pour pousser les partis à ne pas faire de «compromis» avec le Roi.

Malgré le couvre-feu, des centaines de milliers de personnes ont ainsi commencé à se rassembler sur le boulevard périphérique dès samedi matin, coupant des arbres par dizaines pour les placer en travers de la route afin d’entraver les mouvements de l’armée. Haut-lieu des manifestations, ces deux dernières semaines, le carrefour de Gangabu a également été rebaptisé «carrefour de la République» sous les applaudissements de la foule. Tout autour des lettres peintes en rouge et jaune sur la chaussée, des bouquets de fleurs étaient entreposées en hommage «aux martyrs» du mouvement anti-monarchique, qui a déjà fait au moins treize morts à travers le pays.

Bien que l’armée et la police aient reçu l’ordre de tirer à vue sur quiconque violerait le couvre-feu, les manifestants ont ensuite brisé les cordons de sécurité pour tenter de rejoindre le centre-ville. La foule était si nombreuse que les forces de l’ordre, débordées, ont rapidement abandonné l’idée de lui interdire l’entrée de la ville, se contentant d’empêcher les protestataires de s’approcher de trop près du palais royal. Sur les toits, les habitants de la capitale les encourageaient tout en leur jetant des sceaux d’eau en guise de rafraîchissement. «Nous n’avons pas tous le courage de descendre dans la rue, mais nous sommes tous avec eux, expliquait un vieil homme qui applaudissait sur le trottoir. Ce roi doit partir, nous ne voulons plus de lui».

Lorsque les défilés ont tenté de forcer le passage pour rejoindre le Palais, la police n’a pas hésité à tirer dans le tas dans au moins deux quartiers différents. Confrontées à de véritables marées humaines, les forces de l’ordre s’efforçaient ailleurs de repousser les manifestants à coups de bâtons et de grenades lacrymogènes. Bilan de la journée : plus de 250 blessés, dont des femmes et des enfants.

La répression policière et l’interruption des réseaux de téléphones portables, coupés samedi pour tenter de nuire à coordination du mouvement, n’ont cependant pas empêché les Népalais de poursuivre leur mobilisation, dimanche, aux cris de «Vive la République !», ou même «Préparez le bûcher pour Gyanendra !». Compte-tenu des violences de la veille, les policiers ont par contre interdit aux manifestants d’entrer dans la ville, où le couvre-feu avait été réimposé dès neuf heures du matin. Afin d’éviter d’avoir affaire à une foule trop nombreuse, ils se sont également interposés pour empêcher les différentes manifestations de se regrouper sur le périphérique. Les forces de l’ordre se sont toutefois montré moins violents que la veille. Peut être parce qu’ils avaient, derrière eux, des soldats armés de fusils, prêts à intervenir au cas où la situation dégénérerait.

Ailleurs dans le pays aussi, des centaines de milliers de personnes ont manifesté tout au long du week-end, s’attaquant parfois aux statues des anciens rois de la dynastie des Shah. Manifestement, les Népalais ne comptent pas se contenter d’un retour à la situation qui prévalait avant que Gyanendra ne s’empare des pleins pouvoirs, le 1er février 2005. A tel point que les partis d’opposition, qui avaient lancé le mouvement anti-monarchique, le 6 avril dernier, avouent désormais être dépassés par l’ampleur du mouvement. Il semble cependant improbable que le roi accepte subitement de renoncer à ses pouvoirs, ou que l’armée ne lui retire son soutien. La crise népalaise risque donc de s’éterniser.

par Pierre  Prakash

Article publié le 23/04/2006 Dernière mise à jour le 23/04/2006 à 17:35 TU