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Economie

Mittal à l’assaut d’Arcelor

La bataille est annoncée depuis des mois mais les hostilités démarrent véritablement aujourd'hui sur plusieurs places boursières. Le N°1 mondial de l’acier Mittal Steel lance son offre publique d’achat (OPA) sur le N°2 du secteur Arcelor. Ce dernier ne désespère pas de convaincre ses actionnaires de ne pas s’engager aux côtés de son concurrent. Les deux adversaires, bien qu’ils travaillent dans le même secteur d’activité, ont des profils très différents. L’annonce de la volonté de Mittal de racheter Arcelor a donné lieu à une longue bataille de communication au cours de ces derniers mois. L'issue de ce combat est encore incertaine.

Ce matin, les pays où Arcelor est coté doivent publier sur leur site Internet l'offre officiel de Mittal : c'est donc le cas pour la France, le Luxembourg, la Belgique ainsi que le gendarme boursier espagnol qui doit également le faire dans les prochains jours.  L'offre de Mittal de racheter des actions Arcelor sera ouverte dans ces quatre pays européens jusqu'au 29 juin inclus. L'offre est mixte, pour l'essentiel (75%), Mittal offre des actions Mittal et un complément en liquide, ce qui correspond globalement à une offre de 28,21 euros par titre. Mercredi soir le titre Arcelor, qui a beaucoup progressé depuis près de 4 mois, avait terminé à la bourse de Paris à 32,85 euros.

Depuis le 27 janvier se déroule une vraie confrontation en coulisse par le biais de conférences de presse, d’opérations de lobbying, de cabinets de conseils en communication. La bataille des mots a fait rage. Objectif pour Mittal : convaincre les actionnaires d'apporter leurs actions Arcelor. Pour Arcelor, au contraire, le but est de démontrer que l'offre n'est pas attractive. Guy Dollé, le patron d'Arcelor a même parlé de « monnaie de singe ». Derrière cette offre de rachat, deux mondes s’affrontent.

Lakshmi Mittal est petit-fils d'un marchand de ferrailles, fils d'un patron d'une usine de laminage. Il travaillait avec son père et a construit son groupe depuis l'Indonésie, à partir de 1976. Depuis les années 90, il s'est lancé dans une politique de rachats tous azimuts : il est sur le marché mexicain, au Canada, en Allemagne, au Kazakhstan, en Roumanie, aux Etats-Unis. Il est aujourd'hui le n°1 mondial en production, mais au coude à coude avec Arcelor.

Arcelor, c'est une autre histoire : un groupe de « l'ancien monde », né en 2002 de la fusion du français Usinor, du belgo-luxembourgeois Arbed et de l'Espagnol Arceralia. L’entreprise compte 120 000 salariés, dont 23 000 en France fin 2005. C’est une spécialiste des aciers sophistiqués.

Deux entreprises complémentaires

Cette OPA c'est donc un peu le choc de 2 titans porteurs d'histoires différentes, ce qui a provoqué quelques dérapages. En France, en Espagne, au Luxembourg des responsables politiques se sont lancés dans du patriotisme économique d'un goût parfois douteux. Pendant ce temps-là Guy Dollé s'affairait à renforcer son groupe dont la structure, il faut le dire, n'était pas très protégée. Il s’est renforcé en rachetant Dofasco, au Canada, en créant une joint-venture en Chine, il a mis à droite ou à gauche ce qu'on appelle des « pilules empoisonnées », c'est-à-dire des disposition légales destinées à dissuader les actionnaires de passer du côté de Mittal. Il a même très récemment proposé de racheter ses propres actions, à un prix plus élevé que celui qui a été proposé par Mittal.

Les profils industriels des deux entreprises sont également à la fois très différents et très complémentaires. Et, de fait, ce sont 2 groupes européens ! Si Arcelor est de droit luxembourgeois, Mittal est de droit néerlandais : son patron réside à Londres. Mais ce qui fait surtout la différence c'est la gestion : le groupe Mittal est contrôlé a 80% par une famille (la famille Mittal), qui a d'ailleurs 98% des droits de vote. L'autre, Arcelor, a un conseil d'administration et des Etats comptent parmi ses actionnaires (la Belgique, le Luxembourg et l'Espagne, mais à très petit niveau).

Issue incertaine

Arcelor est présent en Europe de l'Ouest et en Amérique latine tandis que Mittal Steel est dominant en Europe de l'Est et en Amérique du Nord. La nouvelle entité serait complémentaire géographiquement, et représenterait 12% du marché mondial de l'acier. Mittal produit des aciers simples, Arcelor des produits complexes. Le fait est que leurs productions permettent d'avoir un éventail complet et c'est bien d'ailleurs la raison pour laquelle la Belgique, finalement, a décidé de ne pas choisir et de laisser faire les actionnaires. Bruxelles pense que les 2 projets industriels sont intéressants et ne croit pas que Mittal va forcément licencier comme l’affrontement verbal de ces derniers mois l'a suggéré. D'abord Mittal est déjà présent dans la région, notamment en Lorraine à Gandrange, et ses syndicats disent qu'ils ne travaillent pas plus mal que lorsqu'ils étaient Arcelor. Mittal a même embauché en Lorraine, alors qu'Arcelor, ces dernières années, s'est lancé dans un plan de restructuration industrielle et doit fermer 6 hauts-fourneaux d'ici 2010 en Europe, pour améliorer la rentabilité du groupe.

L'issue de l'OPA lancée aujourd'hui est incertaine, ce sont les actionnaires qui décideront. Le fait est que l'envolée du cours d'Arcelor depuis janvier rend l'offre Mittal moins attractive. Mais il faut voir si les promesses des uns et des autres faites pendant la « campagne » auront séduit les actionnaires.


par Annie  Fave

Article publié le 18/05/2006 Dernière mise à jour le 18/05/2006 à 15:26 TU