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Monténégro

Le choix de l’indépendance

Les partisans de l'indépendance fêtent la victoire dans les rues de Podgorica. 

		(Photo : Laurent Geslin/RFI)
Les partisans de l'indépendance fêtent la victoire dans les rues de Podgorica.
(Photo : Laurent Geslin/RFI)
55,5% des électeurs monténégrins se sont prononcés en faveur de l’indépendance de la petite république, nettement au-dessus du seuil fixé par l’Union européenne. Ce résultat achève le démembrement de la Yougoslavie. On ignore si le choix des Monténégrins contribuera à la stabilisation globale de la région ou pourrait présager de nouveaux déchirements.

De notre envoyé spécial à Podgorica

« Nous avons un État ! » : le cri de joie a retenti dans Podgorica dès 22 heures, quand les premières estimations ont été connues. Aussitôt, des feux d’artifice ont éclaté dans plusieurs quartiers de la ville, tandis que la foule descendait dans les rues pour fêter la renaissance du Monténégro. La fête a aussi duré très tard à Kotor, Niksic, Bar ou Cetinje, l’ancienne capitale royale du Monténégro, indépendant jusqu’à son rattachement forcé au royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes, en 1918. Chants patriotiques et rafales de kalachnikovs se sont succédés jusque tard dans la nuit.

En fait, le suspens a duré une bonne partie de la soirée, puisque les chiffres ont oscillé entre 56,3 et 51,1% de votes favorables à l’indépendance, pour se fixer finalement à 55,5%, tandis que le taux de participation dépasse 86% des inscrits. Predrag Bulatovic, le chef de l’opposition « unioniste » conteste cependant ce résultat et réclame que l’on attende les chiffres officiels de la Commission électorale. Dimanche soir cependant, les militants unionistes sont restés chez eux, semblant accepter massivement leur défaite.

Le Premier ministre Milo Djukanovic s’est exprimé vers 2 heures du matin devant des milliers de sympathisants, réunis aux abords du siège du gouvernement. Il a salué la victoire du Monténégro « démocratique et européen », en profitant pour adresser ses félicitations à la Serbie, qui devient elle aussi indépendante, mais sans l'avoir désiré.

La sécession du Monténégro représente en effet une nouvelle étape du processus de démantèlement de la Fédération yougoslave, amorcé dès 1991. En 1992, les seules républiques de Serbie et du Monténégro avaient formé une nouvelle « mini-Yougoslavie », qui est elle-même devenue l’Union de Serbie-et-Monténégro en 2003, une sorte de confédération aux compétences communes extrêmement réduites.

Impact régional incertain

D’après les termes de la Charte de Belgrade, la Serbie sera cependant l’unique héritière légale de cette Union, mais les deux républiques vont devoir discuter des modalités exactes de leur séparation. Selon certaines sources officieuses, le Monténégro pourrait choisir de proclamer très vite son indépendance, qui nécessite cependant un vote du Parlement. La grande fête de la victoire aura lieu lundi à Cetinje où, selon les termes de Milo Djukanovic, « l’État monténégrin va renaître ».

La séparation du Monténégro ne devrait pas avoir de conséquences immédiates sur les autres dossiers chauds de la région, comme le statut du Kosovo, même si les dirigeants albanais de Pristina avaient, dimanche, les yeux braqués sur Podgorica. Elle représente cependant un coup dur pour le gouvernement serbe de Vojislav Kostunica, qui s’était ouvertement engagé en faveur du camp des unionistes monténégrins, et qui doit faire face aux pressions de Bruxelles qui exige toujours l’arrestation du général Mladic pour reprendre ses pourparlers avec Belgrade. Désormais, la Serbie apparaît plus isolée que jamais, et pourrait sombrer dans un dangereux marasme politique, alors que l’extrême droite nationaliste est créditée de plus de 35% des intentions de vote dans les sondages.

L’Union européenne peut se féliciter du déroulement du référendum monténégrin, qui n’a pas été émaillé d’incidents graves et dont les résultats devraient être finalement reconnus par tous les camps. Cependant, il est encore trop tôt pour dire si l’accession du Monténégro à l’indépendance contribuera à la stabilisation globale de la région ou pourrait présager de nouveaux déchirements.

À Cetinje, les militants de l’Alliance libérale du Monténégro, qui se sont battus dès le début des années 1990 pour l’indépendance de leur pays, sans jamais cesser de dénoncer les guerres de Croatie et de Bosnie-Herzégovine étaient cependant tout à la joie de leur victoire. « Pour la première fois de ma vie, je vais être libre. Nous avons attendu ce moment depuis 16 ans », expliquait Zorka, une enseignante de français, les larmes aux yeux.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 22/05/2006 Dernière mise à jour le 22/05/2006 à 07:55 TU