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Industrie automobile

Fiançailles à l’étude entre Renault-Nissan et GM

Les conseils d’administration de Renault et de Nissan se sont entendus pour que Carlos Ghosn conduise le cas échéant des négociations avec General Motors; si l’Américain faisait des avances. 

		(Photo : AFP)
Les conseils d’administration de Renault et de Nissan se sont entendus pour que Carlos Ghosn conduise le cas échéant des négociations avec General Motors; si l’Américain faisait des avances.
(Photo : AFP)
Les conseils d’administration de Renault et de Nissan ont mandaté Carlos Ghosn, le PDG du groupe franco-japonais Renault et Nissan, pour mener des « discussions exploratoires » de mariage à trois, à condition que ce soit l’Américain General Motors qui fasse les avances. Le ministre français délégué à l’Industrie, François Loos, recommande « énormément de prudence » : s’il lui semble « positif » qu’un constructeur comme Renault cherche à être mondial, il pointe en revanche la complexité de l’industrie automobile et tempère les ardeurs franco-japonaises. Les analystes financiers sont quant à eux sceptiques : en acceptant de voler au secours de l’américain General Motors en crise –mais toujours au hit parade des ventes mondiales-, le patron de Renault-Nissan pourrait relâcher les efforts nécessaires à la relance du constructeur français, lui-même bien en peine sur un marché automobile mondial morose.

C’est une idée dans l’air qui vient de germer, suffisamment sérieuse pour que les analystes financiers s’en préoccupent, mais une idée seulement car pour l’instant rien n’est signé : une alliance potentielle pourrait être envisagée par le groupe franco-japonais de l’industrie automobile Renault-Nissan avec l’américain General Motors (GM) dès lors que ce dernier en ferait la demande. « Ne nous réjouissons pas, tout ça n’est pas du tout à l’ordre du jour », s’est empressé d’assurer François Loos, le ministre français délégué à l’Industrie.

Partenaires tout en étant farouchement concurrents et soucieux de préserver leurs intérêts réciproques, les conseils d’administration de Renault et de Nissan se sont néanmoins entendus pour que Carlos Ghosn conduise le cas échéant des négociations avec Kirk Kerkorian, actionnaire de référence de GM si l’Américain faisait des avances. Autrement dit, on est encore loin du mariage, les fiançailles ne sont pas engagées. GM n’a ni confirmé ni démenti la date d’une possible rencontre à trois, mais Renault et Nissan ont entériné le principe des « discussions exploratoires » si le groupe américain en manifestait ouvertement l’envie.

General Motors n’est pas au top de sa forme : ses voitures se vendent mal, même à l’aide de rabais. En Europe, différents sites de production de GM ont observé ces dernières semaines plusieurs grèves pour manifester leur solidarité avec les employés portugais et protester contre la possible fermeture de l’usine d’Azambuja (1 200 salariés) : au début du mois, GM Europe avait expliqué qu’il devait impérativement réduire les coûts de production de l’assemblage du modèle Opel Combo, faute de quoi il se verrait contraint de cesser son activité au Portugal avant la fin de l’année. Outre les frais de licenciement que cela engage, la réduction de taille d’une entreprise américaine entraîne un autre problème. En effet, aux Etats-Unis, chaque entreprise finance les retraites de tous ses anciens employés, donc « au bout d’un moment, quand les entreprises diminuent de taille, ça devient un très gros problème », explique François Loos.

Renault : « une image calamiteuse dans le pays »

Selon le schéma évoqué sur les marchés, Renault et Nissan voleraient donc au secours de l'américain et prendrait 20 % si General Motors les sollicitait. Mais le groupe franco-japonais a-t-il une santé assez solide ? Les ventes de Nissan sont décevantes au Japon et le constructeur craint de ne pas y atteindre ses objectifs. En ce qui concerne l’entreprise française, l’ambition est en soi « positive », aux yeux de François Loos car, déclare-t-il « il faut que les entreprises françaises développent de nouveaux produits en France pour les vendre dans le monde entier et profiter de la mondialisation.» Mais, alerte-t-il, « pour l’automobile c’est beaucoup plus compliqué parce qu’il n’y a pas que le produit, il y a aussi le circuit de distribution, les sous-traitants. Il faut avoir des usines partout, des distributeurs, des concessionnaires. Il faut des années et des années pour y arriver. (…) il faut y aller avec prudence, parce que les Etats-Unis c’est un marché immense et compliqué.» Et la France de l’avoir déjà éprouvé à ses dépens : « On dirait que Renault, aux Etats-Unis, a passé son temps à rater des occasions », constate Marvin Mc Falls, président du club Renault d’Amérique du Nord qui fédère un demi-millier d’irréductibles. Selon lui, ces échecs « ont donné une image calamiteuse [à la marque] dans le pays.»

Dès lors, Renault peut-il se permettre une semblable ambition alors qu’il est lui-même en panne sur le marché américain depuis tant d’années ? Si le groupe franco-japonais détient aujourd’hui 5 % du marché américain des véhicules neufs, c’est grâce à Nissan. On ne peut pas en dire autant du succès des voitures Renault. Les véhicules au losange sont même absents du marché américain depuis près de 20 ans malgré des percées ponctuelles. A la fin des années 1950, la Dauphine a bien connu ses heures de gloire mais, inadaptée au réseau routier américain, elle tombait souvent en panne et comme le service après-vente ne suivait pas, on l’a vite oubliée. Les années 1980 ont quant à elle été marquées par le succès de la Renault 5, rebaptisée « le Car ». Succès éphémère. Le choc pétrolier de 1985 a été fatal ; les Américains n’ont plus voulu de ces voitures certes économiques mais moins fiables que leurs concurrentes japonaises et desservies, de surcroît, par un réseau déficient.

Pour relever la situation de Renault, Carlos Ghosn a présenté début février un plan ambitieux baptisé « Renault Contrat 2009 ». Le plan est destiné à relancer la marque française bien en peine sur un marché automobile globalement morose. Flambée des matières premières et concurrence asiatique virulente conjugués ont fait que le résultat opérationnel du groupe Renault a chuté de 37,4 % en 2005. Carlos Ghosn a promis de faire du français « le constructeur généraliste européen le plus rentable », avec une marge opérationnelle qui serait portée à 6 % contre 3,2 % en 2005. Aujourd’hui, les analystes financiers s’inquiètent de savoir comment Carlos Ghosn pourrait piloter le projet français tout en prenant à bras-le-corps les déboires de l'américain.



par Dominique  Raizon

Article publié le 04/07/2006Dernière mise à jour le 04/07/2006 à TU