Israël
Haïfa touchée par le Hezbollah
(Photo : Sonia Chironi/RFI)
De notre envoyée spéciale à Haïfa
Dimanche matin, 6 heures. Les habitants de Haïfa sont réveillés par le bruit des sirènes. Quelques minutes plus tard, une série d’explosions retentit. Le scénario que tous les habitants craignaient depuis une première alerte, 48 heures auparavant, vient de se réaliser : la grande ville du Nord d’Israël, symbole de la bonne coexistence entre les communautés juive et arabe, est attaquée par le Hezbollah.
Un mouvement de panique traverse aussitôt la cité. Des automobilistes qui se rendaient au travail abandonnent leur véhicule en plein milieu de la chaussée et courent se réfugier dans les abris. Des centaines de personnes envahissent en quelques minutes les bouches de métro, l’endroit réputé le plus sûr. « J’habite au dernier étage d’un immeuble ancien. Je ne me sentais absolument pas protégée, et j’ai eu très peur », raconte Ady, une jeune fille d’une vingtaine d’années, qui s’est précipité dans la station qui est en bas de chez elle. C’est là qu’elle a passé la matinée, à suivre les dernières nouvelles diffusées par la radio locale.
En tout, une quinzaine de roquettes au moins se sont abattues dimanche matin sur le centre-ville et la banlieue de la troisième ville d’Israël, située à une quarantaine de kilomètres de la frontière libanaise. L’une d’elle a percé le toit du hangar de la gare centrale, tuant huit employés, et en blessant une vingtaine d’autres. Le bilan le plus lourd pour une attaque du Hezbollah depuis plus de dix ans.
La ville s’est figée
Lundi, après une accalmie dans la matinée, les sirènes ont de nouveau retentit dans la ville. Plusieurs salves ont été tirées dans l’après-midi et dans la soirée, l’une d’elles atteignant de plein fouet un immeuble d’habitations près du port. Six personnes ont été blessées, dont une gravement.
Calfeutrés chez eux ou dans des abris, les 275 000 habitants de Haïfa vivent depuis trois jours au rythme des alertes et des tirs de roquettes. La ville s’est figée : les rues et les trottoirs sont vides, les commerces presque tous fermés.
A Carmel, un quartier aisé situé dans les hauteurs, il n’y a qu’un seul bar ouvert. C’est celui de Kobi, un jeune trentenaire qui a passé trois ans dans les forces spéciales de l’armée israélienne au Liban. « Je ne pense pas qu’Hassan Nasrallah (le chef du Hezbollah, ndlr) réussira à tuer la vie sociale d’Israël. Je veux que les gens puissent continuer à pouvoir sortir, s’ils le veulent. Et tant qu’une roquette ne se sera pas abattue sur le bar, je resterais ouvert, même si personne ne vient. C’est une question de principe ».
«Ils savent ce qu’ils font»
Kobi avoue qu’il ne comprend pas l’attaque du Hezbollah qui a tout déclenché, il y a une semaine. Il y a quelques années, avant le retrait israélien du Sud-Liban, il a passé un mois à surveiller la frontière, à l’endroit précis de l’offensive lancée par les miliciens chiites. « A l’époque, c’était très calme. Avec les gars du Hezbollah, postés à quelques centaines de mètres de nous à peine, on se regardait, et on se faisait parfois un petit signe de la main, en riant ».
Aujourd’hui, Kobi s’apprête à rejoindre son unité près de la frontière. « Mon commandant m’a appelé, il a besoin de moi. Je n’ai pas hésité. Même si j’ai peur, évidemment, c’est mon devoir de répondre présent quand il s’agit de défendre mon pays ». Pendant que Kobi obéira aux ordres de son commandement militaire, « quels qu’ils soient, et sans états d’âme, parce qu’ils savent ce qu’ils font », c’est son associé, Kamal, un Arabe israélien, qui tiendra le bar des collines de Carmel.
par Sonia Chironi
Article publié le 18/07/2006Dernière mise à jour le 18/07/2006 à TU