Liban
Israël veut couper les vivres aux Libanais
(Photo : AFP)
De notre correspondant à Beyrouth
Après les infrastructures routières et électriques, les ports et les aéroports transformés en champs de ruines par la machine de guerre israélienne, un nouveau drame est en train de se jouer ces dernières 24 heures au Liban. L’aviation israélienne s’en prend systématiquement aux poids lourds et aux camions, qu’ils soient stationnés ou en mouvement, et dans toutes les régions du pays. Pour la première fois depuis le début de la guerre, mercredi 12 juillet, les appareils israéliens ont bombardé, dans la nuit de lundi à mardi, la ville chrétienne de Jbeil, à 40 kilomètres au nord de la capitale. Les missiles ont détruit plusieurs camions qui étaient stationnés dans une ruelle intérieure. Dans la matinée de mardi, ce sont plusieurs poids lourds qui ont été pris pour cible sur la route menant de la ville chrétienne de Zahlé, dans la plaine de la Békaa, vers Beyrouth. La veille, d’autres véhicules stationnés sur une route dans le secteur également chrétien de Warwar, à l’Est de la capitale, ont été pulvérisés par des raids aériens. Lundi matin, c’est un parking de camions qui avait été visé dans l’enceinte du port de Beyrouth. Les bombes ont fait deux morts parmi les chauffeurs et provoqué un gigantesque incendie.
A travers ces bombardements, l’Etat hébreu affirme vouloir empêcher le Hezbollah d’acheminer des munitions, notamment des roquettes, vers le Liban-Sud. Mais pour la population libanaise, le prétexte semble peu convaincant, d’autant que tous les véhicules visés jusqu’à présent transportaient des produits de consommation divers. Si les raids contre les véhicules de transport terrestre se poursuivent et s’étendent, c’est tout le réseau d’approvisionnement de la population civile en vivres et autres besoins de première nécessité qui risque d’être perturbé. En effet, les légumes et la volaille sont acheminés de la plaine de la Bekaa vers les villes côtières où résident plus des deux tiers des quatre millions de Libanais. Et depuis la fermeture de l’aéroport et de tous les ports à cause du blocus israélien, la Bekaa constitue la dernière voie d’approvisionnement. Si elle est définitivement coupée, la pénurie de produits alimentaires ne tardera pas à se transformer d’ici quelques jours en véritable désastre humanitaire.
Les casernes de l’armée bombardées
Autre développement significatif de ces dernières 24 heures, la poursuite et l’intensification des raids contre l’armée libanaise. Dans la nuit de lundi à mardi, deux casernes situées dans les régions de Jamhour et de Kfarchima, dans la banlieue est chrétienne de Beyrouth, ont été bombardées. Neuf militaires ont été tués. La veille, onze soldats avaient péri dans des raids contre leurs positions dans diverses régions du pays. L’attaque la plus meurtrière a visé une station radar au nord de la ville de Tripoli, à quelques kilomètres seulement de la frontière syrienne.
Pendant ce temps, le violent pilonnage des villages du Liban-Sud à l’artillerie lourde et aux missiles air-sol se poursuit par intermittence. Chaque heure qui passe apporte son lot de victimes civiles. Le Hezbollah, lui, n’a annoncé la mort que de trois de ses combattants depuis le début de la guerre. Aucun répit non plus pour la banlieue sud de Beyrouth, le fief du parti islamiste. Dans la nuit de lundi à mardi, le secteur a été la cible d’au moins cinq missiles aériens et autant de projectiles de gros calibre, tirés par les vedettes croisant au large de la capitale. Les destructions sont tellement grandes que les avions israéliens lâchent souvent leurs missiles sur des quartiers déjà complètement rasés.
Parallèlement à ce déchaînement inouï de la violence, les timides démarches diplomatiques entamées dimanche n’ont abouti à aucune percée. Le chef de la diplomatie européenne, les émissaires de Kofi Annan et le Premier ministre français n’ont proposé, en gros, que la libération inconditionnelle des deux soldats israéliens capturés mercredi matin par le Hezbollah et l’application de la résolution 1559 du Conseil de sécurité. Les émissaires de M. Annan ont proposé des idées concrètes comprenant le déploiement d’une force d’interposition internationale composée de 8 000 hommes et dotée de pouvoirs coercitifs. Cette proposition répond pratiquement à la lettre aux conditions posées par le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, pour que cessent les combats. Le Hezbollah n’a même pas attendu le départ des émissaires étrangers pour rejeter ces idées. Il a repris son pilonnage de Haïfa et, en soirée, un de ses députés a déclaré que le parti ne se pliera jamais pas aux exigences de l’Etat hébreu.
par Paul Khalifeh
Article publié le 18/07/2006Dernière mise à jour le 18/07/2006 à TU