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Environnement

La Californie attaque l'industrie automobile

Le procureur général de Californie Bill Lockyer accuse six constructeurs automobiles américains de mettre en péril la santé des Californiens.
Le procureur général de Californie Bill Lockyer accuse six constructeurs automobiles américains de mettre en péril la santé des Californiens.
La Californie et les constructeurs automobiles se livrent à une guerre depuis plusieurs années : l’Etat californien, où vit près d’un Américain sur huit, doit répondre à de nombreux défis environnementaux comme l’approvisionnement en eau. Mercredi, pour la première fois aux Etats-Unis, c’est le ministre de la Justice de l’Etat californien Bill Lockyer qui est passé à l’offensive en demandant à six constructeurs automobiles de rendre des comptes devant les tribunaux sur leur contribution au réchauffement climatique. La plainte sans précédent, déposée «au nom du peuple californien» et de la «santé publique», demande des dommages à hauteur de «centaines de millions de dollars».

Six constructeurs automobiles américains et japonais sont dans le collimateur du ministre de la Justice de l’Etat de Californie : Chrysler, General Motors (GM), Ford, Toyota, Honda et Nissan. Mercredi, le procureur général Bill Lockyer a accusé ces derniers de fabriquer des voitures produisant des gaz à effet de serre qui coûtent des milliards de dollars à l’Etat et qui mettent en péril la santé des Californiens. Pionnière dans la lutte contre la pollution, la Californie a imposé dans l’Etat, dès les années 1970, des normes anti-pollution sévères comme l’adoption de l’essence sans plomb et des pots  catalytiques, des normes qui ont été ensuite adoptées par le reste du pays. Cette fois, dans sa plainte, l’Etat californien estime que les voitures déchargeraient annuellement dans l’atmosphère quelque 289 milliards de tonnes de dioxyde de carbone (CO²), constituant ainsi une nuisance publique et environnementale.

Avec une population qui compte quelque 32 millions de véhicules pour 35 millions d’habitants, la Californie est l’Etat américain le plus riche, le plus peuplé et le plus motorisé des Etats-Unis. Los Angeles, la plus grande agglomération de l’Etat, figure régulièrement en tête du classement des villes américaines les plus polluées et, selon les chiffres avancés par Bill Lockyer, la pollution des voitures qui représente 20% du dioxyde de carbone émis aux Etats-Unis, monte à 30% en Californie. Or, souligne le procureur, «en tant qu’Etat côtier, Etat agricole et Etat qui dépend de sa couverture neigeuse hivernale sur la Sierra Nevada, la Californie joue très gros en agissant maintenant pour combattre le réchauffement climatique

Environnement et santé, questions prioritaires pour les Californiens

«La Californie a toujours conduit la nation», a déclaré Arnold Schwarzenegger citant l’industrie aérospatiale et les microprocesseurs «et maintenant les technologies propres», rappelle le quotidien le Monde. D’ici la fin du mois, Arnold Schwarzenegger devrait promulguer une loi imposant une réduction des gaz à effets de serre. Ce sera la première fois qu’un Etat américain s’engagera à suivre le protocole de Kyoto, en dépit de la position de George W.Bush, impopulaire, qui a répété que les contraintes liées à ce traité international menaçait les industries de son pays.

Les sondages donnent les questions de protection de l’environnement et de défense de la santé prioritaires pour les Californiens. Rien d’étonnant dès lors que Bill Lockyer, le procureur général démocrate, candidat au poste de trésorier de Californie le 7 novembre prochain, et Arnold Schwarzenegger, le gouverneur républicain de l’Etat qui mène campagne pour sa prochaine réélection s’emparent tous les deux de l’étendard vert. Les autorités californiennes, Arnold Schwarzenegger en tête, sont en conflit sur les questions de l’environnement avec l’administration du président Georges W.Bush.

Manœuvre opportuniste ou non, cette action en justice sans précédent devrait constituer un levier pour faire avancer la lutte contre le réchauffement climatique –dont les spécialistes estiment qu’il est lié pour un tiers au secteur des transports. En stigmatisant une industrie de premier plan qui finance les lobbies qui résistent à la lutte contre la production de gaz à effet de serre, la justice donne un écho médiatique plus important au débat. Par le passé, sept constructeurs japonais, parmi lesquels Toyota et Nissan avaient déjà été visés au Japon par un procès intenté par des asthmatiques qui accusaient les fumées produites par leurs voitures d’être à l’origine de leur maux. En octobre 2002, le tribunal de Tokyo avait condamné le gouvernement japonais et la municipalité de Tokyo mais avait exonéré les constructeurs de toute responsabilité. Cette fois, aux Etats-Unis, c’est l’Etat même qui porte plainte contre les constructeurs.

«Pousser les industriels à changer leurs processus de fabrication»

Même s’il est peu probable, de l’avis de l’Alexandre Genko, spécialiste en droit environnemental, que l’action de l’Etat aboutisse à une véritable condamnation, il n’en demeure pas moins que ce genre d’action devrait constituer un tournant dans la lutte mondiale contre les gaz à effet de serre. Alexandre Genko estime que «ce genre d’action a moins pour vocation de récupérer de l’argent que de pousser les industriels à changer leurs processus de fabrication, à améliorer la technologie de leurs produits, dans ce cas précis de mettre sur le marché des voitures les moins polluantes possible. Il s’agit de les pousser à prévenir plutôt que de réparer».

Du côté des constructeurs, aucun commentaire. «Je ne connais pas les détails des poursuites et je ne peux faire aucun commentaire à ce stade», a déclaré le président du conseil d’administration de Toyota Motor, Fujio Cho. Nissan Motor et Honda Motor se sont également refusés à tout commentaire. Effet ou non du hasard, General Motor vient juste d’annoncer le lancement aux Etats-Unis de 100 voitures fonctionnant avec des piles à combustible, réparties entre la Californie, la région de New York et celle de Washington : «Nous nous sommes fixés une échéance à 2010 pour avoir un prototype montrant que la fiabilité, l’autonomie, les performances puis le coût et la production de masse sont comparables avec le moteur à essence», a déclarté Larry Burns, vice-président de GM chargé de la recherche.

par Dominique  Raizon

Article publié le 22/09/2006 Dernière mise à jour le 22/09/2006 à 17:22 TU