Royaume-Uni
Blair fait ses adieux au Parti travailliste
(Photo : AFP)
De notre correspondante à Londres
Ce rendez-vous annuel était en effet décisif pour l’avenir du parti alors que le Premier ministre Tony Blair avait annoncé début septembre, contraint et forcé par une rébellion interne, que ce serait son dernier congrès en tant que chef du Labour. Dont acte : le chef du gouvernement a prononcé hier, le coeur gros, un discours d’adieu qui lui a permis de dresser son bilan mais aussi de se tourner résolument vers l’avenir en détaillant une «feuille de route» qui, selon lui, devrait permettre aux travaillistes de rester au pouvoir pour un quatrième mandat. Ovationné du début à la fin par les délégués travaillistes, Tony Blair a ainsi connu sa dernière heure de gloire à Manchester.
Au lendemain de cette véritable performance, les journaux reconnaissent d’ailleurs les talents d’orateur de Tony Blair. Le tabloïd The Sun qui a longtemps soutenu le Premier ministre n’hésite pas à écrire que c’était là «le meilleur discours de sa carrière» et que ses détracteurs devaient aujourd’hui se dire qu’ils venaient de priver le Labour d’un de ses atouts les plus précieux. De son côté, le Guardian de centre-gauche voit une forte ressemblance avec la chanson My Way de Frank Sinatra dans ces adieux et l’éditorialiste s’amuse ainsi à reprendre les premières paroles : «des regrets, Tony Blair en a eu quelques-uns, mais finalement trop peu pour en faire mention». Enfin, l’ensemble des quotidiens, même les plus critiques, s’accordent à pointer la grande différence de style entre Tony Blair et son ministre des Finances et probable successeur, une différence qui dessert terriblement Gordon Brown venu pourtant à Manchester convaincre les délégués qu’il avait tout pour être le prochain leader et Premier ministre Labour.
«Un homme remarquable»
Le Daily Telegraph de droite remarque ainsi que le «showman» Blair a littéralement «volé la vedette à Gordon Brown lors d’un de ses plus impressionnants discours». Et c’est vrai que le Premier ministre, qui excelle dans ce genre d’exercice, a tiré sa révérence avec brio. Visiblement ému, il d’abord remercié le peuple britannique, puis le parti Labour pour lui avoir accordé le privilège de le diriger pendant douze ans. Il a aussi admis qu’il lui serait difficile de quitter le pouvoir mais que c’était pour le bien du pays et du parti. Le chef du gouvernement qui a mis en avant «la plus longue période de croissance économique dans l'histoire britannique» a aussi défendu ses positions sur la scène internationale, notamment l'engagement en Irak et sa proximité avec l’administration américaine, qui lui pourtant valu une impopularité croissante.
Il a ensuite rendu hommage à son ministre des Finances et probable successeur Gordon Brown, «un homme remarquable». Il a par la même occasion tourné en plaisanterie la gaffe de son épouse Cherie qui aurait accusé Gordon Brown de mentir en l’entendant assurer durant son discours lundi que travailler aux côtés de Tony Blair avait été un privilège. «Au moins, je n'ai pas à craindre qu'elle s'enfuit avec le gars d'à côté», a lancé le Premier ministre, faisant allusion au fait qu’ils vivent en voisins au 10 et 11 Downing Street. Maniant humour et émotion le chef du gouvernement a également insisté sur les bienfaits accomplis par le Labour depuis bientôt dix ans et a engagé le parti à se renouveler dans un monde changeant. Surtout il a cherché à galvaniser les travaillistes face aux récents conflits internes du parti dont profitent des conservateurs régénérés par leur jeune leader de 39 ans, David Cameron.
Le charme austère du fils de pasteur écossais
Pour autant le leader travailliste n’a pas apporté de soutien clair à son Chancelier dont l’examen de passage s’était déroulé la veille dans un style beaucoup plus sobre et a, malheureusement pour lui, rapidement été éclipsé dans les médias par la remarque attribuée à Cherie Blair ! Et pourtant le discours de Gordon Brown était essentiel pour son avenir politique puisqu’il officialisait là sa candidature en bonne et due forme au poste de Premier ministre. Un exercice complexe pour le chancelier qui devait à la fois rester fidèle au chef du gouvernement pour ne pas raviver les accusations de trahison lancées contre lui au début du mois, tout en prenant ses distances vis-à-vis de Tony Blair pour sembler offrir du neuf aux travaillistes. Ainsi tout en se positionnant au centre, il s’est présenté comme l’homme de l’avenir en insistant sur les nombreux défis à relever et qui vont exiger un programme de gouvernement différent dans les dix prochaines années. Une vision qui a semblé convaincre les délégués à Manchester. Reste à savoir ce qu’en feront les électeurs britanniques qui sont loin d’être sensibles au charme austère de ce fils de pasteur écossais.
Enfin, au-delà, reste aussi la question du maintien au pouvoir pendant encore au moins neuf mois de son patron Tony Blair. En effet on se demande bien comment le Premier ministre va pouvoir, après tous ces hommages et ces adieux en forme de testament, retourner à Downing street et continuer à gouverner pendant encore 9 mois. Et la réponse que font beaucoup de délégués travaillistes, c’est que cette position est tout simplement intenable. D’ailleurs si on a d’abord évoqué son départ au 26 juillet prochain, au moment où Blair a dû se résoudre à évoquer la question il y a quelques semaines, un scénario beaucoup plus rapproché circule maintenant, selon lequel il annoncerait sa démission à Noël pour un départ définitif en février.
par Muriel Delcroix
Article publié le 27/09/2006 Dernière mise à jour le 27/09/2006 à 12:27 TU