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France

Echec de la «politique de la ville» en banlieue

Raid de police aux Mureaux (banlieue parisienne) le 4 octobre 2006. 

		(Photo: AFP)
Raid de police aux Mureaux (banlieue parisienne) le 4 octobre 2006.
(Photo: AFP)
Il y a un an de violentes émeutes secouaient les banlieues françaises trois semaines durant. La mort de deux jeunes gens électrocutés à Clichy avait été le déclencheur de violences qui avaient touché près de 300 communes -souvent territoires de relégation à forte proportion de populations immigrées. La relance de la «politique de la ville» conduite depuis, moyennant une batterie de mesures en faveur des quartiers sensibles, reste difficile à cerner en terme de bilan. Un an après, selon les derniers chiffres du ministère de l’Intérieur, pas moins de 2 458 policiers ont été blessés en mission lors du premier semestre de l’année. Face aux tensions latentes, les forces de l’ordre affirment leur présence dans des opérations que l’opposition qualifie de «show médiatico-policier».

Le 19 septembre dernier à Corbeil-Essonnes, l’agression de deux CRS suscite une vive émotion dans les rangs des forces de l’ordre. Le ministre de l’Intérieur promet alors que les auteurs seront retrouvés. Le 25 septembre, un coup de filet en présence d’une nuée de journalistes met sur le devant de la scène la cité des Tarterêts : la direction générale de la police nationale (DGPN) reconnaît avoir mobilisé «vingt-cinq enquêteurs de la Sûreté départementale des Yvelines et de la police judiciaire appuyés par 75 policiers de Sécurité publique et des CRS». Plusieurs élus locaux et de nombreuses organisations et associations regrettent la présence de la presse et dénoncent «une médiatisation de l’opération». Dans le même registre de faits divers, dimanche dernier, aux Mureaux (Yvelines), sept policiers sont blessés à coups de jets de pierres et de manches de pioche alors qu’ils tentaient d’interpeller un automobiliste refusant d’obtempérer. Trois jours après, mercredi, une personne est interpellée sous l’œil des caméras.

«Le ministre de l’Intérieur n’est en rien à l’origine de la présence sur les lieux d’une presse nombreuse», affirme la DGPN. Il n’en demeure pas moins que les forces de l’ordre veillent au grain et que la presse est là pour relayer l’information. S’agit-il d’un message à l’attention des délinquants pour que ces derniers prennent la mesure du rapport de force ? S’agit-il de sensibiliser l’opinion publique sur la nécessité de renforcer les rangs de la police ? Toujours est-il que les relations entre les policiers et la population des «quartiers sensibles» semblent se dégrader. D’après les chiffres du ministère de l’Intérieur, les policiers subiraient «près de quatorze agressions quotidiennes». A l’approche de l’élection présidentielle du printemps en France, les récents incidents semblent confirmer que le climat est loin d’être apaisé dans les banlieues mêmes où, à l’automne dernier, les échauffourées avaient eu lieu pendant trois semaines.

«Nous sommes sur une poudrière»

A quelques jours de la date anniversaire des événements qui avaient enflammé près de 300 communes, Malik (28 ans) confie au Figaro : «Avant, on détestait les flics, mais on ne les aurait jamais tapés. Maintenant les petits cognent dès qu’ils peuvent». Adil (19 ans) déclare : «Ce sont des rats. On les a bien caillassés pendant les émeutes et on va recommencer». De facto, les tensions sont bien réelles : «Les actes de violence visant nos fonctionnaires augmentent de façon exponentielle, déplore un haut responsable. Si la tendance se poursuit, le nombre de policiers victimes fera encore un bon de 15% en un an». Le ministère de l’Intérieur a fixé comme priorité en 2007 de «réduire la délinquance» et le budget prévoit 1 950 recrutements pour le secteur de la sécurité.

Cet aveu signe l’échec d’une «politique de la ville» pour Manuel Valls, maire socialiste d’Evry (Essonne) qui déclare que, un an après, «nous sommes sur une poudrière. Il y a toujours la même perte de repères, la même désespérance sociale. Il faudra beaucoup de temps et de travail en matière d’urbanisme, d’écoles, et de réformes profondes aussi en matière de fiscalité ou de logements». L’Etat n’a pas ménagé ses efforts notamment en matière de rénovation urbaine, allouant 100 millions d’euros supplémentaires aux associations, ce fameux tissu associatif que l’opposition accusait d’avoir bradé, et une augmentation de 25% sur deux ans du budget de la «Politique de la ville». Mais, souligne Claude Dilain, le maire PS de Clichy-sous-Bois : «Il faut remettre les choses à leur juste place. [Les sommes dépensées pour les banlieues] ne représentent que 0,35% du budget de l’Etat. C’est une tartufferie de penser que l’on règlera les maux des banlieues en faisant un effort aussi faible».

Depuis le début de 2006, la Seine-Saint-Denis a enregistré une «recrudescence (7,64%) de la délinquance peu connue jusqu’ici depuis de nombreuses années», selon le préfet Jean-François Cordet. Loin de s’être apaisée, la situation des banlieues est toujours prise dans une logique d’affrontements. De son côté, la place Beauveau tente de rassurer en livrant son analyse de l’explosion des statistiques d’agressions relayée par le Figaro : «La systématisation de nos interventions, plus dures qu’auparavant, perturbe l’économie souterraine des cités. Les voyous de banlieue ne tolèrent plus la vue d’un képi sur leur territoire», déclare la DGPN. Pour le ministère de l’Intérieur, cette situation est la résultante d’une politique de reconquête du terrain jusque-là abandonné aux bandes.



par Dominique  Raizon

Article publié le 04/10/2006 Dernière mise à jour le 04/10/2006 à 18:02 TU