France
2005-2006 : Les violences urbaines n’ont pas reculé
(Photo:AFP)
D’après les derniers chiffres de l’Observatoire national de la délinquance, «24 700 violences gratuites contre les dépositaires de l’autorité» (policiers, gendarmes, pompiers et enseignants) ont été enregistrées entre octobre 2005 et septembre 2006. Cela représente une augmentation de 9,78% par rapport à l’année précédente. «Même si certains faits sont sur-médiatisés, la hausse des violences contre la police est bien une réalité», déclare Michel Djabian, secrétaire général adjoint du Syndicat national des officiers de police (SNOP), en faisant référence à une série de faits divers dont la presse a beaucoup parlé ces temps derniers.
Des policiers se sont affrontés à des artistes-squatters qui se battaient lors d’une fête qui dégénérait. Ils ont essuyé des jets de pierre. Le fait divers a eu lieu à Ris-Orangis (Essonne), dans la nuit du samedi 14 au dimanche 15 octobre. Dans celle de vendredi à samedi, à Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), trois autres policiers avaient été agressés par une trentaine de jeunes «encagoulés qui les attendaient avec des armes de poing, des barres de fer, des bâtons», selon Loïc Lecouplier, secrétaire d’Alliance 93, le premier syndicat des gardiens de la paix. Le 19 septembre dernier, une agression de deux CRS à Corbeil-Essonnes avait placé sur le devant de la scène la cité des Tarterêts puis la commune des Mureaux (Yvelines). Les arrestations qui avaient suivi ont été qualifiées par l’opposition de «show médiatico-policier».
Avec quelque 2 500 agressions dans leurs rangs ces six derniers mois, les syndicats des policiers sont en colère. Ils condamnent «un climat d’impunité et de banalisation des agressions», selon Bruno Beschizza, membre du syndicat Synergie officier. Face à l’exaspération croissante des forces de l’ordre, les opérations de police, qui ont eu lieu dans ces banlieues parisiennes à grand renfort de caméras, ont eu un double objectif : montrer qu’il n’y a pas «impunité » et que la police est prompte à retrouver les fauteurs de troubles. Mais la Direction générale de la police nationale (DGPN) met en garde sur «la répercussion médiatique importante de ces échauffourées [qui pourrait] encourager les bandes de banlieue à recommencer ou à se défier». La DGPN relève que «depuis la médiatisation des échauffourées aux Tarterêts, il y a eu augmentation des violences à l’encontre des forces de l’ordre et les affrontements sont plus violents».
«Evitons, de façon ostensible de créer des abcès de fixation»
Les chiffres qui ont été publiés lundi paraissent à la veille de l’anniversaire des embrasements des banlieues et à quelques semaines de l’ouverture de la campagne de l’élection présidentielle de 2007. Chacun s’empare déjà, à droite et à gauche, des banlieues pour alimenter la future campagne. De leur côté, les syndicats de police préparent les élections professionnelles de novembre et exploitent aussi les chiffres. D’un côté, le directeur central de la sécurité publique (DCSP), Philippe Laureau, a contacté les responsables policiers des départements les plus concernés par les violences urbaines en région parisienne, dans le Nord, les Bouches-du-Rhône et le Rhône en faisant passer le message du «bleu sans surdose (…) évitons, de façon ostensible de créer des abcès de fixation». De l’autre, le SNOP, majoritaire, se montre à l’écoute de la «colère des policiers» et demande par exemple des «renforts» d’effectifs dans le département de Seine-Saint-Denis, affirmant que «les délinquants des cités du 93 s’apprêtent à fêter violemment les émeutes de l’automne dernier».
A droite, le gouvernement tente de rassurer et insiste sur le fait qu’il est trop tôt pour juger de l’efficacité de sa politique. Le Premier ministre, Dominique de Villepin, a déclaré : «La vigilance du gouvernement est constante. Nous savons qu’il y a des difficultés. Nous sommes là pour apporter des réponses. Nous avons fait du chemin depuis un an (…) Un effort qui s’inscrit aussi dans la durée». A l’issue d’une réunion avec des responsables d’associations et des acteurs travaillant dans des zones urbaines sensibles à Caen (Calvados), le ministre a insisté sur un nécessaire «renforcement de la coordination de tous les services de l’Etat dans le domaine de la prévention de la délinquance». Pour Nicolas Sarkozy, la fin justifie les moyens : il faut plus de répression, renforcer les effectifs des forces de l’ordre et mieux équiper les policiers en leur fournissant par exemple de nouvelles armes de défense comme le taser X 26 (un pistolet à électrochocs). Le ministre de l’Intérieur a promis «de faire tout son possible pour durcir la législation».
A gauche et dans le milieu associatif, l'accent est mis sur le manque de moyens alloués aux quartiers dits sensibles pour faire de la «prévention». «Cent millions ont été attribués aux associations et 600 millions aux élus locaux. Au bout d’un an, on s’aperçoit que ceux qui en ont profité sont les grands réseaux associatifs nationaux et les élus locaux, alors que les associations de terrain n’ont pratiquement rien eu du tout», regrette Hassan Ben M’Barek de Collectif banlieues. Jouer la carte de la répression exemplaire est un exercice périlleux : les associations redoutent «des provocations de part et d’autre». L’opposition partage ce point de vue, déplore «un chiffre tout à fait désolant» et dénonce un «échec» de la «politique de la ville» menée par le ministre de l’Intérieur depuis l’an dernier.
par Dominique Raizon
Article publié le 19/10/2006 Dernière mise à jour le 19/10/2006 à 18:01 TU