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Journée mondiale de lutte contre le sida

Comment vivent les malades sous traitement

Dix ans après l’introduction de la multithérapie dans le traitement du sida, peut-on dire que les personnes atteintes subissent une maladie chronique « comme une autre » ? Alors que l’épidémie continue de progresser, et que l’OMS publie des nouveaux protocoles de soins pour l’Europe, comment proposer la meilleure réponse possible aux riches comme aux pauvres?


 

Estimations OMS/Onusida 

		(Source : Onusida/OMS)
Estimations OMS/Onusida
(Source : Onusida/OMS)

Le sida cause moins de décès, mais de nouvelles complications graves apparaissent : tel pourrait être en bref le bilan des dix dernières années. Les chercheurs constatent que le nombre de morts causées par le sida est dix fois moindre, mais que les décès dont la cause n’est pas liée au sida augmentent : ils sont dus, près d’une fois sur deux, à des maladies intestinales, des atteintes du foie, des lésions rénales, des cancers (non liés au sida), des infections bactériennes du sang. D’après une étude portant sur près de 7 000 malades dans plusieurs villes nord-américaines, l’âge moyen de décès des personnes sous thérapie a reculé d’une dizaine d’années – sauf pour trois catégories de la population : les Afro-américains, les personnes n’ayant pas d’assurance santé privée et les usagers de drogues injectées.

S’il rend la charge virale « indétectable » chez 80% des patients et permet une certaine restauration, plus lente, des défenses immunitaires, le traitement ne guérit toujours pas la maladie, et le virus peut graduellement acquérir de la résistance aux médicaments. « On voit désormais des transmissions de virus résistants chez des gens nouvellement infectés, note le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’ARNS (Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites). Et 25%  des patients sont en échec face à nos traitements ». Les scientifiques constatent maintenant que, outre les effets indésirables à court terme, les traitements ont des conséquences à long terme, dont les mécanismes sont en cours d’élucidation. Une partie de la recherche actuelle vise à trouver des molécules qui pourraient contrer ces effets à long terme. Ces constatations proviennent surtout d’études faites dans les pays du Nord. Qu’en est-il au Sud ?

Recherche chinoise

D’après le rapport d’Onusida paru le 21 novembre, Le point sur l’épidémie mondiale de sida, le nombre de cas s’est considérablement accru en Asie du Sud-Est et en Amérique latine, tandis que parmi les nouvelles infections, 65% concerneraient l’Afrique subsaharienne. Pourtant, entre 2000 et 2005, poursuit le rapport, « grâce à des tendances positives en matière de comportement sexuel des jeunes – préservatif, début plus tardif de l’activité sexuelle, et diminution du nombre des partenaires – le déclin de la prévalence du VIH parmi les jeunes est évident au Botswana, au Burundi, en Côte d’Ivoire, au Kenya, au Malawi, en Tanzanie, au Rwanda et au Zimbabwe. » Avec l’augmentation des cas en Chine, la recherche chinoise est devenue extrêmement active, et des études de suivi effectuées à Hong-Kong montrent que, dans des cas de sida avancé, la survie moyenne sous traitement a doublé, passant de 3 à 6 ans. Même constatation au Brésil.

En Afrique, les études de suivi sont encore trop rares. Des articles sur deux d’entre elles figurent dans le numéro de novembre du journal spécialisé Aids. La première, réalisée à Abidjan, conclut à une réponse satisfaisante du système immunitaire des enfants au traitement proposé. La seconde, effectuée au Malawi, montre que chez des adultes sous ARV (antirétroviraux), le risque de décès est multiplié par six lorsque le malade souffre de malnutrition sévère. Ceci met encore une fois en évidence, ainsi que cela avait été souligné au moment du sommet de Toronto en août dernier, qu’une nutrition hautement vitalisante, telle que conseillée entre autres par la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), doit faire partie intégrante de la réponse au sida – et cela quel que soit le stade de la maladie.

Hépatites, virus et alcool

La complexité du traitement est grandement accrue lorsque le malade souffre aussi de tuberculose multirésistante, ainsi que d’hépatite B ou, plus souvent, d’hépatite C. L’association sida avancé-tuberculose résistante laisse peu d’espoir de guérison, et elle est un casse-tête pour les médecins traitants : les ARV augmentent en un premier temps la virulence de la tuberculose, et les deux traitements sont très toxiques pour le foie. Une étude de quatre années est en cours à Bamako, sous l’égide de l’Institut national de la santé américain (NIH) dans le but de mieux comprendre les interactions entre les deux maladies et d’en tirer des données pour toute l’Afrique. Pour ce qui est de l’hépatite C, les médecins constatent un besoin urgent de traitements plus efficaces, non toxiques et n’entraînant pas de résistances. Ils incitent aussi les malades, bien sûr, à réduire ou supprimer une consommation d’alcool qui est encore trop courante parmi eux.

Pour une partie des malades, cependant, le gros souci est d’atténuer les effets pénibles ou dangereux du traitement, et la déprime ou le désarroi aggravent souvent la souffrance dans une maladie où, comme le dit une patiente, « le plus important est de garder le moral haut ». Parmi les conséquences possibles à long terme, les chercheurs ont recensé et s’intéressent à la lipodystrophie (formation d’une ceinture graisseuse et amaigrissement du visage et des jambes), le diabète 2, les atteintes nerveuses périphériques (très douloureuses), la pancréatite (qui peut être mortelle), les insuffisances rénales, la toxicité hépatique, l’ostéoporose et la destruction des os, les maladies cardiovasculaires, les anomalies des hormones thyroïdiennes… Y a-t-il un facteur commun à tous ces troubles ? Pour certains chercheurs, ils peuvent être causés en partie par l’action des ARV sur les mitochondries. Les antirétroviraux perturbent en effet le travail de ces minuscules et indispensables centrales chargées de produire l’énergie dans chaque cellule du corps, quel que soit l’organe, la glande ou le système. D’où, en premier lieu, la fatigue ressentie.

Impact psychologique

En plus de la mise au point d’antirétroviraux de la « deuxième génération », une partie de la recherche des années à venir se concentrera donc sur de nouveaux médicaments susceptibles de contrer les effets toxiques des molécules actuelles… On ne peut donc pas dire que le sida devient « une maladie chronique comme une autre », avec un traitement presque anodin que l’on suivrait tranquillement à vie ; d’autant que l’impact psychologique et social de la maladie, dû encore à la peur associée et à la discrimination, reste lourd. Une partie des chercheurs s’intéressent à une stratégie plus globale qui proposerait des molécules naturelles ayant démontré leur utilité lors de différentes études in vivo : vitamines du groupe B, vitamines A et C, Carnitine, antioxydants comme le glutathion, etc. Des études ont montré, par exemple, qu’une grave carence en zinc augmente le risque de mourir du sida – on sait que le zinc est nécessaire au système immunitaire pour aider les cellules T, dont les CD4 et les CD8, à combattre les infections et les tumeurs. Une autre étude, menée sur quatre ans en Corée du Sud, a montré que l’adjonction de ginseng rouge à l’AZT diminue les résistances et augmente le taux de CD4. Pour ce qui est des plantes, le chardon marie et le Desmodium ascendens (plante africaine, bien connue des tradipraticiens et utilisée en cas d’hépatites) protègent le foie des atteintes toxiques : elles sont utilisées par une partie des malades, et des études pourraient être lancées sur leurs interactions avec les trithérapies.

A l’ère où, en Amérique du Nord notamment, on parle de plus en plus de « médecine intégrée », on perçoit l’intérêt thérapeutique d’une réponse plus globale à la maladie : suivi médical et analyses sanguines régulières, nutrition vitalisante, compléments vitaminiques et minéraux, plantes, psychologie afin d’apprendre à gérer la peur et les stress, etc. Mais, alors qu’on accède à peine un peu partout aux médicaments, quels gouvernements du Nord et du Sud, quels organismes ou fondations militeront pour que l’ensemble des malades y aient partout accès?

Pour en savoir plus, en français : www.anrs.fr ; www.catie.ca ; www.papamamanbebe.net ; www.passeportsante.net/fr/Maux/Problemes/Fiche.aspx?doc=sida_pm ;

En anglais : www.nlm.nih.gov/medlineplus/aids ; www.aidsonline.com

par Henriette  Sarraseca

Article publié le 30/11/2006 Dernière mise à jour le 30/11/2006 à 20:01 TU