par Myriam Berber
Article publié le 17/09/2008 Dernière mise à jour le 17/09/2008 à 20:34 TU
Présent dans plus de 130 pays, le groupe américain AIG est le troisième assureur mondial.
(Photo : Reuters)
Le sauvetage de l’assureur américain AIG par la Fed semble calmer quelque peu l’anxiété des marchés financiers. Les Bourses asiatiques, puis européennes ont démarré, ce mercredi, en hausse. Pour éviter une crise planétaire, l’Etat américain a, en effet, décidé, mardi 16 septembre 2008, de voler au secours de l’assureur AIG. La Réserve fédérale (la Fed) va prêter 85 milliards de dollars, sur deux ans. En échange, l’Etat américain recevra 79,9% de son capital. Les actionnaires actuels se retrouveront réduits à la portion congrue à l’issue de cette quasi-nationalisation. L’ensemble des actifs d’AIG qui se montaient à 1050 milliards de dollars à la fin juin, seront apportés comme garantie à la Fed.
Campant sur la ligne dure qui l’avait conduit à accepter la faillite de Lehman Brothers pendant le week-end, le secrétaire américain au Trésor, Henry Paulson, avait pourtant, lundi encore, exclu d’investir le moindre cent d’argent public dans AIG. Dans un premier temps, le Trésor a fait pression sur les banques Goldman Sachs et JPMorgan Chase pour qu’elles allouent une ligne de crédit de 70 à 75 milliards de dollars en faveur de l’assureur en difficulté. Lundi encore, AIG, autorisé à emprunter 20 milliards de dollars à ses filiales, négociait avec des investisseurs privés pour obtenir des fonds. Mais après un nouveau plongeon du titre AIG dans la journée de mardi, la Fed a été contrainte d’opérer un virage à 180 degrés et de sauver l’assureur.
Le risque d’effet domino
Alors pourquoi un tel revirement de la part des autorités financières américaines ? La Fed et la Trésor ont jugé que les conséquences d’une faillite d’AIG auraient été catastrophiques pour l’économie. Le risque d’effondrement, en dominos, de tout le système aurait trop grand. American Group est un conglomérat géant qui compte 74 millions de clients dans une centaine de pays. Ses activités s'étendent du leasing aérien à l'automobile en passant par la réassurance des crédits par les banques. C’est cette activité qui a mis l’assureur américain en mauvaise posture. AIG détenait, en effet, pour 441 millions de dollars de produits liés aux crédits immobiliers à risques (« credit default swap»).
Une faillite de l'assureur aurait eu des conséquences économiques dramatiques comme l’explique la Réserve fédérale dans son communiqué annonçant son plan de sauvetage d'AIG : « un démantèlement d'AIG aurait pu amplifier une fragilité des marchés déjà significative et aboutir à une hausse du coût du crédit, une réduction de la richesse des ménages et donc un affaiblissement de l’économie ». « Une banqueroute d’AIG serait un problème bien plus grave que toutes les crises que nous avons connues », avait résumé lundi Kenneth Lewis, le patron de Bank of America, première banque des Etats-Unis grâce à son rachat au cours du week-end du numéro trois de Wall Street , Merrill Lynch. Ce sauvetage est donc apparu comme une évidence pour Washington, tout comme celui des deux grandes agences de refinancement hypothécaire Fannie Mae et Freddie Mac, deux organismes considérées comme la clé de voute du crédit immobilier aux Etats-Unis.
Un sauvetage dont n’a pas pu bénéficier la banque d’affaires américaine Lehman Brothers, qui a annoncé lundi son dépôt de bilan, et dont le partage des dépouilles a commencé ce lundi. La banque britannique Barclays qui avait renoncé à se porter acquéreur de Lehman Brothers, a conclu un accord pour le rachat de certains actifs de la banque d'investissement américaine. Barclays versera 1,75 milliard de dollars au total, mais cette somme concerne surtout le rachat du siège à New York et deux centres de traitements de données dans le New Jersey. Cette acquisition devrait lui permettre de renforcer sa présence en Amérique du Nord et de retenir une partie des clients de Lehman qui fuient en masse la banque.
« Ne copiez pas ce qui se fait aux Etats-Unis, ne changez pas vos politiques, ne cédez pas à la panique » |
Avec notre bureau de Bruxelles Tel est l’appel aux dirigeants européens du président de l’Eurogroupe. Pour Jean-Claude Juncker, il ne l’a jamais caché : « La crise financière n’est pas terminée et l’Europe devrait en sentir les effets, mais de manière indirecte ». Il estime toutefois, « Inutile pour les Européens de céder à la tentation d’un plan de relance comme les Etats-Unis ». Selon lui, « Les sauvetages opérés récemment des organismes financiers ou d’assurances, dont le dernier en date est AIG, après Fannie Mae ou Freddie Mac, n’ont déjà apparemment pas beaucoup de sens ». D’une part, il estime « incertain que ces sauvetages auront un impact économique réel » ; d’autre part, il s’étonne de ce revirement interventionniste de la part des Etats-Unis, qui avaient jusqu’ici été les plus chauds partisans du « laisser-faire et laisser aller » et de l’autorégulation des marchés. « Pour l’Europe, martèle Jean-Claude Juncker, il faut à tout prix maintenir le cap politique et s’abstenir de plan de relance ». Ils ont d’ailleurs été unanimement condamnés, lors de la récente rencontre à Nice des ministres des Affaires économiques et financières. Tous voient dans les plans de relance, une des plus grandes erreurs des gouvernements européens des années 70. Ils se sont d’ailleurs engagés à ne pas jouer des dépenses publiques et à ne pas laisser filer les déficits. |
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