par Michèle Gayral
Article publié le 05/12/2008 Dernière mise à jour le 05/12/2008 à 20:53 TU
Le président vénézuélien, Hugo Chavez, présente à ses partisans son projet de changer la Constitution pour pouvoir briguer de nouveaux mandats, le 1er décembre 2008, à Valencia.
(Photo : Reuters)
Le président vénézuélien avait pourtant officiellement enterré cette prétention à la réélection illimitée, après l'échec d'une précédente tentative. Le 2 décembre 2007, les Vénézuéliens avaient rejeté par référendum, à une très faible majorité il est vrai, une réforme constitutionnelle qui comportait déjà cette clause. Le président s'était incliné : il avait dit qu'il quitterait le palais de Miraflores à l'issue de son actuel mandat, début 2013.
Qu'est-ce qui le pousse aujourd'hui à revenir sur cette décision vieille d'un an à peine ? Contrairement aux apparences, le moment n'est peut-être pas si mal choisi pour qu'Hugo Chavez relance son offensive. D'abord, il reste personnellement très populaire parmi ses compatriotes, qui l'apprécient à 57%. Et la baisse des cours du pétrole n'a pas encore produit sur la vie quotidienne des Vénézuéliens tous les effets négatifs qu'on peut en craindre. L'opposition, pour sa part, même si elle relève la tête, demeure fragile. Enfin, le vertige des dix ans au pouvoir que le président Chavez célèbre ces jours-ci lui a rendu peut-être d'autant plus insupportable la perspective d'un départ, sans perspective de retour, programmé dans quatre ans.
Le 6 décembre 1998, Hugo Chavez remporte le scrutin présidentiel avec 56% des suffrages. Cette première victoire électorale est le point de départ d'un véritable bouleversement au Venezuela. Dans ce pays de démocratie formelle, où les milieux politiques traditionnels, plus ou moins corrompus, cherchaient à perpétuer un bipartisme confortable et néanmoins propice à la consolidation des classes moyennes, cet admirateur du « Libertador » Simon Bolivar entreprend de faire table rase du passé. Mais avec, cette fois, toute la force légale que lui donne une élection en bonne et due forme et non plus par la voie militaire : le colonel Chavez avait échoué en 1992 dans une tentative de coup d'Etat contre le président Carlos Andres Perez.
S'enchaînent les consultations triomphales : en 1999-2000, ont lieu le référendum par lequel le peuple l'autorise à mettre sur les rails une nouvelle Constitution, puis l'élection d'une Assemblée constituante, suivie de l'approbation populaire du nouveau texte fondamental et enfin des élections générales conformes aux nouvelles règles en vigueur. Hugo Chavez se fait réélire en 2000, pour 6 ans, avec près de 60% des suffrages ; son parti le MVR obtient une majorité absolue à l'Assemblée nationale.
Désorientée, l'opposition se lance alors dans une stratégie suicidaire qui sera notamment marquée, le 11 avril 2002, par une fusillade confuse aux abords du palais de Miraflores, suivie du départ forcé d'Hugo Chavez... qui revient néanmoins dans les valises de militaires fidèles, quelques heures plus tard. Il récupère son siège, décidé à régler ses comptes avec ceux qui ont voulu le détrôner.
Autres initiatives désastreuses de l'opposition : elle a pris l'initiative d'un « referendum révocatoire » qui, le 15 août 2004, a tourné pour elle à la débâcle puisque sa bête noire est triomphalement confirmée par les électeurs à la tête de l'Etat ; elle a aussi boycotté les élections législatives de fin 2005, une démarche qui a débouché sur une Assemblée nationale 100% chaviste. Avant cela, en 2002-2003, il y avait encore eu cette « grève » décrétée en particulier par le patronat et par la puissante compagnie pétrolière PDVSA, rétive aux efforts que déployait le président pour en prendre le contrôle. Lorsqu'elle s'est piteusement terminée, en février 2003, Hugo Chavez a eu les mains libres pour purger enfin la PDVSA de son encadrement rebelle et en faire plus qu'une société à sa botte : l'instrument même de sa révolution socialiste.
Car plus que tout sans doute, c'est à la manne pétrolière qu'Hugo Chavez doit ses succès. Succès intérieurs : il déverse sur les pauvres des bidonvilles, son électorat de prédilection, d'énormes sommes pour améliorer les conditions de vie, la santé, l'éducation. Succès extérieurs aussi car, avec son pétrole, Hugo Chavez se constitue une véritable clientèle régionale de pays qui, à un titre ou à un autre, comptent sur son aide. « Petrocaribe » est l'un de ces programmes qui lui valent la reconnaissance de petits pays voisins, mais il noue nombre d'autres alliances internationales, telle l'ALBA, qui le lie notamment à Cuba, mais aussi à la Bolivie d'Evo Morales et au Nicaragua de Daniel Ortega, ces nouveaux chefs d'Etats voisins qui se placent résolument dans son orbite et s'opposent tout comme lui à Washington.
Hugo Chavez est-il aujourd'hui à un tournant ? Le sort qui sera réservé à son actuel projet d'amendement constitutionnel le dira, et sans doute très vite. Car ce président hors du commun veut maintenant brûler les étapes et soumettre à ses compatriotes avant la fin du mois de février la question qui l'obsède. Pourra-t-il fin 2012 se présenter encore une fois à leurs suffrages ? Même si tous les analystes insistent sur un prétendu trait du caractère national : l'espèce d'allergie des Vénézuéliens à la perspective de dirigeants éternels, Hugo Chavez compte bien prendre de court ses opposants et remporter son pari, au terme d'une campagne agressive, et plus personnelle que jamais.
Sur le même sujet