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Madagascar

Le sanglant bras de fer continue

par  RFI

Article publié le 08/02/2009 Dernière mise à jour le 08/02/2009 à 16:30 TU

Antananarivo se réveille sous le choc ce dimanche, après la mort d'au moins 40 personnes, une information RFI, au cours d'une manifestation de l'opposition qui a dégénéré dans la capitale. Son maire déchu, Andry Rajoelina, a pris la tête d'une haute autorité de transition. Les troubles politiques ont fait plus de cent morts depuis le 26 janvier, date des premières émeutes.

Les partisans d'Andry Rajoelina pendant la manifestation.( Photo : Stringer/ Reuters )

Les partisans d'Andry Rajoelina pendant la manifestation.
( Photo : Stringer/ Reuters )

Plusieurs dizaines de milliers de manifestants s'étaient regroupés hier sur la Place du 13-Mai hier. Le bouillant maire d'Antananarivo, Andry Rajoelina, s’est autoproclamé président d'une haute autorité de transition, il a aussi procédé à la nomination du Premier ministre de son contre-gouvernement, nommant Roindefo Monja, un homme politique de Tulear qui est le fils d’un leader indépendantiste historique, une des grandes figures de l’île ; Monzaf est un côtier et Andry Rajoelina avait insisté longuement sur la nécessité de respecter les particularités régionales de l'île.

Il est intervenu en malgache, en français et en anglais ; lors de son allocution en français et en anglais, il a aussi fortement insisté sur la légalité du mouvement disant que le peuple souverain détenait le pouvoir, et que Madagascar méritait mieux que la faim et la pauvreté. C‘est vers la fin de son discours qu'il a demandé à la foule – « J’ai une question à vous poser, voulez-vous que nous allions au palais présidentiel » – et la foule a répondu « Oui » en choeur. Elle a alors pris le chemin du palais présidentiel, le palais Ambohitsorohitra, qui hébergeait le bureau du maire avant l'accession au pouvoir de Marc Ravalomanana, en 2002, et est restée environ une heure sur la petite place de l’Indépendance qui mène au palais. Il y avait là une voiture sonorisée : les soutiens du maire sont intervenus les uns après les autres, le Premier ministre est aussi intervenu, cela a duré entre une heure et une heure et demi.

 Un homme essaye d'échapper aux tirs, près du palais présidentiel. ( Photo : Walter Astrada / AFP )

Un homme essaye d'échapper aux tirs, près du palais présidentiel.
( Photo : Walter Astrada / AFP )

Une délégation emmenée par le général Dolin, le directeur de cabinet du maire et aussi l'ancien président de l'Assemblée nationale, est allée renconter des militaires dans le palais présidentiel. Avant de s’y rendre, le général Dolin m’a dit qu’il ne servait à rien de recourir à la violence : « Le peuple est avec nous, il ne sert à rien de défoncer une porte qui est ouverte ». Mais après avoir rencontré un militaire du palais présidentiel, le général Dolin était visiblement énervé, disant : « Il n’y a personne, il n’y a pas de décideur, c’est à la foule de décider ». Il est allé retrouver les partisans du maire gagnés par l’impatience. Il y avait un faible cordon policier anti-émeutes environ une trentaine, qui bloquaient les quatre rues qui mènent au palais. Ce cordon a cédé, on a entendu une première détonation, apparemment une grenade incendiaire, et tout de suite après, dans la seconde, des tirs nourris pendant plusieurs minutes et on a entendu ces tirs près du palais et sur la place pendant 30 à 45 minutes.

Témoignage : le Dr Jacquot, qui était dans la manifestation

« Les tirs ont commencé sans sommation, à balles réelles... Les manifestants sur lesqules ont tiré les gardes étaient tout près, à 10 mètres... Ce sont des mercenaires qui ont tiré, pas des Malgaches » 

08/02/2009 par Ghislaine Dupont

Dans le milieu de l’après-midi le président Ravalomana a présenté ses condoléances lors d’une allocution à la télévision, mais il a dit que l’autre camp avait dépassé les bornes, que tout cela s’était passé alors que des pourparlers avaient lieu en coulisses avec l’autre camp. Le Premier ministre a annoncé que le couvre-feu allait être prolongé pendant une semaine et que les rassemblements étaient interdits, lançant un appel au calme : « Il est temps qu’on se parle et s’écoute ». Andry Rajoelina a aussi appelé la population au calme et a condamné la répression car pour lui il s’agissait de gens non armés et pacifiques.

Freddie Andrianal

Professeur d'économie à la faculté de la capitale

« Je suis là ce matin parce que nous avons un ami qui habite à 50 km d’ici. Nous avons l’information qu’il était parmi les victimes. C’est terrible, c’est terrible, inimaginable ; il a reçu une balle dans la gorge... »

08/02/2009 par Nicolas Champeaux


Le moment où tout a basculé

C'est au moment où la foule des partisans d'Andry Rajoelina a voulu rompre le cordon de sécurité, tenu par des gardes du palais présidentiel, que les tirs ont commencé. Selon des témoins, des gardes cagoulés ont visé les premiers rangs de manifestants qui se trouvaient à une dizaine de mètres. Ils ont tire à balles réelles, sans sommation.

Pris de panique, les manifestants ont reculé et se sont éparpillés. Il y aurait une quarantaine de morts. Des tirs sporadiques ont été entendus dans les heures qui ont suivi, il s'agirait selon certaines sources d'échanges de tirs entre les forces de sécurité de la présidence et celles de l'état major mixte que le maire d'Antananarivo avait appelé à la rescousse pour protéger la population.

Andry Rajoelina qui s'est autoproclamé président d'une Haute autorité de transition veut s'installer dans les bureaux du président Ravalomanana, le Premier ministre qu'il vient de désigner ne semble pas prêt a capituler. Malgré la mort de plusieurs dizaines de ses partisans tombés sous les balles, Andry « TGV » comme le surnomment ses supporteurs en raison de son caractère de fonceur a déclaré hier soir : « La lutte continue jusqu'à la victoire... »

RFI