par Nicolas Vescovacci ( Avec AFP et Reuters)
Article publié le 25/05/2009 Dernière mise à jour le 25/05/2009 à 17:23 TU
Des manifestants sud-coréens protestent contre le nouvel essai nucléaire en Corée du Nord, et brûlent des portraits du leader nord-coréen Kim Jong-il, à Séoul, le 25 mai 2009.
(Photo : AFP)
L’explosion aurait déclenché un « épisode sismique » de 4,7 sur l’échelle de Richter à 375 kilomètres au nord-est de Pyongyang, dans la ville de Kilju où le régime communiste avait déjà procédé à un premier essai atomique, le 9 octobre 2006. Les généraux nord-coréens se sont félicités de ce nouvel essai qui, selon le communiqué officiel, « contribuera à garantir notre souveraineté, le socialisme, la paix et la sécurité […] dans la région."
S’il est confirmé de source indépendante, cet essai nucléaire sonne comme un nouveau défi à la communauté internationale qui tente, sans succès depuis 2003, de convaincre la Corée du Nord de renoncer à l’arme atomique contre une aide économique et énergétique conséquente.
Diplomatie de « bord de gouffre »
La Corée du Nord est une adepte de la diplomatie de « bord de gouffre ».
Ses rodomontades et provocations à répétition s’inscrivent dans une longue tradition d’opposition, construite face aux ennemis historiques, les Etats-Unis et la Corée du Sud principalement. Lorsque ses responsables ne peuvent plus dicter l’agenda diplomatique. Lorsque la menace n’est plus efficace, les généraux n’hésitent pas à recourir à la panoplie des armes lourdes.
L’armée du peuple peut compter sur un arsenal classique de missiles plus ou moins précis et utilise l’essai nucléaire comme l’ultime moyen de sa dissuasion.
Percer la capacité nucléaire de la Corée du Nord a toujours été une priorité des puissances signataires du Traité de non-prolifération (TNP). En l’absence d’une véritable coopération du régime communiste, les nations engagées dans le marathon des négociations sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne ont dû faire évoluer leur position entre inflexibilité et nécessité d’aboutir à un succès diplomatique.
En octobre 2006, un premier test atomique avait forcé la communauté internationale à discuter selon les critères de la Corée du Nord. Un an et demi plus tard (juin 2008), la Corée du Nord remettait une première liste de ses matériaux et de ses programmes nucléaires. L’inventaire de ses activités tenait sur une soixantaine de pages. Le document évoquait des généralités. Et pour ménager la négociation, les Etats-Unis renonçaient à mentionner les questions de l’enrichissement de l’uranium et la fabrication d’armes secrètes. Le second essai de ce lundi marque sans doute l’échec de ce processus.
Désormais, les physiciens nucléaires auront vite fait de démontrer que ce second test était en préparation depuis des mois, que les techniques de fission de l’atome ne s’improvisent pas.
Questions autour d’un test
Voilà pourquoi ce test nucléaire soulève plusieurs questions.
D’abord, il y a débat sur sa puissance. Le ministère russe de la Défense parle d’un test souterrain de 10 à 20 kilotonnes, ce qui correspondrait à la puissance de la bombe atomique américaine lâchée sur Hiroshima le 6 août 1945. Rapporté aux techniques maîtrisées aujourd’hui par les Etats-Unis ou la France, cela reste très modeste, mais pas anodin. Ce serait cinq à dix fois la puissance de l’essai réalisé en octobre 2006.
Pyongyang a très vite revendiqué un « succès » que les scientifiques devront attester ou contester en fonction des données enregistrées.
Pour analyser ce qui s’est passé ce lundi, il faudrait pouvoir juger de la réalité des capacités nucléaires nord-coréennes. Yongbyon, le principal complexe atomique du pays, ne fonctionnait plus depuis le 15 juillet 2007. Son démantèlement était surveillé par les inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Or, ces ingénieurs ont été expulsés de Corée du Nord au mois d’avril 2009 et le complexe aurait repris ses activités d’enrichissement d’uranium.
Pour beaucoup d’observateurs, la présence de ces spécialistes étrangers n’a jamais garanti la transparence des programmes nord-coréens.
Selon l’Institut des sciences et de la sécurité internationale basé à Washington, la Corée du Nord disposerait, depuis plusieurs années, de 46 à 64 kilogrammes de plutonium dont 28 à 50kg ont été séparés. Cela suffirait à mener des essais atomiques et à fabriquer cinq à douze bombes nucléaires à l’abri des regards indiscrets. La Corée du Nord a d’ailleurs toujours refusé à l’AIEA un accès aux installations souterraines de la ville de Kilju, où se dérouleraient les essais.
Au pays de Kim Jong-il, il n’a jamais été question de remettre en cause les outils de souveraineté au profit d’une réintégration supposée dans le concert des nations.
Malgré les critiques internationales, y compris celles de la Chine, l’allié historique, la priorité des Nord-Coréens demeure la survie du régime.
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