par Dominique Raizon
Article publié le 03/01/2007 Dernière mise à jour le 03/01/2007 à 16:36 TU
D’après la revue britannique Nature, l’équipe internationale de chercheurs dirigée par le professeur Ellen Stofan du Proxemy Research, de Rectortown (Virginie), a décelé dans l’hémisphère nord de Titan, la plus grosse des lunes de Saturne, de véritables lacs circulaires de méthane ou d’éthane dont le diamètre varie de 3 à 70 kilomètres. Percer quelques secrets de Titan (5 150 kilomètres de diamètre) pour tenter de mieux comprendre les origines de la Terre, tel est le but de la mission planétaire Cassini-Huygens, la première mission spatiale d’exploration de Saturne.
La Nasa a réalisé le module d’exploration qui comprend deux éléments : un orbiteur chargé d’explorer Saturne, son atmosphère, ses anneaux et ses lunes, et une sonde de rentrée atmosphérique qui est chargée d’étudier son satellite, Titan. La sonde européenne Huygens a accompli sa mission en se posant sans encombre sur le sol de Titan le 14 janvier 2005. Aujourd’hui, les premières données reçues confirment la présence de lacs longtemps soupçonnés par les chercheurs.
Des mesures prises le 22 juillet dernier par le radar de Cassini montrent, selon les auteurs de l’article, plus de 75 grandes plaques sombres autour du pôle de l’hémisphère nord de Titan. Des chercheurs ont alors estimé que ce que l’on prenait pour des lacs n’étaient que des mers de sable avec des dunes de plus de 100 mètres de hauteur. L’étude des clichés plus récents indique qu’il s’agit de surfaces assez plates qui contrastent avec le terrain avoisinant et qu’il s’agit d’étendues de liquide, de roches ou de glaces.
Un certain nombre d’entre elles présentent des traits sombres et sinueux ressemblant à des tracés de cours d’eau au sol, et d’autres apparaissent comme confinés dans des dépressions -comparables à des cratères sur notre planète. En étudiant de près ces traits morphologiques, leur situation topographique et les preuves radio-métriques, l’équipe du Pr Stofan conclut qu’il s’agit de lacs d’hydrocarbures à l’état liquide, du méthane.
Selon les chercheurs, rapporte Nature, «ces lacs de l’hémisphère nord constituent la preuve la plus évidente jusqu’alors connue d’un cycle hydrologique actif de liquide pouvant se condenser à la surface de Titan et dans son atmosphère». «Plusieurs de ces lacs, précisent-ils, ne remplissent pas totalement les dépressions dans lesquelles ils se trouvent. Il existe, apparemment, des dépressions sèches. Notre interprétation est que les lacs sont dans différents états, remplis pour certains et partiellement pleins pour d’autres». Les chercheurs en déduisent que ces lacs évolueraient selon des saisons, se développant pendant des périodes froides au gré de précipitations de méthane, et se réduisant ou s’asséchant pendant des saisons plus chaudes.
Entre la Terre et Titan, des similitudes seulement
Hormis ces lacs d’hydrocarbures, l’analyse des clichés pris par la sonde ont permis de découvrir également la plus haute montagne jamais observée à la surface de ce corps céleste, s’étendant sur plus de 150 kilomètres de long et 30 de large, faisant apparaître des vallées. Les ombres portées permettent d’évaluer une altitude de l’ordre de 1 500 mètres. D’après les images, dotées de la plus haute résolution jamais utilisée pour des prises de vue de Titan, la montagne présente des couches de matière organique recouvertes par une matière très claire et brillante qui pourrait, selon les chercheurs, être composée de glace ou de neige de méthane -la présence de nuages de ce gaz, majoritairement présent sur Titan, ayant été également décelée au sommet de cette structure.
D’après les scientifiques, l’atmosphère de Titan s’apparenterait à celle de la Terre primitive, celle-là qui, il y a plusieurs milliards d’années, a favorisé l’apparition de la vie, concouru à son développement et sa perpétuation. Il est imaginable, qu’à terme, cette mission livre quelques éléments de réponse aux interrogations sur l’origine de la vie sur Terre. Toutefois, il serait erroné d’établir une comparaison plus avancée : dans sa globalité, l’atmosphère primitive de la Terre était majoritairement composée de dioxyde de carbone, comme sur Mars et Vénus, alors que l’azote et le méthane sont les gaz dominants dans l’atmosphère de Titan.
La mission Cassini-Huygens est un projet mené en coopération par la Nasa, l’Agence spatiale européenne (ESA) et l’Agence spatiale italienne. Elle est gérée par le Jet propulsion Laboratory (JPL) de l’Institut de technologie de Californie à Pasadena, qui a construit l’orbiteur pour le compte du Bureau des sciences spatiales de la Nasa (Washington). La sonde Huygens, quant à elle, a été choisie par le Comité du programme scientifique de l’ESA, en 1988. Quant au nom de baptême de la mission Cassini-Huygens, il rend hommage à Jean-Dominique Cassini, astronome français d'origine italienne du XVIIe siècle à l'origine d'observations fondamentales concernant Saturne, et à Christian Huygens, astronome néerlandais du même siècle, qui a découvert Titan.