Espace
Lancement à retardement pour MetOp
(Photo : AFP)
Aucune déficience n’a été détectée sur le satellite MetOp dont l’envoi, prévu initialement le 15 juillet, est reporté sine die. «C’est un problème de connexion entre la base de lancement et le lanceur Soyouz.2 qui a empêché le lanceur porteur du satellite de décoller. Il faut maintenant comprendre la nature de cette déficience dans l’ordre de lancement», explique Mario Delépine, responsable de la communication chez Ariane Espace.
MetOp a été mis sur pied conjointement par l’Agence spatiale européenne (ESA) et l’Organisation européenne pour l’exploitation de satellites météorologiques (Eumetsat). Le nouveau programme doit compléter les données fournies par les satellites européens Météosat, exploités avec succès en orbite géostationnaire depuis 1978 par Eumetsat. Il a pour mission d’améliorer considérablement la connaissance du climat et des changements visibles qui suscitent de vives inquiétudes pour l’avenir de l’humanité. Jusqu’à présent, de nombreux pays dépendaient des seules données procurées par les satellites de l’administration américaine de météorologie et d’océanographie (Noaa). Les nouvelles performances de ce programme européen signent la fin d’un monopole américain.
Suivre la formation des panaches de pollution, la dérive des températures planétaires sur une longue durée ainsi que les épisodes climatiques extrêmes (ouragans, canicules, inondations, sécheresse) et les émissions de gaz par les volcans devrait désormais être possible avec davantage de précisions que ce ne l’était jusqu’à présent. Un pas important vient d’être fait dans le domaine de la météorologie et de la climatologie pour observer l’état de santé de la terre. Le lancement d’un très gros satellite, de quatre tonnes et d’une hauteur de six mètres, baptisé MetOp, marque le début de la mission EPS, le système d’observation polaire d’Eumetsat (l’organisation européenne qui exploite les satellites météo).
Douze nouveaux calculateurs très prometteurs
MetOp, emportant à son bord de nouveaux calculateurs électroniques européens, est destiné à parcourir une orbite quatorze fois par jour afin d’observer l’atmosphère de manière beaucoup plus détaillée. Ses instruments de pointe devraient affiner les données fournies en parallèle par les huit appareils de l’administration américaine de météorologie et d’océanographie (Noaa). Il s’agit de compléter et non de remplacer les équipements anciens, qui ont également été embarqués dans le but d’assurer la continuité de données indispensables aux météorologues et aux climatologues. «Les deux systèmes sont complémentaires car il y a de nombreuses mesures qu’on ne peut pas faire en orbite géostationnaire (*)», explique le responsable du programme chez Eumetsat, Marc Cohen.
Parmi la douzaine de nouveaux calculateurs, quatre sont particulièrement prometteurs. Le sondeur atmosphérique appelé Iasi permettra de fournir 400 millions d’informations par seconde. Développé par le Centre national d’études spatiales (Cnes), l’agence spatiale française, il est le plus sophistiqué de tous : son système d’imagerie mesurant les radiations infrarouges émises par la terre devrait lui permettre d’établir des profils de température et d’humidité existant dans la partie de l’atmosphère comprise entre le sol et la stratosphère. «Si nous avions eu Iasi à l’époque, nous aurions pu prévoir les graves dommages infligés par l’ouragan Floyd au Royaume-Uni et en France en 1993 », estime Marc Cohen.
L’Agence spatiale européenne (Esa) a conçu, quant à elle, trois nouveaux instruments de mesure baptisés Ascat, Gome-2 et Gras. Ascat est l’outil qui permettra de mesurer la vitesse et la direction des vents à la surface des océans à l’aide d’un système de radar. Il pourra, en outre, effectuer des mesures précises des glaces terrestres et marines, ainsi que celles de la couverture neigeuse et de l’humidité des sols. Gome-2 doit prolonger le travail d’un instrument déjà existant et permettre d’étudier l’ozone dans les différentes couches de l’atmosphère. Quant à Gras, il s’agit d’un récepteur tirant parti de la présence de satellite de navigation terrestre (GPS) : il recevra les signaux émis par ces derniers après qu’ils auront traversé l’atmosphère. Les réfractions seront analysées pour réaliser des profils d’humidité et de température à haute résolution verticale.
Fin du monopole américain
Les satellites traditionnels survolent la terre à très haute altitude (36 000 km) en orbite géostationnaire. Jusqu’à présent seuls les Etats-Unis ont lancé des satellites sur une orbite basse, à 800 kilomètres d’altitude, passant presque au-dessus des pôles de la planète. Désormais MetOp va être en mesure d’effectuer les mêmes performances en passant quasiment au-dessus des pôles. Il apportera des données nouvelles en passant perpendiculairement à l’Equateur. «Ce qui est important avec la météorologie en orbite basse, c’est que nous serons capables de mesurer les températures, l’humidité, l’ozone, la pollution, la vitesse du vent et d’autres paramètres, ce qui est impossible avec une orbite géostationnaire», explique Arnaud Gisiger, ingénieur et chercheur en composants électroniques pour satellites. Le nouveau satellite permettra ainsi de mieux comprendre l’évolution du climat.
MetOp est héliosynchrone c’est-à-dire qu’il observera chaque point du globe aux environs de la même heure, vers 9 heures 30 en heure solaire locale, lorsqu’il descendra du nord vers le sud. Son homologue américain sera chargé d’effectuer les mêmes opérations l’après-midi. Lorsqu’il effectuera le trajet inverse, en remontant, MetOp observera la terre de nuit. Alors que la plupart des pays étaient tributaires des renseignement météorologiques et climatologiques recueillis et gracieusement fournis par les Etats-Unis, la tendance va s’inverser. «L’Europe fournira des données aux Américains. Nous leur rendons la pareille», s’est réjoui Yves Buhler.
Les trois satellites du programme MetOp représentent un investissement total de 2,4 milliards d’euros, dont 1,8 milliards à la charge d’Eumetsat, l’organisation européenne qui les exploitera, le solde revenant essentiellement à l’Esa. Le programme doit s’étaler sur quinze ans, chaque satellite ayant une durée de vie de l’ordre de cinq ans. En attendant, les météorologues tirent des plans sur la comète.par Dominique Raizon
Article publié le 27/07/2006Dernière mise à jour le 27/07/2006 à TU