par Dominique Raizon
Article publié le 10/04/2008 Dernière mise à jour le 23/05/2008 à 12:30 TU
Les papillons rassemblent plus de 200 000 espèces sur les quelque 1 750 000 connues à la surface de la Terre, et représentent donc à eux seuls plus de 10% des espèces répertoriées. En 2006, 28 espèces communes de papillons ont été identifiées en France. A l’issue du deuxième Observatoire des papillons des jardins, cette liste a été augmentée, en 2007, de 18 nouvelles espèces. Pour l’édition 2008, l’objectif des entomologistes est d’étoffer encore la couverture géographique et de renforcer le recensement dans l’est, le centre et le sud du pays.
Les papillons qui égaient les prairies, les jardins et les balconnières disparaissent de nos paysages. Pourtant, ce sont des pollinisateurs importants qui jouent un rôle crucial dans le fonctionnement des écosystèmes. En créant un réseau national de surveillance des espèces communes de papillons diurnes, l’OPJ réalise une vaste opération éco-citoyenne, visant à mieux comprendre les dynamiques écologiques, en lien notamment avec les changements climatiques.
entomologiste, lépidoptériste. « Les papillons sont parfois les seuls à polliniser des plantes grâce à leur très longue trompe. »Luc Manil
Les données collectées par les participants à cet observatoire reflètent, en effet, la réalité biologique de terrain : si l’OPJ détecte une expansion ou une régression d’une espèce, il possède alors un indicateur qui devrait permettre, ensuite, d’ajuster une politique de préservation de l’environnement.
D’ores et déjà, les facteurs responsables de la régression des papillons depuis une quinzaine d’années sont connus. L’utilisation d’insecticides, la raréfaction des habitats naturels due à l’urbanisation et à la standardisation des pratiques agricoles -telles que le remembrement par exemple ou la diminution du pâturage extensif-, l’éclairage électrique, enfin, ainsi que le réchauffement climatique constituent autant de nuisances écologiques pour ces insectes, auxquelles viennent s'ajouter les espèces invasives qui détruisent les populations locales.
entomologiste, lépidoptériste.
« Dans certains cas, l'espèce endémique a été pratiquement exterminée par un nouveau venu importé accidentellement. »
Avec quelque huit mille tonnes de produits sanitaires vendus chaque année dans les jardineries, l’utilisation des pesticides est responsable du quart de la pollution des eaux de surface et des nappes phréatiques. Les jardins représentant plus d’un million d’hectares, soit environ 2% de la surface de la France -quatre fois plus que les réserves naturelles-, les pratiques de jardinage constituent donc un enjeu de taille pour la préservation des espèces.
Vive les haies d’aubépine et de sorbier !
L’heure est au recensement et au constat, à l’étude des données, aux hypothèses et aux interrogations. « Il est encore trop tôt pour obtenir les données significatives sur le devenir des populations de papillons des jardins car les fluctuations observées entre 2006 et 2007 peuvent être également dues à des conditions ponctuelles et météorologiques », souligne les organisateurs du Muséum. Une année trop pluvieuse, un hiver trop rigoureux, un été et un automne plus ou moins chaud : le changement climatique a-t-il un impact sur les visites des papillons migrateurs tels que, par exemple, le Souci, le Vulcain ou la Belle-dame ? Probablement.
entomologiste, lépidoptériste.
« On trouve maintenant dans le nord de la France des espèces qui ne se trouvaient que dans le Midi. »
Plantes et papillons se courtisent mutuellement et négliger ou nuire à l’un revient à causer du tort à l’autre. Si les papillons n’affectionnent pas les jardins dessinés au cordeau, préférant plus généralement le tendre fouillis et les herbes folles, ils trouvent un habitat naturel dans les taillis fleuris d’essences variées et sauvages. Dès lors on peut s’interroger : quelles plantes auraient disparues, n’attirant plus par conséquent les papillons ? Quelles plantes se seraient raréfiées du fait qu’elles sont moins pollénisées ? Et l'arrivée des OGM jouerait-elle un rôle ?
entomologiste, lépidoptériste. « Des études ont montré que certains papillons peuvent avoir un développement ralenti voire une surmortalité dans le cas de l'utilisation de certains OGM. »Luc Manil
A titre d’exemple, l’ortie est emblématique, souvent maltraitée par les jardiniers qui la considèrent comme une « mauvaise herbe » et épandent des désherbants. Pourtant, cette plante herbacée qui affectionne, tout comme le chardon et les graminées, les haies, les fossés, les jardins et les décombres, est également l’habitat naturel où se reproduisent les papillons migrateurs, tels que le Vulcain et la Belle-Dame. Sa propre reproduction est assurée, en retour, par les insectes et par le vent. Faire la guerre aux orties revient à se priver de la chasse aux papillons.
… Et semer des tapis de violettes
Alors comment favoriser le retour des papillons dans les jardins, les prairies et sur les balconnières ? En semant des tapis de violettes, par exemple, pour séduire Grand Nacré et le Petit Collier Argenté ou de la jachère pour habiller les prairies de fleurs sauvages et attirer les Lycènes bleus, les Hespérides tachetées et les Piérides blanches ; ou bien en soignant son petit carré de plantes aromatiques de thym, de ciboulette, de cerfeuil, de basilic et de romarin et le border de fleurs colorées et parfumées comme la mauve et la lavande, la jacinthe ou l’héliopsis …
Pour s’inscrire :
Programme Papillons et jardins
Pour plus d'informations :- Programme Vigie Nature du Muséum d’Histoire naturelle
- Fondation pour la Nature et l’Homme : (cliquez ici)
- Les clubs de jeunes naturalistes : FCPN
A Lire :
- La Petite Tortue est-elle en train de disparaître du Poiton-Charentes (France, sud-ouest) in : La revue Insectes, un autre monde parmi nous (OPIE)
- Un papillon géant : Papilio antimachus sur le site de l'INRA-Opie (http://www.inra.fr/opie-insectes/be1893-2.htm)
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