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Rugby

L’école du respect

par Marc Verney

Article publié le 07/08/2007 Dernière mise à jour le 07/08/2007 à 11:14 TU

Des jeunes de la banlieue parisienne s'entraînent avec l'ancien international français Fabien Galthié.(Photo : AFP)

Des jeunes de la banlieue parisienne s'entraînent avec l'ancien international français Fabien Galthié.
(Photo : AFP)

Si le rugby est aussi un sport de combat parfois brutal, il est néanmoins porteur de valeurs humaines fortes comme la générosité, le respect des règles, le goût de l’effort, le courage… C’est ainsi une vraie école de vie qui a toute sa place au cœur du système éducatif français. Au collège Jules-Vallès de Vitry-sur-Seine, en région parisienne, des professeurs d’éducation physique et sportive font partager leur passion du ballon ovale à des gamins des cités environnantes.

Ludovic Tyburn, grand gaillard athlétique de 20 ans, est passé par la section rugby du collège Jules-Vallès de Vitry-sur-Seine (sud-est de la région parisienne). Il pratique désormais ce sport au club de l’Entente sportive de Vitry qui va « monter » en Fédérale 2 pour la saison 2007-2008. Une performance qui l’enchante et lui rappelle des souvenirs : « Je suis entré à la section rugby en sixième grâce à un ami ». Il joue actuellement dans la ligne des trois-quarts avec le numéro 12. S’il apprécie l’agressivité de ce sport : « J’aime plaquer », il admet que la pratique du rugby l’a aidé à trouver sa place, « l’important, maintenant c’est le groupe. On joue ensemble ». Et les limites qui vont avec : « On va appliquer les règles du rugby dans la vie »…

Vitry-sur-Seine, en région parisienne. 

		(Cartographie: Marc Verney/RFI)
Vitry-sur-Seine, en région parisienne.
(Cartographie: Marc Verney/RFI)

Pierre Chila, professeur d’éducation physique et sportive (EPS) au collège Jules-Vallès et l’un des initiateurs de la section rugby approuve l’attitude de son ancien élève : « On a le cliché des gamins des cités, des durs… mais dans le combat réglementaire du rugby ils ne sont pas plus agressifs qu’ailleurs ». Fondée en 1994, la section du collège Jules-Vallès de Vitry-sur-Seine est l’une des neuf sections rugby de la région parisienne. Toutes sont adossées à un club « support ». Si, selon Pierre Chila, la section peut donc aussi être un « vivier pour le club de rugby de Vitry », Thomas Zellner, un autre professeur d’EPS, insiste également sur le but pédagogique primordial de l’opération : « A travers les règles et les façons de jouer, les jeunes voient l’importance du respect ».

Un contrat de vie en commun

Le rugby peut être considéré, grâce à ses règles contraignantes, comme un sport qui prépare à la vie. Des notions comme la générosité dans l’action, le respect de l’adversaire y prévalent sur celle de compétition. On ne peut cependant nier le caractère parfois violent de la lutte pour la conquête du ballon. Et c’est paradoxalement cette lutte que se situe le cœur de l’action pédagogique de Pierre Chila et Thomas Zellner.

La trentaine d’élèves rattachés à la section rugby signent à la rentrée un « contrat d’objectif ».Celui-ci sera leur carnet de route durant toute l’année scolaire. Les professeurs y évaluent en permanence les progrès de l’élève en terme d’apprentissage de la technique rugbystique, d’hygiène (pas de cigarettes, une alimentation la plus équilibrée possible) mais également d’assiduité aux entraînements et de comportement face à l’adversaire.

Car, pour Pierre Chila, aujourd’hui, « la difficulté, ce sont les limites ». Et, poursuit le professeur, c’est notamment au sein de la section rugby, par le travail éducatif, que l’on peut inculquer aux élèves les plus turbulents ces repères indispensables à l’existence en société : « Les prédélinquants trouvent à se canaliser dans le cadre du rugby » martèle encore l’enseignant. Priorités : l’apprentissage de la rigueur, le respect des règles et de l’adversaire.

Planète ovale : le Mondial 2007 dans les classes françaises

Si certains collèges et lycées disposent de sections rugby permanentes, d’autres actions éducatives sont également menées en France avant le Mondial 2007. Planète ovale est un large projet éducatif mis en place par le ministère de l’Education nationale dès l’année scolaire 2005-2006. Bâti autour de l’entraînement à la pratique du rugby en collèges et lycées, il est placé dans la perspective de la Coupe du monde 2007. Au total, ce sont 63 000 élèves qui y participent dans le cadre de l’UNSS, le sport collégien et lycéen. Le but de Planète ovale est principalement d’intégrer de manière durable le rugby comme moyen éducatif au sein des lycées et collèges. Un tournoi national achève l’opération de septembre à novembre 2007. Dans le même sens, l’opération Scolarugby, organisée au niveau élémentaire (CE2, CM1, CM2), permet d’initier 140 000 écoliers à l’univers du ballon ovale.


Filles et garçons se passent la balle

Une action pédagogique qui débute très tôt : dès avant l’entrée au collège un tournoi organisé dans la région permet aux plus jeunes de s’orienter vers la section rugby du collège Jules-Vallès grâce à une dérogation à la carte scolaire. Et, dès l’entrée en sixième, les nouveaux collégiens participent aux entraînements du mercredi. Durant les deux premières années, les échauffements sont mixtes et les garçons et les filles se passent la balle sans mêlée ni contacts physiques rudes. Dans un environnement où les rapports hommes-femmes sont souvent difficiles cela permet d’apprendre –aussi- le respect de l’autre sexe.
Des filles au rugby ? « Ce sont les leaders, les grandes gueules qui y viennent », souligne Pierre Chila, qui indique, que, quand les collégiennes poursuivent leur entraînement au sein de la section, « dès la troisième, le comportement des filles change en mieux ».

Les championnats scolaires –là, les filles sont séparées des garçons- se jouent à sept jusqu’à la quatrième. Et c’est à ce niveau que le travail d’entraînement débute réellement : les équipes ont douze joueurs, il y a des mêlées et des touches ; de vraies combinaisons de jeu se mettent en place. « La notion de combat est abordée à ce moment », indique Pierre Chila. Toute la difficulté étant « d’apprendre à l’élève à chuter ou à plaquer » précise son collègue Thomas Zellner.

Les élèves ont, dès lors, la possibilité, s’ils en ont le désir et les capacités, d’évoluer vers le lycée Chérioux de Vitry-sur-Seine dont la section rugby a atteint en 2007 les phases finales du championnat de l'Union du sport scolaire (UNSS), le sport lycéen français. Des résultats qui augurent plutôt bien de l’avenir des sections rugby de la banlieue parisienne, situées si loin de la terre d’excellence du rugby français : le Sud-Ouest.

« Mon idole, c’est Umaga, l’ancien avant-centre des All Blacks, parce que j’aime son agressivité et son attitude », s’enflamme Ludovic Tyburn. Le gamin des cités de la banlieue parisienne a découvert le charme des troisièmes mi-temps lors d’un voyage à Auch, dans le sud-ouest de la France, en terre d’ovalie. … Sourire du professeur Chila, lui-même originaire du Midi de la France : « Malgré les apparences, il y a plus de blessures graves au football qu’au rugby »…
Présentation de l'opération Planète ovale sur le site de l'UNSS.