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Rugby

Le « french flair » gaulois bouscule l’ovalie

par Marc Verney

Article publié le 10/08/2007 Dernière mise à jour le 10/08/2007 à 15:05 TU

Le 14 janvier 1968, la France bat l'Ecosse 8 points à 6 à Murrayfield. Cette année-là, le XV tricolore remporte son premier grand chelem dans l’histoire du tournoi des Cinq nations.(Photo: AFP)

Le 14 janvier 1968, la France bat l'Ecosse 8 points à 6 à Murrayfield. Cette année-là, le XV tricolore remporte son premier grand chelem dans l’histoire du tournoi des Cinq nations.
(Photo: AFP)

C’est en 1872, au Havre, que marins et commerçants britanniques introduisent pour la première fois en France la pratique du rugby lors de joutes improvisées avec la jeunesse locale. Mais, bien avant cela, des villages du centre de la France, de la Bretagne et de la Normandie pratiquaient une castagne organisée nommée soule... Faut-il y voir là l’ancêtre français du rugby ?

Difficile de trouver les racines du rugby en France... Au cours de la guerre des Gaules, des légionnaires romains auraient amené avec eux le harpastum, un jeu dont les protagonistes se disputaient à la main une vessie remplie d’air. Un peu plus près de nous, au début du XIVe siècle, des villages entiers se sont livrés au plaisir de la soule (ou sole, choule). Les règles de ce jeu violent étaient fort simples : il s’agissait, par exemple, de porter une boule de bois ou une vessie de porc bourrée de foin sur la place du village opposé. Quasiment tous les moyens étaient bons pour parvenir au but, et le jeu tournait bien souvent à la bataille rangée. La soule fut régulièrement interdite par les autorités royales et religieuses en raison de sa trop grande violence.

Le jeu de la barette (ou barrette), hérité de la soule et pratiqué dans le sud jusque dans les années vingt ressemble lui aussi étrangement au rugby par le cadre, le ballon ovoïde et le but avoué : marquer un essai, par tous les moyens, derrière la ligne de but adverse. Mais la barette n’a pas la violence de la soule puisqu’il suffisait, pour arrêter le jeu, d’effleurer le porteur du ballon en criant « touché ».

French flair ?

Pour les nations britanniques, toute l’image du rugby tricolore tient en cette expression. Par ces mots est définie l’exception française dans l’univers du ballon ovale : un jeu très ouvert sur la ligne des trois-quarts, offensif et plein de panache, créatif et la plupart du temps totalement imprévisible… On dit qu’il est inspiré par l’ancien jeu de la barette où les joueurs devaient avant tout s’éviter et se lançaient dans d’épiques chevauchées solitaires pour aller marquer l’essai !


Le rugby à la mode britannique entre en France par le port du Havre en 1872, une cité qui commerce beaucoup avec l’autre côté de la Manche. Marins et commerçants anglais y organisent des tournois avec la jeunesse locale. Les règles, encore floues, s’inspirent à la fois des textes de la Football Association et de ceux de la toute nouvelle Rugby Football Association, née en 1871.

L’année 1878 voit l’arrivée du rugby à Paris : sous les yeux étonnés des Parisiens, des commerçants venus d’outre-Manche s’adonnent à leur sport favori sur les pelouses du bois de Boulogne. Un an après, c’est la naissance du Paris FC. Un peu plus tard encore, de retour de Grande-Bretagne, Pierre de Coubertin crée, le 20 novembre 1887, l’Union des sociétés françaises des sports athlétiques (USFSA). Sous la houlette du fondateur des Jeux olympiques modernes, le rugby en devient le tout premier sport collectif. Par la suite, écoles et lycées du pays s’emparent de la pratique de ce sport débridé et pourtant si réglé. En 1892, il y a un championnat de France de rugby… mais avec deux clubs seulement, le Racing et le Stade français.

Du Warwickshire à la Garonne

L’événement fondateur du rugby français moderne allait être, en 1899, la victoire, en championnat de France, du Stade bordelais (Sbuc) sur le Stade français par 5 à 3. Cette défaite des Parisiens allait faire basculer durablement le cœur de la pratique du rugby en France vers le Sud-Ouest. Dans son ouvrage, Voyous et gentlemen, une histoire du rugby (Découvertes Gallimard), Jean Lacouture avance une explication à cet engouement soudain d’une région pour le ballon ovale : l’attrait des Britanniques pour la région de Bordeaux et son vin… En effet, à la fin du XIXe siècle, de nombreux citoyens britanniques viennent s’installer sur les bords de la Garonne. Ont-ils inoculé le « virus » du rugby au pays de la soule et de la barette ? L’histoire ne le dit pas vraiment…

Le 1er janvier 1906, la date est historique : il s’agit du premier match international de l’équipe de France de rugby à XV. Les (déjà) formidables All Blacks infligent une terrible correction aux Français 38 à 8, qui réussissent néanmoins l’exploit de « passer » deux essais aux Néo-Zélandais. Quatre ans après, les rugbymen français sont invités à jouer dans le tournoi disputé depuis 1883 entre les quatre équipes britanniques. Le fameux tournoi des Cinq nations est né. Il faudra attendre plus de quarante ans avant de voir une équipe française le remporter…

Profession : rugbyman

La Fédération française de rugby naît en 1920. Mais l’époque est difficile : l’argent, qui fait son apparition dans un sport jusque-là amateur et la violence, qui fleurit dans les stades, forcent les Britanniques à exclure les tricolores du Tournoi à partir de 1931. Le tournoi des Cinq nations se relance à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Et il faut attendre 1954 pour voir la première victoire de la France (avec l’Angleterre et le Pays de Galles) dans la compétition.

En 1959, la France arrive seule en tête du Tournoi. Les joueurs français de l’époque s’appellent Lucien Mias ou Jean Prat. Le premier grand chelem, quant à lui est remporté par les tricolores en 1968. Ils en remporteront huit jusqu’en 2004. mais la grande affaire, désormais, c’est la Coupe du monde. Idée lancée dans les années 70-80 par Albert Ferrasse, le président de la FFR, la Coupe du monde de rugby voit s’opposer depuis 1987 les meilleures équipes nationales de l’hémisphère nord et de l’hémisphère sud.

En 2007, le Mondial du ballon ovale se déroule dans tout l’Hexagone (avec quelques matchs en Grande-Bretagne) du 7 septembre au 20 octobre. La France gagnera-t-elle « sa » Coupe du monde ? En tous cas, la fin de l’amateurisme, en 1995, ici comme ailleurs, a « tué » une certaine image du rugby, où l’esprit de clocher venait se juxtaposer à de torrides troisièmes mi-temps synonymes de beuveries et d’excès. Désormais, des clubs comme le Stade français, utilisant des stratégies marketing d’autres sports, montent à l’assaut du grand public… Verra-t-on le rugby hexagonal enfin dépasser sa traditionnelle zone d’influence au sud de la ligne La-Rochelle-Clermont-Ferrand-Bourg-en-Bresse ?

Plus en savoir plus :
Voyous et gentlemen, une histoire du rugby, par Jean Lacouture (Découvertes Gallimard),
Le rugby, par Daniel Bouthier (PUF, coll. Que sais-je ?).

Clin d'oeil:
L'album Astérix chez les Bretons, huitième album de la série Astérix le Gaulois paraît initialement en 1966 chez Dargaud. Le scénariste René Goscinny et son complice le dessinateur Albert Uderzo y livrent une vision hilarante de la société britannique... dont un célèbre match de rugby au déroulement perturbé par la potion magique de l'intrépide petit Gaulois...