par Marc Verney
Article publié le 09/08/2007 Dernière mise à jour le 09/08/2007 à 11:17 TU
Webb Ellis (1807 - 1872), «l'inventeur» du rugby, est enterré à Menton (sud de la France).
(Photo : Ville de Menton)
L’histoire officielle dit que c’est là, sur le bigside, le terrain de jeux de l’école, qu’en 1823, un élève de 16 ans assez culotté, William Webb Ellis, transgresse toutes les règles, prend le ballon à pleines mains et va le déposer derrière la ligne du but adverse. Le geste d’Ellis entre peu à peu dans les moeurs du collège de Rugby dans les années qui suivent. Et d’autres universités britanniques intègrent la nouvelle règle –qui introduit de la vivacité et de la dextérité- dans leur manière de jouer au foot-ball. Le premier club officiellement reconnu naît à Cambridge en 1839, le Guy's Hospital. Mais d’autres clament également la paternité du rugby : les Ecossais, qui donnent comme père du jeu à la main un certain Jim Mackie et surtout les Irlandais, avec le cad, un jeu pratiqué par des cousins d’Ellis… et qui aurait influencé le jeune élève turbulent de Rugby. Fondée en 1567, l’école de Rugby est l’une des neuf grandes écoles privées d’Angleterre, les public schools. L’un des plus célèbres directeurs de cette école a été sans conteste Thomas Arnold entre 1828 et 1841. Grand réformateur, il a exercé une influence sans précédent sur le système éducatif anglais. Le sport et le fair play comptaient beaucoup pour lui. Par ailleurs, il encourageait les élèves à prendre des responsabilités. Aujourd’hui, l’école continue d’offrir des bourses aux élèves les plus talentueux des écoles publiques de la région et finance entièrement, par le biais de la fondation Arnold, les études d’étudiants étrangers à Rugby.L’école de Rugby
Vessie de porc
En tous cas, en 1846, Thomas Hugues, écrivain et homme de loi, pose les bases du rugby moderne. Son ouvrage définit les trente-sept règles du rugby-football. Et notamment les positions sur le terrain de jeu : il y a déjà, les avants, agressifs, chargés de la conquête du ballon, les demis, qui orientent le jeu et les arrières, dont la rapidité et l’agilité doit les mener à l’essai. Le ballon est souvent une vessie de porc emplie de son et recouverte d’une enveloppe de cuir. La forme ovale ne s’impose pas d’emblée.
Décembre 1863 marque la sécession définitive des tenants du rugby-football d’avec les partisans du football-association, le dribbling game, l‘ancêtre du football moderne qui ne se joue qu’avec les pieds. Les rencontres de rugby d’alors se jouent à vingt joueurs et les mêlées restent encore des moments d’intense violence. L’année 1871 est cruciale : en janvier, naît la RFU, la première fédération du ballon ovale et en juillet de la même année, celle-ci accepte de nouvelles règles. Celles-ci imposent le placage à la place du controversé hacking, font disputer une mêlée après chaque faute et pénalisent les hors-jeux. Le premier match « international » se tient aussi cette année-là : l’Ecosse gagne face à l’Angleterre une transformation à zéro. Le succès du rugby est dès lors phénoménal. En 1883, naît un tournoi opposant les quatre équipes britanniques, Angleterre, Ecosse, Pays de Galles, Irlande.
Le monde devient ovale
Un succès qui ne va pas sans poser le problème de la rémunération des joueurs en raison de l’amateurisme affiché par les différents clubs. Certaines équipes du nord de l’Angleterre fondent la Northern Football Union en 1893. Et celle-ci autorise les équipes qui y sont affiliées à indemniser les joueurs –souvent ouvriers- pour le manque à gagner causé par la journée de championnat. Une scission qui sera, plus tard, à la base de la naissance du rugby à XIII.
En 1910, l’instance supérieure du rugby, l’International Rugby Board (IRB) -créée en 1880- autorise le XV de France à jouer dans le tournoi britannique. Un tournoi gagné pour la première fois par les Français en 1954 (victoire partagée avec l’Angleterre et le Pays de Galles). Au début du XXe siècle, la diffusion du rugby se fait majoritairement dans les pays de culture anglo-saxonne (Australie, Afrique du Sud, Nouvelle-Zélande…) mais aussi en Argentine, en Roumanie, dans le Pacifique... La première Coupe du monde de la discipline est organisée en 1987 en Nouvelle-Zélande et en Australie (victoire des Néo-Zélandais sur la France par 29 à 9).
En 1995, le professionnalisme gagne le rugby. C’est à partir de ce moment que le rugby entre dans une autre histoire : les rugbymen, devenus pros, intègrent, comme au foot, la logique de la concurrence sur le marché des joueurs… Les clubs, de leur côté ne représentent plus un terroir, mais souvent l’image d’un sponsor… L’argent coule en abondance. Les compétitions évoluent elles aussi : une coupe d’Europe des clubs naît l’année même de la professionnalisation du ballon ovale et en 2000, le tournoi des Cinq nations devient celui des Six nations avec l’intégration de l’Italie. Le rugby, devenu pro et formaté pour la télévision va-t-il séduire tout le monde ?Les précédentes Coupes du monde de rugby |
1987 (organisation Nouvelle-Zélande-Australie) : victoire en finale de la Nouvelle-Zélande sur la France 29 à 9. |
Plus en savoir plus :
Voyous et gentlemen, une histoire du rugby, par Jean Lacouture (Découvertes Gallimard),
Le rugby, par Daniel Bouthier (PUF, coll. Que sais-je ?).