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Niger

Incarcéré pour diffamation

Mamane Abou, journaliste et directeur de publication du journal le Républicain, incarcéré depuis le 7 novembre dernier pour diffamation et de complicité de vol et de recel de documents confidentiels, vient de passer un mois en prison. Ces avocats n’ont pu obtenir sa libération immédiate. Son affaire est mise en délibéré pour le 23 décembre.
L’affaire remonte au 17 juillet dernier. Dans les colonnes de l’hebdomadaire le Républicain le directeur de la publication, Mamane Abou, révèle des pratiques de malversations financières. Deux membres du gouvernement, le Premier ministre Hama Amadou et le ministre des Finances Ali Badjo Gamatié, sont nommément mis en cause dans les documents publiés. L’article dénonçait des dépenses engagées en dehors des règles budgétaires pour un montant de plusieurs milliards de francs CFA.

Dès son retour d’un voyage en France le 5 novembre, un mandat d’arrêt à son encontre a été délivré par un juge d’instruction. Il est poursuivi pour «diffamation contre le Premier ministre et le ministre des Finances, complicité de vol et recel de documents confidentiels». En effet, le journaliste avait réussi à se procurer des documents confidentiels des services du trésor de la République du Niger et signés des ministres concernés pour étayer ses arguments de malversations économiques. Dès le 7 novembre, il a été condamné à 6 mois de d’emprisonnement ferme, 300 000 francs CFA d’amende et 10 000 000 de francs CFA de dommages et intérêts en faveur des plaignants. Son incarcération a été immédiate à la prison de Say à quelque 55 km de la capitale Niamey.

L’inquiétude des journalistes

Ses avocats ont demandé en vain une liberté provisoire pour leur client, mais ont surtout fait appel de la décision de justice, qui finalement a été examinée le 9 décembre. Le tribunal a mis sa décision en délibéré pour le 23 décembre prochain. Depuis l’emprisonnement du journaliste, les partis politiques d’opposition, les associations de défense des droits de l’homme, des personnalités de la société civile manifestent pour exprimer leur réprobation et exiger la libération sans conditions de Mamane Abou.

Depuis le début de ces événements, au moins une manifestation par semaine est organisée en soutien au journaliste emprisonné. Le Conseil supérieur de la communication a officiellement demandé la libération de Mamane Abou, relayant les inquiétudes des journalistes face à «la propension du gouvernement à réprimer l’exercice indépendant du journalisme d’investigation par le recours à des voies détournées». «Mamane Abou a eu le courage de dénoncer les pratiques malhonnêtes d’un dirigeant du pays et, malheureusement, il en paye aujourd’hui le prix», a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières.

Les journalistes nigériens ont également considéré l’arrestation de leur confrère comme une pratique qui «vise à briser les activités de la presse». En effet, Mamane Abou est directeur de publication du plus important hebdomadaire, le Républicain, propriétaire de la plus grande imprimerie du pays où sont édités la plupart des journaux indépendants et surtout proche de l’opposition. C’est pourquoi de nombreux journalistes et hommes politiques évoquent clairement, à travers l’affaire Mamane Abou, un «règlement de compte». La Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) et l'Association nigérienne de défense des droits de l'Homme (ANDDH) ont saisi le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations unies à propros de la situation de Mamane Abou.



par Didier  Samson

Article publié le 09/12/2003