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Politique française

Quand les socialistes s’en prennent à Sarkozy

Lors de la séance des questions d’actualité à l’Assemblée nationale, le 28 avril, le ministre de l'Economie,  Nicolas Sarkozy a mis en cause la politique menée par le gouvernement de Lionel Jospin pour lutter contre l’antisémitisme en France. 

		(Photo : AFP)
Lors de la séance des questions d’actualité à l’Assemblée nationale, le 28 avril, le ministre de l'Economie, Nicolas Sarkozy a mis en cause la politique menée par le gouvernement de Lionel Jospin pour lutter contre l’antisémitisme en France.
(Photo : AFP)
Le nouveau ministre de l’Economie, Nicolas Sarkozy, est décidément la cible privilégiée des députés de l’opposition parlementaire qui le poussent à sortir de ses gonds chaque fois que cela est possible. Après un incident avec le socialiste Henri Emmanuelli qui avait déjà suscité un peu d’émoi dans le microcosme politique, voilà que Nicolas Sarkozy a mis en cause, le lendemain, lors de la séance des questions d’actualité à l’Assemblée nationale, la politique menée par le gouvernement de Lionel Jospin pour lutter contre l’antisémitisme en France. A sujet délicat, réactions indignées. Rien ne va plus entre la gauche et Sarkozy.

Quand la coupe est pleine, Nicolas Sarkozy n’y va pas avec le dos de la cuillère. Qu’on le chatouille d’un peu trop près sur ses attitudes de Premier ministre-bis, ou de présidentiable avant l’heure, et le ministre d’Etat du gouvernement Raffarin III répond oeil pour oeil, dent pour dent. Alors quand le député socialiste Philippe Martin lui a demandé des explications sur son récent voyage aux Etats-Unis aux allures de «visite d’Etat», le ministre de l’Economie a promis: «Vous n’allez pas être déçu de la réponse». Et, en effet, les socialistes ne l’ont pas été. Nicolas Sarkozy n’a pas hésité à mettre en cause l’action de son prédécesseur au ministère de l’Intérieur dans le gouvernement de Lionel Jospin, Daniel Vaillant, sur un sujet particulièrement sensible: la lutte contre l’antisémitisme.

Précisant qu’il avait été «l’invité de la totalité des associations de juifs américains qui ont souhaité remercier la France pour le combat déterminé que nous menons contre l’antisémitisme», il a ajouté: «Je vais vous faire une confidence, ça ne risquait pas d’arriver à M. Vaillant parce qu’après cinq années du gouvernement de M. Jospin, on était arrivé à faire croire aux Etats-Unis d’Amérique que la France était un pays antisémite». Brouhaha dans l’hémicycle, protestations outrées des socialistes et des communistes, qui décident de quitter l’Assemblée et demandent des excuses immédiates au ministre de l’Economie.

Deux incidents en deux jours

Cet incident n’est pas le premier du genre entre le ministre de l’Economie et les membres de l’opposition. La veille déjà, Henri Emmanuelli avait mis la pression sur Nicolas Sarkozy en déclarant à la presse que celui-ci l’avait menacé [«Fais gaffe à toi»], à la suite d’un échange de propos peu amènes [le socialiste l’aurait traité de «guignol»]. Première attaque en règle contre le manque de «sang-froid» d’un ministre d’Etat: «Si ce monsieur Sarkozy a des ruptures nerveuses, il faudrait que cela se passe ailleurs qu’à l’Assemblée nationale». François Hollande, le Premier secrétaire du Parti socialiste, n’a pas manqué d’enfoncer le clou ensuite en s’étonnant lui aussi du comportement de Nicolas Sarkozy: «Nous considérons que c’est grave qu’un ministre comme Nicolas Sarkozy perde ainsi son sang-froid». Et d’en appeler au chef de l’Etat, Jacques Chirac, pour qu’il le calme. Quand à Daniel Vaillant, il a carrément insinué le doute sur les résultats de son successeur place Beauvau. Il a ainsi affirmé qu’en attaquant injustement l’équipe Jospin, celui-ci «voulait peut-être aussi se dédouaner de la remontée des chiffres de la délinquance», faisant référence à la publication de statistiques qui mettent en valeur une augmentation de 10,4 % des crimes et délits contre les personnes au premier trimestre 2004.

Requinqués par leur large victoire aux élections régionales, les socialistes semblent avoir décidé de faire de l’homme le plus populaire du gouvernement leur cible privilégiée, dans l’espoir de le prendre en défaut auprès des Français. Face à ces attaques, Nicolas Sarkozy n’est pas homme à rester coi. Il n’a donc pas hésité à enfoncer le clou sur le problème de l’antisémitisme, quitte à provoquer une large polémique sur un sujet particulièrement sensible en France depuis quelques années, mais sur lequel, lui, qui a reçu le prix Simon Wiesenthal en 2003 pour son action dans ce domaine, se sent inattaquable.

Même si certains ont jugé la riposte osée, la plupart de ses amis politiques de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) ont volé au secours de Nicolas Sarkozy dans ce débat. Yves Jego, député de Seine-et-Marne, a déclaré que le Parti socialiste tente «de créer à chaque instant et chaque jour à l’Assemblée des polémiques pour faire oublier ses responsabilités dans la situation de ce pays». Quant à Pierre Lellouche, qui est à l’origine de la loi adoptée en février 2003 pour aggraver les peines destinées à sanctionner les agressions racistes et antisémites, il a abondé dans le sens de Nicolas Sarkozy. Il a ainsi rappelé que la France avait bel et bien été touchée par une augmentation des actes de cette nature entre 2000 et 2002, et que ce phénomène avait terni l’image du pays à l’étranger. «Alors que plusieurs centaines d’actes antisémites se sont produits en France à partir de 2000, il est exact que le gouvernement de Lionel Jospin et de M. [Daniel] Vaillant, son ministre de l’Intérieur, s’est borné à minimiser des évènements sans prendre les mesures qui s’imposaient». Un point de vue partagé par l’American Jewish Committee qui a publié, jeudi, un communiqué qui précise que«l’action de Nicolas Sarkozy au sein du gouvernement [en tant que ministre de l’Intérieur] a permis de changer sensiblement l’appréciation portée par les Américains sur l’image de la France face à l’antisémitisme».

Prié de prendre position dans cette polémique, lors d’une conférence de presse organisée à l’Elysée, jeudi, le président de la République Jacques Chirac a, quant à lui, botté en touche en se bornant à rappeler que «l’antisémitisme est un sujet trop grave pour entretenir la polémique». Reste à savoir qui, de son point de vue, est responsable de cette polémique.

par Valérie  Gas

Article publié le 29/04/2004 Dernière mise à jour le 29/04/2004 à 15:14 TU