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Politique française

Raffarin, acte III

Jean-Pierre Raffarin quitte l'Elysée un peu avant l'annonce officielle de la composition du nouveau gouvernement le 31 mars. 

		AFP
Jean-Pierre Raffarin quitte l'Elysée un peu avant l'annonce officielle de la composition du nouveau gouvernement le 31 mars.
AFP
La composition du nouveau gouvernement dirigé par Jean-Pierre Raffarin a été annoncée le mercredi 31 mars par le secrétaire général de la présidence, Philippe Bas, après trois jours de consultations intenses. Echanges de portefeuilles, recomposition des ministères et création de grands pôles (économie, social et intégration), retour en force des «vrais» politiques, sont les ingrédients de ce remaniement ministériel, critiqué tant et plus par l’opposition mais qui ne fait pas, non plus, l’unanimité à droite.
Comme prévu, Nicolas Sarkozy prend les commandes d’un super ministère de l’Economie, avec Dominique Bussereau, secrétaire d’Etat au Budget et Patrick Devedjian, ministre délégué à l’Industrie. Il conserve ainsi son rang de numéro deux du gouvernement. Il est remplacé à l’Intérieur par Dominique de Villepin qui cède le ministère des Affaires étrangères au commissaire européen chargé de la politique régionale, Michel Barnier. Jean-Louis Borloo passe, quant à lui, du ministère de la Ville à celui de l’Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale qui élargit donc ses anciennes attributions. Du coup, son prédécesseur François Fillon va essuyer les plâtres à l’Education nationale. Xavier Darcos passe du ministère de l’Enseignement scolaire à celui de la Coopération, du Développement et de la Francophonie. Dominique Perben conserve son poste de Garde des Sceaux. Tout comme Michèle Alliot-Marie qui reste au ministère de la Défense. Même tarif pour Gilles de Robien qui conserve le portefeuille de l’Equipement. Jean-François Copé demeure porte-parole du gouvernement mais échange sa place de secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement contre celle de ministre délégué à l’Intérieur.

Quant aux quatre ministres les plus critiqués de l’ère Raffarin II, Francis Mer à l’Economie, Jean-François Mattéi à la Santé, Luc Ferry à l’Education nationale, Jean-Jacques Aillagon à la Culture, ils disparaissent comme prévu de la liste gouvernementale. Les représentants de la société civile font place nette pour les politiques aguerris en vertu du principe d’efficacité. Seule Claudie Haigneré, ex-ministre déléguée à la Recherche, tire son épingle du jeu en devenant ministre déléguée aux Affaires européennes.

Parmi les entrants, on peut citer quelques personnalités politiques reconnues comme le maire de Toulouse, Philippe Douste-Blazy. Il récupère le ministère de la Santé et de la Protection sociale. Serge Lepeltier prend la tête du ministère de l’Ecologie en remplacement de Roselyne Bachelot. Renaud Donnedieu de Vabres, actuel porte-parole de l’UMP, prend les rênes du ministère de la Culture et de la Communication. La députée-maire d’Avignon, Marie-Josée Roig obtient le portefeuille de la Famille et de l’Enfance.

L’exercice auquel se sont livrés depuis deux jours le président de la République, Jacques Chirac, et celui qu’il a choisi de conserver, envers et contre tous, comme Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, était bien difficile. Comment gérer les conséquences d’une défaite électorale majeure aux dernières régionales en remaniant un gouvernement désavoué par les Français, tout en essayant de ne pas brûler l’ensemble de ses cartouches avant le prochain scrutin important, à savoir les européennes du 13 juin ? Il était en effet impossible pour Jacques Chirac de laisser les choses en l’état. Il a choisi de simplement ravaler les étages inférieurs de la maison gouvernementale, pour tenter de redresser la barre dans l’urgence, quitte à réaliser des modifications plus importantes si nécessaire dans trois mois. Et à laisser, alors, à un nouveau Premier ministre la possibilité d’incarner un véritable changement de politique. Cette potentielle fin prématurée du gouvernement Raffarin III, électoralement discrédité et politiquement affaibli, a certainement contribué à rendre la constitution du gouvernement longue et difficile. Certains ministrables étant peu enclins à se jeter dans l’arène en sachant qu’ils n’y resteraient que 100 jours.

L’UDF fait de la résistance

Le maintien de Jean-Pierre Raffarin à Matignon a été la décision la plus critiquée. Après la victoire sans précédent de la gauche aux élections régionales, elle fait figure de défi aux Français qui ont manifesté leur mécontentement en votant contre les candidats de droite dans la quasi-totalité des régions françaises. François Hollande, le Premier secrétaire du Parti socialiste a d’ailleurs estimé à ce propos : «C’est plus qu’une erreur, c’est une faute. En ignorant cyniquement le message de Français, il [Jacques Chirac] prend le risque d’aggraver les tensions sociales». A droite aussi, la reconduction du Premier ministre n’a pas fait que des heureux. François Bayrou, la patron de l’UDF qui incarne l’opposition dans la maison, a été particulièrement déçu de l’absence de volonté de «changement profond de la manière de gouverner» marquée par cette décision. Fort des bons résultats des candidats de l’UDF aux régionales, il a donc décidé de suivre sa logique jusqu’au bout en annonçant mardi que, dans ces conditions, les ténors de son parti ne participeraient pas au gouvernement. Au final, seul Gilles de Robien qui était déjà l’unique centriste du gouvernement Raffarin II, conserve son ministère de l’Equipement et des Transports.

Nicolas Sarkozy, l’homme providence de la majorité n’aura donc pas été appelé à remplacer Jean-Pierre Raffarin à l’occasion de ce remaniement. Ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle pour lui. En prenant la tête du ministère clef de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, il accède au rang de ministre d’Etat et renforce sa position de poids lourd du gouvernement. Il élargit aussi sa palette et se met en position pour être, si ses résultats sont à la hauteur de ses ambitions, l’incontournable candidat aux plus hautes fonctions de l’Etat. Le jeu des chaises musicales auquel se sont livrés les barons du précédent gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, donne aussi l’occasion à Dominique de Villepin de laisser les Affaires étrangères pour venir maintenant occuper, au ministère de l’Intérieur, un poste qui le rapproche des préoccupations des Français. Alors que Michel Barnier profite de l’occasion pour rentrer de Bruxelles où il était commissaire européen chargé de la politique régionale, et reprendre en main le prestigieux Quai d’Orsay. Quant à Jean-Louis Borloo, il monte en grade et se voit attribuer un grand ministère de la Cohésion sociale. Cette promotion fait un peu office de cadeau empoisonné dans un contexte marqué par l’exacerbation des revendications sociales, le repli communautaire ou encore l’augmentation des inégalités. Son prédécesseur aux affaires sociales, François Fillon reste au gouvernement mais se retrouve propulsé à l’Education nationale où sa tâche ne sera pas aisée après le passage d’un Luc Ferry très controversé. 

Le gouvernement Raffarin III cumule donc un grand nombre de handicaps alors même qu’il n’est pas encore entré en fonction. Il devra donc trouver rapidement des arguments pour convaincre les Français concernant la gestion d’un ensemble de dossiers sensibles, comme celui de la réforme de l’assurance maladie et du système de santé ou du chômage avec la loi de mobilisation pour l’emploi. L’exercice sera d’autant plus délicat que l’opposition n’a pas tardé à agiter la menace de la relance d’un mouvement social de grande ampleur, contre ce que le député socialiste Arnaud de Montebourg a qualifié de gouvernement «composé d’illégitimes». Après le toilettage de forme, reste désormais à la nouvelle équipe gouvernementale à trouver les arguments pour convaincre sur le fond... rapidement.



par Valérie  Gas

Article publié le 31/03/2004 Dernière mise à jour le 31/03/2004 à 18:45 TU