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Antisémitisme

Les pays d’Europe se mobilisent

Le président israélien Moshe Katsav et le chancellier allemand Gerhard Schröder lors de l'ouverture de la Conférence internationale contre l'antisémitisme à Berlin. 

		(Photo : AFP)
Le président israélien Moshe Katsav et le chancellier allemand Gerhard Schröder lors de l'ouverture de la Conférence internationale contre l'antisémitisme à Berlin.
(Photo : AFP)
A l’occasion d’une conférence de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) consacrée à l’antisémitisme, les 55 Etats membres, réunis à Berlin, ont adopté une déclaration qui condamne la résurgence de ce fléau sur le Vieux Continent. L’augmentation récente des actes à caractère antisémite dans plusieurs pays, en France notamment, est en effet appréhendée comme un véritable danger. L’OSCE a donc décidé de se mobiliser pour lutter contre ce phénomène, par exemple en mettant en place un organisme chargé de rassembler des statistiques fiables.

«Si Auschwitz n’a pas tué l’antisémitisme, qu’est-ce qui le fera?» Ces mots du prix Nobel de la Paix Elie Wiesel, lors de la conférence de l’OSCE à Berlin, montrent à quel point le souvenir de l’Holocauste reste gravé dans la mémoire des juifs et quelles inquiétudes provoque la résurgence d’actes antisémites dans les pays européens, au sein de cette communauté. Dans un contexte en effet marqué par une augmentation des comportements hostiles aux juifs, les membres de l’OSCE ont tenu à participer à la prise de conscience collective face aux dangers liés à ce phénomène et à rappeler à quel drame la haine des juifs avait conduit le continent lors de la Seconde Guerre mondiale.

Dans cette optique, le choix de Berlin pour accueillir une conférence sur l’antisémitisme est déjà en soi particulièrement symbolique. C’est, en effet, dans cette ville que les plans d’extermination des juifs ont été élaborés par le régime nazi. L’invitation du président israélien, Moshe Katsav, à participer aux débats en tant qu’observateur a aussi contribué à montrer la volonté des responsables européens de lutter contre la violence à caractère antisémite. Celui-ci a d’ailleurs saisi l’occasion de son déplacement en Allemagne pour saluer l’action du gouvernement de Gerhard Schröder en matière d’antisémitisme et le remercier de «sa politique très nette et très claire». Malgré tout, Moshe Katsav a aussi tenu à faire part à ses interlocuteurs des craintes de ses compatriotes sur la comparaison parfois réalisée entre «Israël et l’Allemagne nazie», en estimant qu’il y avait un «lien entre cette incitation et la violence contre les juifs dans les rues d’Europe».

L’influence du conflit israélo-palestinien

Et c’est bien là que se situe la question la plus difficile en matière de définition de l’antisémitisme. Où se termine la critique légitime de la politique israélienne et où débute l’incitation à la haine des juifs ? Pour le secrétaire d’Etat américain, Colin Powell, présent à Berlin, certaines limites ne doivent pas être franchies:«Ce n’est pas être antisémite de critiquer la politique de l’Etat d’Israël, mais la limite est dépassée quand Israël ou ses dirigeants sont diabolisés ou violemment attaqués à coups de symboles nazis ou de caricatures racistes».

Dans la déclaration adoptée à l’issue de la conférence, les Etats membres ont choisi de stipuler que «les développements internationaux ou les questions politiques, en incluant ceux en Israël ou dans d’autres endroits dans le Moyen-Orient, ne justifient jamais l’antisémitisme». Car il est indéniable que l’augmentation récente, dans les pays européens, des attaques verbales ou physiques contre les juifs, ou encore des profanations de cimetières ou des dégradations de lieux de culte, est liée au conflit israélo-palestinien.

Simone Veil, ancienne ministre française, actuellement membre du Conseil constitutionnel, mais surtout témoin et victime de la déportation des juifs puisqu’elle a été envoyée à Auschwitz à 17 ans, estime que «la vague d’antisémitisme date très exactement du début de la seconde intifada». Depuis cette date, explique-t-elle, «les juifs de France sont amenés à se justifier, à s’expliquer sur leur attachement à un pays [Israël]». Pour autant, Simone Veil ne veut pas mettre en cause globalement ses compatriotes sur cette question délicate et affirme que«la France ne fait pas partie des pays antisémites».

Dans un tel contexte, l’adoption d’une déclaration sur l’antisémitisme dans le cadre de l’OSCE vise à essayer d’éviter que les dérives notées depuis trois ans ne prennent une plus grande ampleur. C’est pourquoi au-delà de la dénonciation et de la condamnation du phénomène, les membres de l’organisation ont tenu à préconiser l’adoption de certaines mesures concrètes au niveau des systèmes législatifs ou dans les programmes scolaires. Le texte prévoit aussi de confier à l’Office pour les institutions démocratiques et les droits de l’Homme la mission (ODHIR) de «rassembler, conserver et rendre publiques» les statistiques sur les crimes antisémites en Europe.

Mais surtout, les participants à la conférence ont insisté sur les dangers de la diffusion de thèses antisémites sur internet. Le réseau, auquel près de 200 millions d’internautes ont accès en Europe, semble être devenu un vecteur de choix pour «propager la haine et recruter des sympathisants», selon un responsable de l’INACH (Réseau international contre la haine cybernétique). Du coup, la déclaration de Berlin stipule précisément que la propagande antisémite doit aussi être traquée sur la toile. Et l’OSCE a annoncé la réunion, en juin à Paris, d’une conférence sur le racisme et l’antisémitisme sur internet.

par Valérie  Gas

Article publié le 30/04/2004 Dernière mise à jour le 30/04/2004 à 15:10 TU