Politique française
Sarkozy défie encore Chirac
(Photo AFP)
Chirac n’a pas dit non, mais il est loin d’avoir dit oui au referendum sur la Constitution européenne. Bien sûr, tout est affaire de formulation. Le président estime que le moment de choisir comment devra être ratifié un texte, qui n’en est encore qu’au stade de projet, n’est pas venu. Fort de ses prérogatives institutionnelles, Jacques Chirac se réserve donc la possibilité d’opter pour une ratification par voie parlementaire ou par voie populaire. Et pourtant, à l’heure où les états majors s’engagent activement dans la campagne pour les élections européennes du 13 juin, la question de savoir si les Français seront consultés sur la Constitution de la nouvelle Europe des 25 revient régulièrement dans le débat. Elle est d’ailleurs posée surtout à droite. Le Parti socialiste, qui a engagé sa campagne sur le thème de l’Europe sociale, n’ayant pas tranché sur le referendum.
Dans ce contexte, la réunion du conseil national de l’UMP, le 9 mai, a donné à Nicolas Sarkozy une occasion rêvée de se positionner sur un sujet qui interpelle les électeurs. Comme à son habitude, il n’y est pas allé par quatre chemins pour argumenter sur les raisons qui le poussent à demander l’organisation d’un referendum : «Je ne vois pas comment il serait possible de dire aux Français (que) la Constitution européenne est un acte majeur et d’en tirer la conséquence qu’elle doit être adoptée entre parlementaires, sans que l’on prenne la peine de solliciter directement l’avis des Français».
Non à l’adhésion de la Turquie
En prononçant ces paroles alors même que le président de la République recevait le Premier ministre britannique Tony Blair, qui s’est déclaré favorable à l’organisation d’un referendum sur le texte constitutionnel dans son pays, Nicolas Sarkozy a donné encore plus de poids à son intervention. Tout en prenant garde à ne pas paraître irrévérencieux à l'égard au chef de l’Etat en affirmant qu’il «serait solidaire de la décision du président quelle qu’elle soit», le ministre de l’Economie a tout de même affirmé qu’il était déterminé à proposer des alternatives à la bonne parole présidentielle. «Il n’est pas interdit, il est même à mes yeux recommandé à la formation politique qui le [Jacques Chirac] soutient (UMP), d’avoir des idées et parfois des convictions». Applaudissements nourris dans la salle : les militants sont sur la même longueur d’onde.
Pour ceux qui ne l’auraient pas compris, les ambitions de Nicolas Sarkozy passent par l’UMP. Même s’il n’est pas encore, pour le moment, officiellement candidat à la succession d’Alain Juppé, le ministre de l’Economie se pose d’ores et déjà en homme fort du parti. Et comme si ses positions sur le referendum ne suffisaient pas à le placer en rival de Jacques Chirac au sein de la majorité, Nicolas Sarkozy n’a pas hésité à prendre le contre-pied du président sur la question de l’adhésion de la Turquie à l’Europe. Quant Chirac dit oui, lorsque le moment sera venu, Sarkozy dit non, un point c’est tout. Et l’UMP d’être du même avis que le ministre de l’Economie.
Décidément, le parti créé sur mesure pour soutenir le président commence à montrer des velléités d’indépendance. Entre la fronde incessante des partisans de François Bayrou qui refusent d’intégrer la grande famille de droite et la reconnaissance des courants, jusqu’ici inexistants à l’UMP, le ciment Chirac ne semble plus assez solide pour être le seul fondement de l’union de la majorité. Heureusement pour le chef de l’Etat, son Premier ministre est là pour rappeler que si les «débats» sont nécessaires, ils ne doivent pas faire oublier le rôle de chacun : le président «tranche», les autres «restent à leur place». Et les électeurs votent.par Valérie Gas
Article publié le 10/05/2004 Dernière mise à jour le 10/05/2004 à 15:42 TU