Turquie
Attentats: la police sur les dents
(Photo: AFP)
Les rafles organisées méthodiquement par la police turque dans les milieux suspects (islamistes, extrême-gauche, kurdes) n’auront pas suffi à empêcher les attentats qui se sont produits à quelques heures d’intervalles dans les deux principales villes de Turquie. En début de journée, une première déflagration a eu lieu à quelques mètres de l’entrée de l’hôtel Hilton d’Ankara, où le président américain doit résider samedi soir, à son arrivée dans la capitale turque. Un colis piégé a été déposé dans cette zone, pourtant sous haute surveillance. Il a été repéré mais a explosé alors qu’un policier était en train de l’examiner. L’homme a eu un pied arraché et a dû être opéré de toute urgence. Deux personnes, un membre des forces de l’ordre et un passant, ont aussi été blessées dans cet attentat. Quelques heures plus tard, une autre bombe a explosé dans un bus à Istanbul. Quatre personnes sont décédées parmi lesquelles la jeune femme soupçonnée d’être porteuse de l’engin. Une quinzaine d’autres passagers ou personnes se trouvant à proximité ont été blessées dans cette explosion. Une femme d’une cinquantaine d’année et une fillette de 8 ans se trouveraient dans un état très grave. Quelques heures après ces attentats, une bombe artisanale a encore été désamorcée par la police dans la ville de Yalova, proche d’Istanbul.
Les autorités ont indiqué que les deux attentats ont été perpétrés avec des explosifs identiques et ont immédiatement mis en cause les groupes de l’extrême-gauche turque. C’est d’ailleurs l’un d’entre eux, le Parti communiste marxiste-léniniste (MLKP-FESK), qui a revendiqué l’attaque d’Ankara. L’enquête a débuté immédiatement pour identifier les responsables des explosions et trois suspects ont été très rapidement interpellés à Istanbul. D’autre part, l’identité de la personne soupçonnée d’être la kamikaze qui a fait exploser la bombe d’Istanbul a été diffusée. Il s’agirait d’une jeune femme 29 ans, Semiran Polat, originaire de la province de Tunçeli. La police estime que l’engin qu’elle transportait a explosé de manière prématurée et que le bus où se trouvait la kamikaze n’était certainement pas la cible de l’attaque.
Une succession d’attentats depuis novembre 2003Ces attentats représentent un coup dur pour les autorités turques qui doivent accueillir le président Bush en visite officielle avant de recevoir, dans la foulée, 46 autres chefs d’Etat et de gouvernement pour le sommet de l’Otan, organisé à Istanbul. D’autant qu’ils rappellent que depuis quelques mois la Turquie est régulièrement frappée par des attaques terroristes. La série a été inaugurée en novembre 2003 par quatre attentats suicide organisés, à quelques jours d’intervalle à Istanbul, contre deux synagogues, le consulat de Grande-Bretagne et la banque britannique HSBC. Le bilan des ces explosions revendiquées par Al Qaïda a été particulièrement lourd (63 morts et des centaines de blessés). Quelques mois après, en mai 2004, la visite à Istanbul du Premier ministre de Grande-Bretagne, Tony Blair, a aussi été marquée par l’explosion de trois bombes posées devant des succursales de banques britanniques à Ankara et Istanbul.
Dans un climat aussi tendu, l’arrivée sur le sol turc de George W. Bush ne fait pas exception à la règle. La visite du président américain qui intervient dans un contexte marqué par les suites de l’intervention en Irak et les désaccords avec le gouvernement d’Ankara concernant notamment le déploiement des forces américaines en Turquie, refusé par le parlement, représente un événement à haut risque. Au-delà de la menace terroriste, des manifestations de protestation contre le sommet de l’Otan et la venue de George W. Bush sont d’ailleurs prévues à Istanbul dès samedi. Ces défilés font craindre des débordements malgré les dispositions prises par les autorités pour les canaliser et empêcher les manifestants d’accéder à la zone la plus sécurisée de la ville, «la vallée de l’Otan» où seront réunis l’ensemble des participants au sommet.
C’est pour cette raison que les autorités ont fait de la sécurité leur principale préoccupation. Le responsable du comité d’organisation du sommet, Umur Apaydin, a résumé la situation en déclarant: «La sécurité est le facteur numéro un pour ce sommet. Il faut qu’il y ait zéro erreur». Plus de 10 000 policiers ont ainsi été mobilisés pour assurer la protection de George W. Bush et des quelque 600 personnes de la délégation américaine qui doivent se rendre avec lui en Turquie. Les moyens mis en œuvre pour protéger l’ensemble des représentants des Etats participants au sommet de l’Otan sont tout aussi impressionnants. Vingt-six mille membres des forces de l’ordre ont été déployés à Istanbul et dans ses environs. La circulation de la ville a été bloquée sur la rive occidentale du Bosphore à l’intérieur d’un périmètre d’environ 10 kilomètres. La route côtière pour accéder à l’aéroport a été fermée et la traversée du Bosphore en bateau interdite. Le survol d’Istanbul doit d’autre part, être interrompu, de même que la circulation des bateaux de pêche. Des avions de surveillance Awacs doivent encore survoler la ville. Les efforts des autorités turques pour assurer la sécurité lors du sommet ont d’ailleurs été salués par le secrétaire général de l’Otan, Jaap de Hoop Scheffer, qui a déclaré: «C’est une lourde responsabilité pour nos hôtes turcs mais ils font tout ce qui est en leur pouvoir».
Malgré les attentats, aucun changement n’a d’ailleurs été décidé dans l’organisation de la visite de George W. Bush ou le déroulement du sommet de l’Otan. Le président américain dormira comme prévu à Ankara et rencontrera, le 27 juin, le président turc Ahmet Necdet Sezer et le Premier ministre Tayyip Erdogan. Il se rendra ensuite à Istanbul pour rencontrer ses homologues de l’Otan.
par Valérie Gas
Article publié le 25/06/2004 Dernière mise à jour le 25/06/2004 à 15:23 TU