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Turquie

Manifestations contre le terrorisme

Des milliers de manifestants ont défilé samedi dans les rues de plusieurs grandes villes turques, Istanbul, Ankara et Izmir, contre la violence, le terrorisme et pour la paix. Cette mobilisation intervient après les attentats qui ont eu lieu à Istanbul les 15 et 20 novembre, faisant 52 morts et près de 750 blessés. Le Premier ministre Recep Erdogan et le chef de la police d’Istanbul Calalettin Cerrah ont mis en cause la presse turque qui, dès le lendemain des attentats à la voiture piégée contre deux synagogues avait publié les noms et les photos de deux responsables de ces attaques-suicide. Le chef de la police a accusé les journaux d’ «irresponsabilité», alors que les autorités s’apprêtaient à arrêter les coupables. A ce jour, la police turque a interpellé 18 personnes en lien avec les attentats.
Paradoxalement l’arrivée au pouvoir il y a tout juste un an de l’AKP, un parti religieux dans une république pourtant laïque, n’aura pas épargné la Turquie des attaques de l’islamisme radical. Bien au contraire le pays apparaît aujourd’hui comme la scène privilégiée d’un terrorisme international à la recherche d’opérations d’éclat. A croire que la participation à la vie politique du parti du Premier ministre Recep Erdogan qui a su se couler dans les institutions républicaines, n’a fait qu’accroître la détermination des groupes radicaux islamistes, voués eux à la clandestinité, à renverser un Etat qu’ils jugent «illégal» à plus d’un titre. A leurs yeux en effet, la Turquie, même si elle a renoncé à envoyer des troupes en Irak à la demande insistante des autorités de Bagdad, reste un allié exclusif des Etats-Unis dans la région. Elle n’a en outre jamais caché ses relations privilégiées avec Israël avec qui elle entretient une coopération économique et militaire très poussée. Membre de l’OTAN, elle affiche enfin ouvertement sa volonté d’intégrer l’Union européenne et de s’ancrer définitivement dans le bloc de l’Occident.

Les attentats d’Istanbul, désormais qualifiés par la presse de «11 septembre turc», ne semblent pas avoir égratigné la détermination des autorités d’Ankara à se ranger dans le camp occidental. Le Premier ministre Erdogan s’est ainsi engagé à ce que «ce message de terreur soit balayé d’un revers de la main et piétiné». Selon lui, les auteurs de ces attentats meurtriers «devront payer le prix de leurs actions dans ce monde et dans le prochain». Soucieux toutefois de contrer les accusations selon lesquelles son gouvernement aurait baissé la garde face aux groupes islamistes radicaux depuis son arrivée au pouvoir en novembre 2002, Recep Erdogan a évoqué de possibles «déficiences» des services de renseignement turc. Dès sa première déclaration publique après les attentats, il expliquait en effet que les forces de sécurité étaient en train d’«évaluer l’ensemble des données du renseignement sur cette question». «Indubitablement, il pourrait y avoir eu des déficiences», avait-il notamment ouvertement déclaré.

Mais une fois reconnue cette possibilité, le Premier ministre a aussitôt réaffirmé la détermination de son gouvernement à lutter sans merci contre le terrorisme. «Nous avons certes des déficiences, a-t-il déclaré, et elles seront sans aucun doute rectifiées. Nous consacrons des efforts à cela». Il a toutefois insisté sur le fait qu’«aucune solution à 100% n’était jamais possible». «Le pouvoir du terrorisme, a-t-il ainsi fait valoir, vient du fait qu’il n’a pas d’adresse connue. On ne sait jamais quand, où et comment il va frapper». Et d’ajouter : «Montrez-moi un seul pays dans le monde qui a résolu ce problème. Un tel pays n’existe pas».

Coup de filet dans les milieux intégristes

Sur la sellette pour avoir été incapables de prévoir la deuxième vague d’attentats qui a frappé la grande ville du Bosphore, la police et les services secrets turcs mobilisent tous les efforts pour tenter de faire avancer au mieux l’enquête. Concernant les attentats de samedi, ils ont d’ores et déjà pu identifier les kamikazes qui ont fait sauter deux camionnettes piégées devant les synagogues d’Istanbul. Il s’agit de deux jeunes Turcs de 22 et 27 ans connus pour leur activisme au sein de la mouvance radicale islamiste locale. Six de leurs proches ont été interpellés dans le cadre de l’enquête. Le procureur de la Cour de sûreté de l’Etat les a d’ores et déjà écroués pour «tentative de renversement de l’ordre constitutionnel par la force» et «assistance à une organisation terroriste».

Sur les dents depuis les attentats de samedi, les forces de police turques ont dès jeudi procédé à de nouvelles interpellations. Le quotidien Hurryet croit ainsi savoir que sept nouveaux suspects ont été appréhendés et que les kamikazes à l’origine des attentats contre le consulat de Grande-Bretagne et la HSBC ont été identifiés. Il s’agirait ici encore de deux jeunes Turcs, militants radicaux reconnus, activement recherchés depuis les attentats contre les deux synagogues.

Alors que la responsabilité d’al-Qaïda est dans tous les esprits, le réseau d’Oussama ben Laden a une nouvelle fois confirmé, dans un communiqué en arabe publié vendredi sur le site Internet islamiste Al Moudjahidoun, son implication dans la vague d’attentats qui a frappé Istanbul jeudi. Les Brigades Abou Hafz al Masri –du nom du chef de guerre de la nébuleuse mort en 2001 lors des bombardements en Afghanistan– ont ainsi affirmé que les intérêts britanniques avaient été visés «pour briser la paix en Grande-Bretagne puisqu'elle combat l'islam». «Il faut que la Grande-Bretagne et son peuple sachent que leur alliance avec l'Amérique ne leur apportera ni prospérité ni sécurité», affirme notamment le texte qui justifie les opérations sur le sol turc en raison de l’appartenance de ce pays à l’OTAN, «alliance de croisés», et de ses liens avec «l'entité sioniste».


Ecoutez également


Mehmet Dülger, Président de la commission des affaires étrangères du Parlement turc (P. Ganz, 21/11/2003, 7'40")


Ecoutez Farida Ayari, l'invitée de la rédaction à 15H30 TU.(Ph. Lecaplain, 20/11/2003, 4'51")



par Mounia  Daoudi

Article publié le 22/11/2003

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