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Union africaine

Regain de panafricanisme

Vue d'Addis Abeba en Ethiopie. 

		Photo: Laurent Correau
Vue d'Addis Abeba en Ethiopie.
Photo: Laurent Correau
La Commission de l’UA propose une vision et une stratégie aux chefs d’État et de gouvernement africains.

Fin 2003, la Commission de l’Union africaine a concocté trois documents programmes qu’elle va soumettre à l’approbation des chefs d’État et de gouvernement lors du sommet d’Addis-Abeba (6-8 juillet). Ce «cadre stratégique 2004-2007» prévoit des plans d’action conformes à la «vision de l’Union africaine» défendue par le président de sa Commission, Alpha Konaré, qui entend promouvoir «une Afrique consciente de ses potentialités et déterminée à les exploiter, notamment par la mise en commun de ses moyens, une Afrique critique vis-à-vis de ses propres faiblesses et voulant participer activement aux échanges mondiaux… Une Afrique qui doit avoir le souci d’offrir à ses populations les biens et services de base à des coûts abordables».

Deux ans après sa naissance des flancs de l’OUA, l’Union africaine (UA) accouche d’un «plan stratégique» 2004-2007 (africa-union.org) dans lequel sa Commission tire sans complexes la leçon des erreurs du passé et ambitionne de se donner les moyens de sa volonté d’intégration d’un continent laissé pour compte de la mondialisation. Pour financer son programme volumineux, dûment chiffré et documenté, la Commission lance donc un appel à l’esprit civique panafricain pour remplir l’enveloppe minimum de 1,7 milliard de dollars, dont 600 millions pour «un fonds de la paix». Ses ressources actuelles n’en représentent en effet que 10%, les arriérés dus par plusieurs mauvais payeurs totalisant 45 millions de dollars. Mais, de l’OUA à l’UA, c’est finalement tout le fonctionnement de l’institution panafricaine qu’il s’agit désormais de réformer en profondeur, de décloisonner et de doter de cadres triés sur le seul volet de leurs compétences.

La Commission entend promouvoir culture du résultat et «bonne gouvernance interne» dans la machine bureaucratique de l’UA en développant de «nouvelles valeurs» telles que «la responsabilité, l'esprit d'équipe, le dévouement à l'idéal d'intégration africaine, la performance et l'intégrité...». Elle veut aussi en finir avec la «cacophonie institutionnelle» qui interdit toute coordination entre «une douzaine ou plus d'organisations économiques régionales et sous-régionales». Ses documents programmes appellent les Africains à reprendre en main au plus vite le destin d’un continent qui «constitue un bloc géographique cohérent et riche en ressources, mais longtemps soumis à des facteurs adverses», naturels parfois, comme la sécheresse qui a transformé 30% de ses terres en désert, mais humains le plus souvent, de la traite et la colonisation hier aux guerres et à la mauvaise gouvernance aujourd’hui. Avec 832 millions d’habitants soit 13% de la population mondiale, «l’Afrique n’accueille que 1% des investissements directs étrangers dans le monde, assure seulement 1% du PIB mondial et environ 2% du commerce mondial», rappelle en effet la Commission.


Des fresques avec drapeaux à l'interieur du bâtiment de l'UA. 

		Photo: Laurent Correau
Des fresques avec drapeaux à l'interieur du bâtiment de l'UA.
Photo: Laurent Correau

Relever le flambeau

Dans sa «vision d’avenir de l’Union africaine», l’organe présidé par Alpha Konaré s’interroge «sur l’efficacité des politiques d’ajustement mises en œuvre sur le continent à partir des années quatre-vingts», sous la pression des bailleurs de fonds occidentaux. Il suggère de combiner aux règles du marché des principes de solidarité, d’équité ou de développement humain durable et de miser sur la production «de biens manufacturés et de services de qualité» pour gagner «la bataille du marché intérieur et régional» grâce à une «division interafricaine du travail» établie dans des bassins économiques transfrontaliers, «avant de se lancer avec succès sur les marchés mondiaux». Mais au préalable, la Commission entend charpenter une volonté politique continentale capable de relever le flambeau du panafricanisme allumé au début du vingtième siècle. L’objectif est de conduire sur la scène mondiale une Afrique «intégrée, prospère et en paix, tirée par ses citoyens et représentant une force dynamique», avec notamment le concours de sa forte diaspora.

L’UA s’est déjà dotée d’un «Mécanisme d’évaluation par les pairs» devant lequel les dirigeants africains sont censés rendre compte de la conformité de leurs actions avec les engagements pris collégialement. La Commission préconise en outre l’adoption d’une «Charte africaine sur les élections, la démocratie et la gouvernance» qui définirait des normes minimales en la matière, mais aussi l’établissement d’instruments de suivi politique, économique et social. Pour promouvoir cette «vision partagée» auprès des peuples – et des électeurs – qui doivent être le moteur de l’intégration du continent – sans distinction entre le nord et le sud du Sahara –, la Commission a dressé le calendrier des événements à célébrer. Elle recense aussi les festivals, concours scolaire ou tournois sportifs destinés à populariser l’idée de l’unité africaine dans chaque région. La Commission n’a pas non plus oublié de prévoir des stratégies de communication pour donner chair et visibilité continentale et internationale aux «citoyens d’Afrique», à la «présence africaine» ou à la «fraternité afro-arabe».

De leur côté, toutes disciplines confondues, les décideurs africains sont invités à accorder leurs violons pour faire valoir un point de vue africain percutant dans les grandes négociations internationales et pour «renforcer les liens et les alliance stratégiques avec d’autres régions et avec les partenaires internationaux». L’élaboration d’un «pacte de partenariat entre l’Afrique et le monde arabe» donne lieu quant à lui à un chapitre particulier. Enfin, dans sa détermination à une autogestion grandissante, en matière de prévention et de gestion des conflits par exemple, l’UA entend parvenir en dix ans à une définition complète des frontières africaines, mais s’intéresse aussi bien aux questions foncières qu’à l’instauration d’une force panafricaine. Elle prévoit pour fin 2004 la création d’un «tribunal africain sur les mercenaires» ou encore le lancement d’un Centre africain d’étude et de recherche sur le terrorisme, à Alger.

Le lourd volet économique du programme ratisse large, de la «libre circulation des biens et des personnes» à la connexion physique et virtuelle (par Internet) des États africains entre eux et avec le reste du monde, de l’autosuffisance alimentaire à l’accès à l’eau potable, en passant par la production «made in Africa». Une monnaie africaine commune pourrait même voir le jour dans un avenir encore plutôt lointain. Bref, la Commission rêve d’une Afrique indépendante qui valoriserait ses patrimoines et ses savoir-faire jusqu’à présent plus souvent pillés et asservis que rémunérés à leur juste valeur. Mais vu de l’UA, pour compter aux yeux du monde, l’Afrique doit d’abord compter sur elle-même et produire de la valeur ajoutée.

Très concrètement, la Commission de l’UA a pris cinq engagements parmi lesquels la mise en place d’un acte harmonisé du droit des affaires, l’installation d’une cour africaine de justice ou un moratoire sur la peine de mort. Elle s’est également assigné quinze «grands travaux» dont la fabrication de médicaments génériques contre le Sida et le paludisme, la construction de route (Dakar-Djibouti, Alger-Lagos), de voies ferrées (Le Cap-Le Caire), de ponts (Kinshasa-Brazzaville sur le Congo, Sénégal-Gambie sur le fleuve Gambie et Tanzanie-Mozambique sur la Rovuma) ou d’un gazoduc (Alger-Lagos). En attendant l’hypothétique armée africaine, elle a programmé la création de brigades de sécurité régionales. Enfin, une école des métiers de l’écrit en Afrique et une maison panafricaine d’édition devraient contribuer à la renaissance culturelle du continent.

par Monique  Mas

Article publié le 05/07/2004 Dernière mise à jour le 06/07/2004 à 14:57 TU

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«Avant la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, qui se tiendra du 6 au 8 juillet 2004, différents organes spécialisés de l’Union africaine ont tenu leur assemblée ordinaire. Les quinze membres du Conseil de paix et sécurité ont évoqué plusieurs conflits qui secouent le continent confiant aux chefs d’Etat le soin d’endosser les responsabilités des solutions préconisées. Ecoutez la correspondance de notre envoyé spécial à Addis-Abeba, Claude Cirille.»

[05/07/2004]

«Le rapport très attendu du président de la Commission de l’Union africaine, Alpha Oumar Konaré, est un discours-programme dans lequel le règlement des conflits en Afrique occupe une grande partie. Pour la résolution du conflit en République démocratique du Congo et dans les pays des Grands lacs, le président de la commission africaine privilégie, avant tout, une réponse africaine. Claude Cirille, notre envoyé spécial à Addis-Abeba fait le point.»

[05/07/2004]

Ablasse Ouedraogo

Conseiller à la présidence de la Banque Africaine de Developpement, ancien ministre burkinabé des Affaires Etrangères

«Si, en Afrique, les pays riches ne veulent pas tirer les pays pauvres, c'est tout le monde qui va s'appauvrir.»

[06/07/2004]

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