Amérique Latine
Le sous-continent en quête d’intégration
(Photo : AFP)
De notre correspondant dans la région.
La Communauté sud-américaine des nations (CSN) qui est née cette semaine dans la ville andine de Cuzco, au Pérou, met en forme le rêve des grands libérateurs comme Simon Bolivar et José de San Martin qui voulaient construire, sans frontière, la Grande patrie américaine. Cette communauté regroupe les 5 pays andins (Bolivie, Colombie, Equateur, Pérou et Venezuela), les 4 du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay), plus le Chili, la Guyane et le Surinam.
« Ce nouveau bloc s’inspire de la manière dont l’Union Européenne s’est forgée », a expliqué le chancelier péruvien Manuel Rodriguez. « Nous serons 361 millions d’habitants, précise-t-il, avec un produit Intérieur Brut de 973 milliards de dollars et des ressources importantes en pétrole, gaz, minerais et eau douce. La superficie de ce nouveau bloc dépasse les 17 millions de km2, ce qui représente 85 % de l’Amérique latine et des Caraïbes et environ 45 % du continent Américain. La Communauté Sud-américaine des Nations (CSN) sera donc la communauté la plus importante d’Amérique latine ».
300 projets, 37 milliards de dollars
Les pays de cette région se sont fixés comme objectif l’unité politique et commerciale mais aussi l’intégration physique et énergétique. Pour cela les présidents sud-américains ont convenu d’un cadre de travail appelé Initiative d’intégration régionale sud-américaine (IIRSA) qui compte 300 projets d’une valeur de 37 milliards de dollars. Ils s’agit de réaliser dans un premier temps, entre 2005 et 2010, 31 projets qui représentent un investissement de 4,3 milliards de dollars.
Cette communauté veut se doter, comme l’Union européenne, d’outils et d’institutions communautaires supra-nationales. « Tôt ou tard, a déclaré Alejandro Toledo le président du Pérou, nous aurons une monnaie unique et un seul passeport. Tôt ou tard, nous aurons un parlement avec des représentants élus directement par cette nation qu’aujourd’hui nous créons ». Dans un même enthousiasme, le président du Brésil, Lula da Silva, a souligné lors de son discours inaugural que « cette nouvelle communauté ne sera pas purement rhétorique et qu’il faudra engager toutes les négociations possibles pour que le rêve de Simon Bolivar se concrétise dans les prochaines années ».
Concurrence nord-américaine
Les premières mesures concrètes de cette nouvelle communauté passeront par l’élimination des barrières douanières, l’ouverture des marchés intérieurs et le développement de projets communs. En effet, les communications entre les pays sont mauvaises. Par exemple : il n’existe pas d’autoroutes reliant les capitales entre elles, les vols intérieurs sont chers et peu nombreux, le chemin de fer inexistant ou excessivement lent et ancien. Le Brésil et le Pérou ont fait le premier pas en signant un accord bilatérale pour la construction d’une autoroute reliant l’Atlantique au Pacifique.
Le plus sceptique des présidents de cette communauté est le Chilien Ricardo Lagos qui estime que la mise en place de ce groupe sud-américain sera difficile à cause des asymétries économiques qui existent entre les pays, soulignant d’autre part que la CNS voit le jour avec le poids d’une dette extérieure qui dépasse les 315 milliards de dollars. Mais derrière ce scepticisme se cache la relation particulière du Chili avec le groupe de l’ALENA (Etats-Unis- Canada –Mexique) auquel il appartient.
Cet accord sud-américain ne devrait pas plaire à Washington qui, ne l’oublions pas, veut imposer la Zlea, la zone de libre échange des Amériques, de l’Alaska à la Terre de Feu.
par Patrice Gouy
Article publié le 10/12/2004 Dernière mise à jour le 10/12/2004 à 16:48 TU